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Bénédicte Taurine
Question N° 3235 au Ministère de la transition écologique et solidaire


Question soumise le 28 novembre 2017

Mme Bénédicte Taurine attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, sur l'urgente réforme de la politique de l'eau en France en termes d'équité et d'efficacité. Alors que l'agriculture intensive est la principale responsable des pollutions de la ressource aquatique, à hauteur de 70 % pour les pesticides et de 75 % pour les nitrates, elle n'est aujourd'hui aucunement incitée à amender ses pratiques. En effet, sur la base des chiffres nationaux publiés dans le cadre du projet de loi de finances pour 2017, elle ne paye que 7 % de la redevance pollution des agences de l'eau, le reste étant très majoritairement payé par les consommateurs, en violation du principe pollueur-payeur qui régit pourtant la directive cadre 2000/60/CE pour l'eau. Par ailleurs, la majorité des aides publiques à l'agriculture est actuellement dédiée à cette agriculture intensive au détriment de modèles agricoles moins consommateurs de pesticides, d'engrais et d'eau. Enfin, alors même que les exemples étrangers prouvent que le coût de la réduction des nitrates au niveau agricole est moins élevé que celui des enlèvements des nitrates de l'eau polluée, seul un tiers du budget des agences de l'eau est, à ce jour, alloué aux campagnes de prévention, l'essentiel étant dédié à la dépollution des eaux, financée donc par les consommateurs. Alors qu'une dizaine d'associations et ONG se sont récemment mobilisées afin de réclamer une réforme urgente dans le cadre des états généraux de l'alimentation, et qu'une pétition de l'UFC-Que Choisir a déjà recueilli près de 115 000 signatures en ce sens, elle lui demande de bien vouloir lui indiquer les intentions du Gouvernement afin que la politique de l'eau soit plus efficace et équitable, notamment au regard de l'application du principe « préleveurs-pollueurs-payeurs », de la mise en place de mesures de prévention des pollutions agricoles ou encore de l'incitation à la reconversion vers des systèmes moins consommateurs d'eau et de pesticides.

Réponse émise le 22 mai 2018

La dynamique de protection des ressources en eau captées pour la production d'eau destinée à la consommation humaine contre les pollutions diffuses a été engagée au niveau national en 2007, lors du Grenelle de l'environnement et a été réaffirmée lors des Conférences environnementales de 2013 et 2016. Ainsi, 1 000 ouvrages de captage dégradés par des pollutions diffuses ont été désignés comme devant être protégés en priorité. Cette action est reprise dans le plan national micropolluants 2016-2021, ainsi que dans le 3ème plan national santé environnement (2015-2019). Faisant suite à la Conférence environnementale de 2016, les services du ministère ont entrepris depuis plus d'un an une démarche participative et innovante avec les différents acteurs impliqués dans la protection de la ressource en eau captée pour la production d'eau destinée à la consommation humaine. Elle avait pour objectif d'identifier notamment les mesures pérennes qui permettent d'adapter des pratiques agricoles n'affectant pas la qualité de l'eau à court, moyen et long termes nécessaires au renforcement de cette politique de protection. Sur cette base, une instruction du Gouvernement sera adressée aux différents services de l'État au premier trimestre 2018 afin de remobiliser l'ensemble des acteurs concernés à l'échelle des territoires au premier rang desquels les collectivités, et de promouvoir les mesures adaptées mises en avant dans le cadre de cette démarche. Si les contributions des usagers agricoles aux recettes des agences de l'eau au titre de la pollution de l'eau ne représentent en effet que 7,7 % des redevances pour pollution, ces redevances ne cessent d'augmenter. Ainsi, les redevances pour pollution diffuse liées aux ventes de produits phytosanitaires destinées principalement à l'agriculture atteignent 144,21 M€ en 2016, dont 41 M€ sont reversés par les agences de l'eau à l'Agence française pour la biodiversité pour soutenir le programme Ecophyto. Cela représente une forte hausse depuis 2013 (103 M€, pour une part globale de 5,9 % des redevances pour pollution payée par les agriculteurs), liée notamment à l'élargissement de l'assiette et d'une hausse des taux de redevances pour pollutions diffuses de certaines substances à compter de 2015. Pour autant, la prévention des pollutions diffuses agricoles reste une priorité majeure pour l'atteinte des objectifs de qualité des eaux. Le soutien des agences de l'eau à des mesures ou des projets portés par les agriculteurs est donc également une priorité et le niveau de ce soutien à vocation à rester important voire croissant. Dans ce contexte, le Gouvernement a souhaité rééquilibrer la fiscalité des agences de l'eau de manière à ce que les usagers agricoles, actuellement bénéficiaires nets du système des agences de l'eau, contribuent plus fortement à ce système dans les prochains 11èmes programmes d'interventions 2019-2024 des agences de l'eau. Ainsi, la baisse du plafond global des recettes des agences de l'eau, prévue en loi de finances 2018, vise à bénéficier en particulier à la baisse des taux de redevances des usagers domestiques de l'eau, comme le prévoit la lettre adressée fin 2017 aux présidents des instances de bassin afin de leur faire part des orientations relatives aux 11èmes programmes des agences de l'eau. Par ailleurs, conformément aux annonces du Premier ministre lors de la clôture des États généraux de l'alimentation, la redevance pour pollutions diffuses sera modifiée pour tenir compte de la dangerosité des produits et financer l'accompagnement des agriculteurs et les actions du programme Ecophyto. Au-delà de leurs actions en faveur des changements de pratiques agricoles pour la préservation de la qualité de l'eau, les agences de l'eau reversent chaque année 41 M€ à l'Agence française pour la biodiversité pour la mise en œuvre des actions nationales du plan Ecophyto consacré à la réduction de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques et des risques et impacts associés. Elles consacrent par ailleurs 30 M€ pour sa mise en œuvre régionale. Ses moyens sont consacrés à orienter l'agriculture vers des pratiques et systèmes plus économes en produits phytopharmaceutiques en finançant, notamment, des actions de recherche sur les alternatives aux produits phytopharmaceutiques, le réseau des fermes de référence et d'expérimentation DEPHY, l'accompagnement des groupes d'agriculteurs vers la réduction de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques, l'acquisition de matériels plus performants ou de substitution ou encore la conversion à l'agriculture biologique. Par ailleurs, le Gouvernement a proposé le 19 janvier dernier, un plan d'actions pour diminuer l'usage des produits phytopharmaceutiques et pour une agriculture moins dépendante aux pesticides. Ce plan d'actions, soumis à la concertation des parties prenantes, propose notamment de revoir le dispositif de la redevance pour pollutions diffuses pour inciter à réduire les consommations et contribuer au financement des transitions. En matière de lutte contre la pollution par les nitrates agricoles, le dispositif réglementaire français a été entièrement rénové depuis 2010, ce qui a permis de clore en 2016 le contentieux européen pour insuffisance du programme d'actions français. Ainsi, les mesures permettant de limiter les fuites de nitrates dans les milieux, notamment l'eau, ont été renforcées pour toutes les exploitations en zone vulnérable, notamment l'obligation de couverture des sols en hiver, de capacités de stockage suffisantes des effluents d'élevage, de périodes d'interdiction d'épandage plus longues et d'équilibre des apports en engrais au juste besoin des cultures. Ces mesures sont renforcées au niveau local dans les programmes d'actions régionaux, qui sont réexaminés tous les quatre ans et, le cas échéant, révisés en fonction des résultats obtenus sur la qualité de l'eau. Concernant la gestion quantitative de l'eau, suite à l'important épisode de sécheresse ayant touché de nombreux départements lors de l'été 2017, des actions concrètes ont été présentées en conseil des ministres du 9 août dernier conjointement par le ministre de l'agriculture et de l'alimentation et par le ministère de la transition écologique et solidaire. La politique de gestion quantitative de la ressource en eau s'inscrit désormais dans le cadre de cette communication autour de deux objectifs : encourager la sobriété des usages et réguler en amont la ressource, grâce notamment à l'innovation, et faire émerger, dans l'ensemble des territoires, des solutions adaptées aux besoins et aux contextes locaux. Enfin, le ministre de la transition écologique et solidaire sera particulièrement vigilant lors des discussions interministérielles sur le renouvellement de la politique agricole commune post 2020 afin qu'elle soit davantage au service de la transition vers des systèmes agricoles plus économes en intrants et moins impactant pour l'environnement.

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