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Frédérique Dumas
Question N° 32215 au Ministère auprès du ministre des solidarités


Question soumise le 15 septembre 2020

Mme Frédérique Dumas attire l'attention de Mme la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion sur la manière dont le groupe D. s'organise afin d'éviter de verser un intéressement ou une participation à ses salariés. La crise du covid-19 a jeté une lumière crue sur les conditions de vie et d'hébergement des résidents d'un certain nombre d'Ehpad. 10 457 personnes y seraient décédées depuis le début de l'épidémie, d'après les chiffres du Gouvernement. En France, 7 436 établissements d'hébergement accueillent un peu plus de 605 000 personnes âgées dépendantes. Ces chiffres devraient augmenter de manière exponentielle dans le futur. Le constat concernant la pénurie de personnels est alarmant. La pénibilité de leur activité, l'absence de réelle reconnaissance et la faiblesse des rémunérations ne peuvent que contribuer à amplifier cette situation. Le Gouvernement a annoncé mi-janvier 2020 une stratégie globale en faveur de la prévention de la perte d'autonomie pour les années 2020-2022, qui devrait concerner quelque 200 000 personnes. C'est dans ce contexte que le journaliste et lanceur d'alerte Maxime Renahy a mené une enquête très complète qui a permis de mettre en lumière des pratiques extrêmement préjudiciables aux citoyens et aux contribuables. Il s'avère que la rentabilité du secteur (Ehpad et assurance-vie) est très forte et que ce sont bien des centaines de millions d'euros qui sont transférés vers des paradis fiscaux. Les entreprises leaders dans le marché de la vieillesse et de la dépendance sont en effet organisées en « poupées gigognes », très souvent domiciliées au Luxembourg, à Jersey ou vers d'autres paradis fiscaux et les flux d'argent deviennent alors intraçables. À cet égard, un important groupe d'Ehpad en France, D., a transféré au moins 105 millions d'euros au Luxembourg entre mars 2017 et mars 2019. En effet, l'actionnaire majoritaire est un fonds britannique, qui contrôle la chaîne d'Ehpad au travers d'une structure domiciliée à Jersey, un territoire réputé pour son opacité financière et sa fiscalité avantageuse. Par ailleurs, D. semble avoir mis en place un système qui lui permettrait de ne pas payer la participation qui serait due à ses salariés. Mme la députée s'interroge donc sur la manière dont le groupe procèderait afin d'éviter de verser un intéressement ou une participation malgré les profits significatifs réalisés. Au niveau local, la plupart des établissements sont organisés en sociétés à actions simplifiée (SAS) ou en sociétés à responsabilité limitée (SARL). Le groupe considérerait chaque Ehpad comme une entité autonome, sachant que la majorité de ses établissements comptent moins de 50 salariés. Cela permettrait ainsi au groupe d'éviter d'être reconnu comme une unité économique et sociale (UES), qui le contraindrait à verser une participation à ses 14 500 salariés français. L'autonomie des établissements au niveau local et l'isolement des salariés dans de petites structures rendent par ailleurs difficile la perspective d'une action juridique commune des travailleurs, qui ont pourtant des arguments à faire valoir. En effet, d'après les comptes 2017 du groupe, les bénéfices réalisés par les entités locales remontent bien vers le siège. En outre, il semblerait également que les directeurs régionaux du groupe soient payés par le siège. Il est donc normal de s'interroger sur le caractère réel ou artificiel de l'autonomie de ces établissements. Elle lui demande d'apporter des réponses sur l'ensemble de ces points.

Réponse émise le 19 avril 2022

Le Gouvernement a confié une mission aux Inspections générales des finances (IGF) et des affaires sociales (IGAS) sur les pratiques alléguées à un groupe d'EHPAD commerciaux. Le Gouvernement a rendu public le rapport de cette mission qui met en évidence des dysfonctionnements significatifs au détriment de la prise en charge et de l'accompagnement des résidents, tant sur le plan humain qu'organisationnel, ainsi que sur les pratiques financières. Dans le même temps, le Gouvernement a demandé aux agences régionales de santé (ARS), en lien avec les départements, collectivités compétentes en la matière, de mener un vaste plan de contrôle sur pièces et sur place dans les établissements commerciaux du groupe incriminé ainsi que dans d'autres établissements commerciaux faisant l'objet d'alertes spécifiques. Le 8 mars 2022, la ministre déléguée chargée de l'autonomie, a annoncé en lien avec le ministre des solidarités et de la santé, de nouvelles mesures pour garantir de bonnes conditions de vie dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). Ces mesures comprennent notamment le lancement d'un plan de contrôle par les ARS des 7 500 EHPAD de France en deux ans et le renforcement des moyens humains des ARS dédiés aux contrôles, avec environ 150 équivalents temps-plein supplémentaires. Le Gouvernement élargit également les capacités de contrôles des services d'inspections de l'Etat et de la Cour des Comptes non plus aux seules dotations publiques mais bien aussi aux tarifs qui sont payés par les résidents de ces établissements. La Cour des comptes ou les chambres régionales des comptes, dont est rappelée l'indépendance constitutionnelle et dont les membres sont magistrats, pourront aussi pratiquer des contrôles inopinés, impossibles jusqu'à ce jour. En vertu de l'article 40 du code de procédure pénale, toute autorité publique est tenue de signaler des faits présumés délictueux dont elle aurait connaissance. Le renforcement de ces contrôles permettra de prévenir les situations faisant l'objet de la présente question.

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