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Jennifer De Temmerman
Question N° 3186 au Ministère de la transition écologique et solidaire


Question soumise le 28 novembre 2017

Mme Jennifer De Temmerman attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, sur le lien entre la politique française de l'eau et le modèle agricole dominant. Alors que le modèle de l'agriculture intensive est en grande partie responsable de la pollution des eaux en France, qui contiennent une quantité intolérable de pesticides et de nitrates, les tenants de ce modèle ne sont actuellement aucunement contraints à modifier ce fonctionnement productiviste. En effet, sur la base des chiffres de 2017, l'agriculture intensive ne paye que 7 % de la redevance pollution des agences de l'eau. Le reste à charge reste principalement payé par les contribuables consommateurs, en contradiction totale avec le principe « pollueur-payeur » qui régit pourtant la directive européenne 2000/60/CE du 23 octobre 2000 établissant un cadre solide pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau, il y a dix-sept ans. En outre, l'essentiel des aides publiques destinées au secteur agricole est aujourd'hui affecté à l'agriculture intensive au détriment de modèles agricoles qui consomment moins de pesticides, d'engrais et d'eau. Plusieurs exemples étrangers ont démontré que le coût impliqué par la réduction préventive des nitrates provenant du secteur agricole est moindre que celui engagé pour la dépollution des eaux nitratées. Or la part du budget des agences de l'eau allouée aux campagnes de prévention reste à ce jour minoritaire, l'essentiel des fonds étant dédié aux conséquences de la pollution des eaux. Plusieurs associations et ONG se sont récemment mobilisées dans le cadre des états généraux de l'alimentation, afin de solliciter un débat public sur ce sujet. Étant entendu que la transition écologique se fera bien avec et non contre les agriculteurs, il est important de les accompagner vers un nouveau modèle économique, social et écologique. Dans ce contexte, elle lui demande de bien vouloir présenter l'opinion du Gouvernement sur le principe « pollueur-payeur », sur la mise en place de dispositifs de prévention des pollutions agricoles et sur l'accompagnement public permettant une reconversion agricole.

Réponse émise le 17 avril 2018

La dynamique de protection des ressources en eau captées pour la production d'eau destinée à la consommation humaine contre les pollutions diffuses a été engagée au niveau national en 2007, lors du Grenelle de l'environnement, et a été réaffirmée lors des conférences environnementales de 2013 et 2016. Ainsi, 1 000 ouvrages de captage dégradés par des pollutions diffuses ont été désignés comme devant être protégés en priorité. Cette action est reprise dans le plan national micropolluants 2016-2021, ainsi que dans le 3ème plan national santé environnement (2015-2019). Faisant suite à la conférence environnementale de 2016, les services du ministère ont entrepris depuis plus d'un an une démarche participative et innovante avec les différents acteurs impliqués dans la protection de la ressource en eau captée pour la production d'eau destinée à la consommation humaine. Elle avait pour objectif d'identifier notamment les mesures pérennes qui permettent d'adapter des pratiques agricoles n'affectant pas la qualité de l'eau à court, moyen et long termes, nécessaires au renforcement de cette politique de protection. Sur cette base, une instruction du Gouvernement sera adressée aux différents services de l'État au deuxième trimestre 2018 afin de remobiliser l'ensemble des acteurs concernés à l'échelle des territoires, au premier rang desquels les collectivités, et de promouvoir les mesures adaptées mises en avant dans le cadre de cette démarche. Si les contributions des usagers agricoles aux recettes des agences de l'eau au titre de la pollution de l'eau ne représentent en effet que 7,7 % des redevances pour pollution, ces redevances ne cessent d'augmenter. Ainsi, les redevances pour pollution diffuse liées aux ventes de produits phytosanitaires destinées principalement à l'agriculture atteignent 144,21 M€ en 2016, dont 41 M€ sont reversés par les agences de l'eau à l'Agence française pour la biodiversité (AFB) pour soutenir le programme Ecophyto. Cela représente une forte hausse depuis 2013 (103 M€, pour une part globale de 5,9 % des redevances pour pollution payée par les agriculteurs), liée notamment à l'élargissement de l'assiette et d'une hausse des taux de redevances pour pollutions diffuses de certaines substances à compter de 2015. Pour autant, la prévention des pollutions diffuses agricoles reste une priorité majeure pour l'atteinte des objectifs de qualité des eaux. Le soutien des agences de l'eau à des mesures ou des projets portés par les agriculteurs est donc également une priorité, et le niveau de ce soutien a vocation à rester important voire croissant. Dans ce contexte, le Gouvernement a souhaité rééquilibrer la fiscalité des agences de l'eau de manière à ce que les usagers agricoles, actuellement bénéficiaires nets du système des agences de l'eau, contribuent plus fortement à ce système dans les prochains 11èmes programmes d'interventions 2019-2024 des agences de l'eau. Ainsi, la baisse du plafond global des recettes des agences de l'eau, prévue en loi de finances 2018, vise à bénéficier en particulier à la baisse des taux de redevances des usagers domestiques de l'eau, comme le prévoit la lettre adressée fin 2017 aux présidents des instances de bassin afin de leur faire part des orientations relatives aux 11èmes programmes des agences de l'eau. Par ailleurs, conformément aux annonces du Premier ministre lors de la clôture des États généraux de l'alimentation, la redevance pour pollutions diffuses sera modifiée pour tenir compte de la dangerosité des produits et financer l'accompagnement des agriculteurs et les actions du programme Ecophyto. Au-delà de leurs actions en faveur des changements de pratiques agricoles pour la préservation de la qualité de l'eau, les agences de l'eau reversent chaque année 41 M€ à l'AFB pour la mise en œuvre des actions nationales du plan Ecophyto consacré à la réduction de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques et des risques et impacts associés. Elles consacrent par ailleurs 30 M€ pour sa mise en œuvre régionale. Ses moyens sont consacrés à orienter l'agriculture vers des pratiques et systèmes plus économes en produits phytopharmaceutiques en finançant, notamment, des actions de recherche sur les alternatives aux produits phytopharmaceutiques, le réseau des fermes de référence et d'expérimentation DEPHY, l'accompagnement des groupes d'agriculteurs vers la réduction de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques, l'acquisition de matériels plus performants ou de substitution ou encore la conversion à l'agriculture biologique. Par ailleurs, le Gouvernement a proposé, le 19 janvier dernier, un plan d'actions pour diminuer l'usage des produits phytopharmaceutiques et pour une agriculture moins dépendante aux pesticides. Ce plan d'actions, soumis à la concertation des parties prenantes, propose notamment de revoir le dispositif de la redevance pour pollutions diffuses pour inciter à réduire les consommations et contribuer au financement des transitions. En matière de lutte contre la pollution par les nitrates agricoles, le dispositif réglementaire français a été entièrement rénové depuis 2010, ce qui a permis de clore en 2016 le contentieux européen pour insuffisance du programme d'actions français. Ainsi, les mesures permettant de limiter les fuites de nitrates dans les milieux, notamment l'eau, ont été renforcées pour toutes les exploitations en zone vulnérable, notamment l'obligation de couverture des sols en hiver, de capacités de stockage suffisantes des effluents d'élevage, de périodes d'interdiction d'épandage plus longues et d'équilibre des apports en engrais au juste besoin des cultures. Ces mesures sont renforcées au niveau local dans les programmes d'actions régionaux, qui sont réexaminés tous les 4 ans et, le cas échéant, révisés en fonction des résultats obtenus sur la qualité de l'eau. Concernant la gestion quantitative de l'eau, suite à l'important épisode de sécheresse ayant touché de nombreux départements lors de l'été 2017, des actions concrètes ont été présentées en conseil des ministres du 9 août dernier conjointement par le ministre de l'agriculture et de l'alimentation et par le ministre de la transition écologique et solidaire. La politique de gestion quantitative de la ressource en eau s'inscrit désormais dans le cadre de cette communication autour de deux objectifs : encourager la sobriété des usages et réguler en amont la ressource, grâce notamment à l'innovation, et faire émerger, dans l'ensemble des territoires, des solutions adaptées aux besoins et aux contextes locaux. Enfin, le ministre de la transition écologique et solidaire sera particulièrement vigilant lors des discussions interministérielles sur le renouvellement de la politique agricole commune post 2020, afin qu'elle soit davantage au service de la transition vers des systèmes agricoles plus économes en intrants et impactant moins l'environnement.

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