M. Fabien Matras appelle l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la protection des propriétaires de logement contre la pratique illégale du squat. Le droit immobilier français permet de concilier la protection des propriétaires et la nécessité des personnes n'ayant pas de logement ou vivant dans des conditions très précaires. Parmi ces personnes, figurent le cas des squatteurs. Le squat est défini comme l'occupation sans droit ni titre d'un logement avec entrée par effraction. C'est donc une pratique illégale qui a cependant été l'objet d'un encadrement permanent par la loi française. La loi Elan, pour ne citer que la plus récente, a accru la protection des propriétaires et locataires victimes de squat. Les squatteurs ne bénéficient plus de la trêve hivernale ni du délai de deux mois, après décision judiciaire, pour quitter les lieux. Cependant, si les avancées ont été notables en la matière, il demeure de réelles difficultés dans l'application du droit, notamment pour les propriétaires. Les témoignages faisant état d'une situation insoluble vécue par les propriétaires qui ne parviennent pas à faire cesser cet état de fait illégal sont nombreux et préoccupants. En ce sens, la loi a posé un socle de règles indispensables permettant de respecter au mieux le droit de la propriété mais les conditions de sa réalisation demeurent difficiles et peuvent, au bout du compte, s'avérer insuffisantes à protéger les citoyens. Pour exemple, l'effraction doit être prouvée par les victimes alors qu'il peut être très facile pour les squatteurs de prouver leur innocence en indiquant qu'ils ne sont pas entrés par effraction mais qu'ils ont trouvé la clé sous le paillasson de la résidence. À ces difficultés s'ajoute le coût que l'initiative d'une action en justice peut représenter : il faut engager un huissier de justice, ensuite un avocat, payer les frais relatifs au processus judiciaire, ce qui s'ajoute aux dommages matériels potentiellement engendrés par les occupants illégaux dans la résidence du propriétaire. Au-delà de ces conditions difficiles d'application de la loi, le processus visant à expulser les squatteurs, quand il est autorisé et obtenu, est bien souvent très long et coûteux. Pour les résidences secondaires surtout, le délai pouvant aller jusqu'à 7 mois. En ce sens, bien que saluant l'avancée du droit en la matière depuis 2018, il lui demande si des mesures sont envisagées et susceptibles d'être prises en la matière pour remédier à ces états de fait et de droit rendant la protection des propriétaires moins efficace que ce qu'elle est censée être.
Le Gouvernement est particulièrement attentif à la situation des propriétaires qui, absents quelques temps de leur domicile, le retrouvent occupé et, souvent, dégradé. Afin de réprimer ce type d'occupation illicite, l'article 226-4 du code pénal punit d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende les faits de violation de domicile. La nouvelle rédaction de cet article, issue de la loi n° 2015-714 du 24 juin 2015, met en exergue le caractère continu de l'infraction de maintien dans le domicile d'autrui, qui permet aux services de police et de gendarmerie d'agir dans le cadre d'une enquête de flagrance et d'interpeller et placer en garde à vue les personnes concernées tant que dure leur occupation. En complément de ces dispositions pénales, une mesure administrative d'évacuation forcée est prévue à l'article 38 de loi n° 2007-290 du 5 mars 2007, instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, afin de rétablir le propriétaire dans ses droits avec la rapidité requise par la gravité du préjudice qui lui est causé. Elle permet au propriétaire ou au locataire d'un logement occupé de demander au préfet, en cas de violation de domicile, de mettre en demeure l'occupant de quitter les lieux sous un délai minimal de 24 heures, après avoir déposé plainte, fait la preuve que le logement constitue son domicile et fait constater l'occupation illicite par un officier de police judiciaire. Très récemment, l'article 73 de la loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d'accélération et de simplification de l'action publique (ASAP), entré en vigueur le 9 décembre 2020, a clarifié les conditions d'application de l'article 38 de la loi DALO et renforcé son efficacité. Désormais, la procédure peut bénéficier non seulement, à la personne dont le domicile est squatté mais aussi à toute personne agissant dans l'intérêt et pour le compte de celle-ci. Elle n'est donc plus seulement réservée au propriétaire ou au locataire. Par conséquent, l'usufruitier ou les enfants d'une personne âgée placée hors de son domicile pourront engager la procédure administrative d'évacuation forcée. Par ailleurs, le préfet est dorénavant contraint de prendre la décision de mise en demeure dans un délai de 48 heures à compter de la réception de la demande et les motifs de refus d'exécution de l'évacuation forcée par le préfet ont été encadrés. En cas de refus, les motifs de la décision sont communiqués au demandeur. Enfin, lorsque la mise en demeure de quitter les lieux n'a pas été suivie d'effet dans le délai imparti, le préfet procède, sans délai, à l'évacuation forcée du logement. Le dispositif se veut donc particulièrement efficace puisqu'il permet une évacuation forcée sans décision de justice préalable, à titre dérogatoire, dans des circonstances où un propriétaire est privé de la jouissance de son logement. Cette procédure n'est pas conditionnée à la preuve d'une entrée dans les lieux par effraction, l'article 38 pouvant trouver application lorsqu'il est démontré l'introduction et le maintien dans les lieux à l'aide de « manœuvres, menaces, voies de fait ou (de) contrainte ». L'interprétation jurisprudentielle de la notion de voie de fait, notamment, doit permettre d'y inclure toute personne s'étant introduite dans un local sans l'autorisation du propriétaire. Cette mesure, qui peut être mise en œuvre rapidement, n'implique ni frais de représentation en justice ni recours à un huissier. L'ensemble de ce dispositif s'avère toutefois méconnu et, partant, peu mis en œuvre concrètement. Une circulaire a été envoyée le 22 janvier dernier aux autorités administratives et judiciaires pour que ces dispositions soient effectivement connues et correctement appliquées. Outre ce dispositif d'urgence, la procédure judiciaire ordinaire fournit également des outils efficients aux propriétaires, notamment par la voie de l'action en référé aux fins d'expulsion des occupants de tous types de biens immobiliers. L'ordonnance prononçant une mesure d'expulsion est assortie de l'exécution provisoire, de sorte qu'un appel ne peut en suspendre les possibilités d'exécution. Enfin, les personnes entrées dans des lieux d'habitation par voie de fait ne peuvent plus bénéficier du délai de grâce de deux mois, ni de la trêve hivernale, prévus aux articles L. 412-1 et L. 412-6 du code des procédures civiles d'exécution depuis les apports de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN). La procédure civile en vigueur offre donc aux propriétaires la possibilité de recouvrer leurs droits et la jouissance de leurs biens, tout en assurant le nécessaire respect du principe du contradictoire et la protection des autres droits fondamentaux en présence.
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