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Josette Manin
Question N° 3092 au Ministère des solidarités


Question soumise le 21 novembre 2017

Mme Josette Manin attire l'attention de Mme la ministre des solidarités et de la santé sur le fait que la population française comptera 70 millions d'habitants d'ici 2050. Avec 9,3 millions de personnes de plus qu'en 2005, c'est approximativement 30 % de la population qui sera âgée de 60 ans ou plus. Comme elle l'a compris, le processus de vieillissement et son accélération constituent de véritables enjeux démographiques, politiques, sanitaires et socioéconomiques pour les années à venir. Les territoires des outre-mer ne seront pas épargnés et se classent déjà parmi les régions les plus âgées de France. En cause, un déficit migratoire chez les jeunes dû à la poursuite de leurs études, des départs vers la métropole pour rechercher un emploi, la baisse significative des populations en âge de procréer, un taux de natalité en baisse par rapport au taux de mortalité ou encore un vieillissement inégal dans les différentes parties des territoires. À titre d'exemple, en Martinique c'est 145 400 personnes qui seront âgées de 60 ans et plus en 2030 contre 92 180 en 2014 soit 24,2 % de la population. Un peu plus au nord, la Guadeloupe - dont la population stagnera à 404 000 habitants - connaîtra une accélération du vieillissement de sa population avec des séniors qui représenteront 40 % des habitants. Dans l'Océan Indien à la Réunion, c'est 26 700 habitants, soit deux fois plus de personnes dépendantes, qui devraient être recensées en 2030. Le phénomène de vieillissement de la population peut être une chance car nous garderons les aînés au plus près de nous et pendant plus longtemps. Au-delà de la question sentimentale, c'est aussi un enjeu d'avenir avec la « silver économie » : une opportunité, une source d'innovation et une promesse de croissance et d'emplois du fait que la consommation des 60-74 ans pourrait représenter un tiers de la consommation totale des ménages à l'horizon 2030. Toutefois, quelles que soient les promesses offertes, la question des capacités des familles à soutenir ou accueillir leurs proches suite à une perte d'autonomie - que ce soit du fait de l'âge, de la maladie ou handicap - se doit d'être posée. Présentement la France possède 7 394 établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EPHAD) soit 593 005 places. En outre-mer, la Martinique et la Réunion possèdent respectivement 1 500 places et 1 350 places. En Guadeloupe c'est à peine 1 % des personnes âgées qui sont prises en charge par une structure spécialisée. Une des inquiétudes majeures est celle d'un manque en matière d'équipement pour accueillir convenablement les personnes en perte d'autonomie. Aussi, de nombreux acteurs doivent être impliqués : publics et privés, locaux et nationaux, associatifs et institutionnels, mais plus que jamais l'entourage des personnes âgées. Les proches sont les premiers concernés car bon nombre de personnes âgées ne peuvent aisément - pour des questions financières ou de confort - accéder aux établissements prévus à cet effet. La France compte près de 8,3 millions d'aidants familiaux. Leur acte d'abnégation peut être une des solutions pour pallier les carences futures quant à la prise en charge des ainés. Cependant, concilier le travail et l'aide familiale peut devenir un vrai parcours du combattant pour ces aidants familiaux. Les tâches effectuées par les aidants pour un proche sont très variées et parfois très lourdes : qu'il s'agisse de pratiquer des soins, faire la toilette, faire les courses, faire le ménage, prendre les rendez-vous médicaux ou encore effectuer les démarches administratives ou gérer le placement du proche dans un centre de soins, une maison de retraite. Les bouleversements induits ont des conséquences sur les conditions de vie et de travail des aidants. Pour 33 %, la situation d'aidant a un impact négatif sur la vie professionnelle et 58 % déclarent avoir du mal à concilier vie professionnelle et obligations familiales. Au-delà de la loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015 relative à l'adaptation de la société au vieillissement et des autres dispositions légales, l'objectif dans le temps serait d'expérimenter des solutions pour satisfaire l'aidant et l'aider avec un « vrai » statut pour les aidants familiaux et la création d'un droit d'allocation pour ceux qui vivent dans les territoires touchés par le vieillissement. Ces dispositifs permettraient de soutenir les aidants dans leur vie quotidienne, de rendre plus supportables les difficultés infligées par leur situation familiale et d'encourager des jeunes à revenir sur le territoire pour soutenir leurs proches mettant ainsi en avant une politique solidaire et familiale envers les personnes en perte d'autonomie. Elle lui demande si son administration serait prête à mettre en place une telle expérience dans les territoires.

Réponse émise le 20 mars 2018

Près de 8,3 millions d'aidants accompagneraient au quotidien un proche en situation de maladie ou de handicap, quel que soit son âge. Leur reconnaissance et leur soutien représentent une préoccupation croissante des pouvoirs publics, des associations et des acteurs de la protection sociale, qui ont développé depuis une vingtaine d'années différentes actions en direction des aidants : compensation de la perte de revenus liée à l'aide apportée, notamment sur la retraite ; création de congés permettant d'interrompre une activité professionnelle pour aider un proche ; dispositifs d'information, de formation, d'écoute, de conseil, de soutien psychologique ; mise en place de services de répit ou de relais, etc… L'enjeu est multiple : il s'agit à la fois de reconnaitre et de préserver dans la durée l'implication des proches aidants tout en limitant les impacts négatifs de leur implication sur leurs revenus, leur vie professionnelle et sociale, leur état de santé et leur bien-être. Il s'agit en outre de pouvoir apporter une réponse adaptée à leurs besoins, ainsi qu'un accompagnement à chaque instant. Le Plan « maladies neurodégénératives 2014-2019 », mis en place à la suite du Plan « Alzheimer 2008-2012 », et la loi no 2015-1776 du 28 décembre 2015 relative à l'adaptation de la société au vieillissement (loi ASV) ont permis de renforcer les différentes mesures contribuant au soutien des aidants, notamment des aidants de personnes âgées, tout en leur donnant plus de visibilité et de cohérence. Ces mesures, soutenues par un engagement multiforme de la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, apportent des réponses nouvelles aux questions de reconnaissance, de repérage et d'évaluation des aidants, d'offre d'accompagnement et de répit, d'articulation entre rôle d'aidant et vie professionnelle, mais aussi en matière de structuration et de gouvernance des politiques en direction des aidants aux plans local et national. En particulier, la loi ASV a reconnu un droit au répit dans le cadre de l'allocation personnalisée d'autonomie. Un module spécifique dédié au répit de l'aidant permet la majoration des plans d'aide au-delà des plafonds nationaux, dans une limite de 500 euros par an, pour financer tout dispositif concourant au répit de l'aidant, tel que l'accueil temporaire en établissement ou en accueil familial ou des heures d'aide à domicile supplémentaires. Un dispositif de relais en cas d'hospitalisation de l'aidant, assorti d'un financement pouvant aller jusqu'à près de 1 000 euros par hospitalisation, a également été mis en place. De même, la prestation de compensation du handicap, créée par la loi no 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, peut être affectée, sous certaines conditions, aux charges liées à un besoin d'aides humaines, y compris celles apportées par un membre de la famille. Conscient des attentes qui subsistent, le premier ministre a inscrit la question des aidants de personnes âgées et de personnes handicapées dans la feuille de route de de la ministre des solidarités et de la santé et de la secrétaire d'Etat chargée des personnes handicapées. Il s'agit de concevoir une stratégie globale de soutien aux aidants, qui reconnaisse leur place dans l'accompagnement des plus fragiles, leurs difficultés, qui prévienne leur épuisement. Le dernier Comité interministériel du handicap du 20 septembre 2017 a ainsi fixé de nouveaux objectifs en faveur des aidants afin de faciliter leur retour sur le marché du travail et d'améliorer leur statut. Sur la question particulière de la conciliation entre vie professionnelle et vie d'aidant, une mission a été confiée à Dominique Gillot, présidente du conseil national consultatif des personnes handicapées afin de faire des propositions permettant de soutenir le retour et le maintien dans l'emploi des aidants familiaux de personnes handicapées comme de personnes âgées. Son rapport est attendu dans les prochains mois. De son côté, le conseil de l'âge du Haut conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge a publié le 22 décembre dernier un rapport, relatif à la prise en charge des aides à l'autonomie et son incidence sur la qualité de vie des personnes âgées et de leurs proches aidants,  qui aborde spécifiquement la question des aidants. Ces travaux viendront enrichir la stratégie globale préparée par le Gouvernement. Le gouvernement a déjà engagé des travaux pour diversifier les offres de répit en faveur des aidants. Ainsi, en tenant compte des recommandations formulées par la députée Joëlle Huillier dans son rapport « Du baluchonnage québécois au relayage en France : une solution innovante de répit » remis le 22 mars 2017, le Gouvernement a proposé, dans le cadre du projet de loi pour un Etat au service d'une société de confiance, d'expérimenter les prestations de suppléance de l'aidant au domicile de la personne accompagnée. Le dispositif consiste en un « relayage » de l'aidant assuré par un seul intervenant professionnel, plusieurs jours consécutifs, en autorisant des dérogations ciblées et compensées à la législation du travail qui ne permet aujourd'hui qu'une intervention de 8 à 12h seulement. L'intervention d'un professionnel unique et continue permet ainsi d'établir une relation de confiance entre ce professionnel, la personne accompagnée et le proche aidant mais aussi d'offrir une stabilité essentielle à l'accompagnement des personnes souffrant en particulier de troubles cognitifs. La disposition législative proposée prévoit un rapport d'évaluation de cette expérimentation au Parlement, rapport qui évaluera notamment l'efficacité et la pertinence des services ainsi que les conditions de mise en œuvre au regard de plusieurs objectifs : l'utilité et le bénéfice du dispositif pour les aidants et les personnes aidées mais aussi l'absence de préjudice pour les intervenants qui réaliseront les prestations de relayage, en particulier eu égard à leur santé. Ce rapport pourra constituer une base de discussions avec les partenaires sociaux et les parlementaires si ce dispositif devait être pérennisé.

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