Mme Sylvie Tolmont interroge Mme la ministre des armées sur la restriction d'accès aux archives du service historique de la défense. Le service historique de la défense (SHD) a annoncé avoir reçu des consignes de la part du Secrétariat général de la défense et de la sécurité (SGDSN) et des autorités du ministère des armées quant aux conditions de communication des fonds d'archives contenant des documents de plus de cinquante ans portant des mentions de classification. En effet, en application de l'instruction générale ministérielle dite « IGI 1300 », laquelle date pourtant de 2011 les conditions de classification et de déclassification deviennent plus rigoureuses. Ainsi, des documents confidentiels de défense de plus de 30 ans et des documents de secret défense de plus de 50 ans ne sont plus accessibles puisque les nouvelles consignes prévoient, notamment, que les archives soient déclassifiées physiquement, pièce à pièce avant toute communication. Ces nouvelles modalités issues de l'IGI 1300 sont contraires aux dispositions du code du patrimoine, telles qu'issues de la loi du 15 juillet 2008, lesquelles prévoient que la communication des archives publiques est, de plein droit, à l'expiration d'un délai. Ces nouvelles prescriptions sont également contraires au droit d'accès aux documents d'archives publiques et au droit à l'accès aux documents administratifs reconnus respectivement par le Conseil constitutionnel dans ses décisions n° 2017-655 QPC du 15 septembre 2017 et n° 2020-834 QPC du 3 avril 2020. Au final, ces nouvelles conditions ont pour impact d'allonger les délais de mise à disposition des archives, d'alourdir sensiblement le travail des archivistes, lesquels peuvent voir engager leur responsabilité en cas de mauvaise application des nouvelles méthodes. Cette restriction aux archives constitue également un frein aux travaux entrepris par des chercheurs-historiens et prive historiens comme citoyens de la possibilité de les consulter, alors que le Président de la République a récemment soutenu que les archives de la guerre d'Algérie ne devaient plus être réservées aux seuls historiens, afin qu'un « travail politique mémoriel » puisse être entrepris. L'aura internationale de la France pâtit de l'application de ces nouvelles normes, comme l'a souligné un collectif de chercheurs français et étrangers, en février 2020, dans une tribune au journal Le Monde en évoquant une « atteinte très sérieuse à la réputation de la France dans le domaine de la recherche historique ». C'est pourquoi elle souhaite connaître ses intentions face à ses restrictions, imposées de façon discrétionnaire, afin de garantir l'accès de plein droit aux archives et à la mémoire collective.
Les archives publiques sont, en vertu de l'article L. 213-1 du code du patrimoine, « communicables de plein droit », le cas échéant à expiration des délais prévus à l'article L. 213-2. Ce principe ne saurait être remis en cause par des dispositions de niveau réglementaire. Ainsi, les difficultés rapportées par certains chercheurs pour accéder aux documents d'archives classifiés ne trouvent pas leur origine dans les dispositions, réglementaires, de l'instruction générale interministérielle n° 1300 relative à la protection du secret de la défense nationale mais bien dans celles, législatives, du code pénal. Depuis 1994, en effet, sont protégés par le secret de la défense nationale, en vertu de l'article 413-9 du code pénal, l'ensemble des documents intéressant la défense nationale ayant « fait l'objet de mesures de classification destinées à restreindre leur diffusion ou leur accès ». Cette définition du secret, strictement formelle, fait obstacle à une déclassification « automatique » ou de facto. Un document marqué d'un timbre de classification est, en effet, au sens de l'article 413-9 précité, un document ayant fait l'objet d'une mesure de classification. Sa divulgation est donc, quelle que soit son ancienneté, de nature à exposer tant les archivistes y ayant donné accès que les chercheurs y ayant accédé à des poursuites pénales, du chef des délits prévus aux article 413-10 à 413-12 du code pénal, usuellement qualifiés de « compromission ». La sécurité juridique de l'ensemble des acteurs impose que tout document classifié, même communicable « de plein droit » en vertu des dispositions du code du patrimoine, fasse, avant communication, l'objet d'une mesure de déclassification. Celle-ci se traduit notamment par l'apposition, sur le document, d'un timbre de déclassification. Cette opération doit, par ailleurs, permettre à l'administration de déterminer la date de départ du délai de 50 ans susmentionné. Si ce délai, en effet, court à compter de la date d'émission du document quand ce dernier est isolé, il trouve, en revanche, son origine, quand le document demandé est inclus dans un dossier, à la date d'émission du document le plus récent inclus dans le dossier. Afin d'alléger les procédures de déclassification, un mode opératoire permettant au directeur du service historique de la défense de déclassifier les documents "au carton" et non plus document par document a été expérimenté pour les documents émis avant le 27 octobre 1946. Donnant satisfaction, ce dispositif va être étendu prochainement pour tous les documents émis avant le 1er août 1954. Soyez assuré que le Gouvernement, soucieux de faciliter les travaux des chercheurs et historiens, étudie actuellement toutes les mesures envisageables en termes financiers et matériels, pour que l'exigence de déclassification formelle, gage de sécurité juridique pour les chercheurs et l'administration, ne constitue pas un frein à leurs travaux, qu'il s'agisse par exemple d'une classification pour une durée prédéterminée, de mesures de déconcentration des décisions de demandes d'accès dérogatoires ou encore de déclassification de fonds d'archives. Une augmentation des moyens du service historique de la défense a d'ores et déjà été mise en oeuvre afin d'accélérer substantiellement les procédures dans le respect de la loi qui s'impose à tous.
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