Mme Émilie Cariou interroge M. le ministre de l'économie et des finances sur le traitement des « paradis fiscaux » en droit français. L'actualité met sur le devant de la scène des pratiques d'optimisation agressive depuis des juridictions fiscales notamment dans la zone caraïbes. Ces activités se révèlent particulièrement lésionnaires pour les finances publiques françaises et donc la compétitivité des entreprises comme le financement des solidarités dans les territoires. Les effets de ces paradis fiscaux apparaissent souvent de plus en plus inéquitables aux yeux des citoyens français. On ne saluera pas assez le rôle de salubrité publique assurée grâce au travail et articles de presse diffusés depuis dimanche 5 novembre 2017 par Le Monde, Radio France et plusieurs médias français et internationaux, regroupés autour du Consortium international pour le journalisme d'investigation / International Consortium of Investigative Journalists (ICIJ). Mme la députée s'inquiète des difficultés en droit français pour lutter efficacement contre ces paradis fiscaux. Elle s'interroge en particulier sur la maigreur de la liste française des états concernés par la qualification d'État ou territoire non coopératif (ETNC ; article 238 0-A du code général des impôts). La coopération simplement formelle de certaines juridictions fiscales semble avoir permis d'échapper à la qualification d'ETNC pour nombre d'entre eux, sans pour autant que la transparence ait substantiellement progressé. Par ailleurs, cela ne semble pas avoir empêché que ces États demeurent sources de profonde érosion pour les bases fiscales des États européens dont la France, en particulier en raison de différences substantielles quant aux taux d'imposition effectifs. Ainsi, elle lui demande : 1) comment entend-il positionner la France dans la lutte contre les paradis fiscaux, en particulier ce qu'il entend proposer, quand la Commission européenne annonce une mise à jour dès décembre 2017 de sa liste des paradis fiscaux et si le critère du taux d'imposition va à nouveau être davantage pris en considération ; 2) plus particulièrement, comment lui-même et plus généralement le Gouvernement entendent-ils travailler avec le Parlement à une rénovation des outils juridiques, concernant actuellement les ETNC et les pays à fiscalité privilégiée. Mme la députée rappelle à ce propos que depuis 2013, cette liste devrait faire l'objet d'un débat chaque année devant les commissions permanentes compétentes en matière de finances et d'affaires étrangères de l'Assemblée nationale et du Sénat, et ceci en présence du ministre chargé des finances (article 6 de la loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires). Des progrès évidents sont à réaliser pour donner son effectivité à cette disposition et plus largement rester saisi de la question, en s'articulant avec le Parlement européen et en particulier sa commission « PANA » (Commission d'enquête sur le blanchiment de capitaux, l'évasion fiscale et la fraude fiscale) qui a rendu au mois d'octobre ses conclusions sur le sujet. Elle lui demande de bien vouloir préciser les intentions du Gouvernement sur ce sujet.
La lutte contre la fraude et l'évasion fiscales est une priorité du Gouvernement. A cet effet, la France agit au sein de l'Union européenne (UE) et de l'organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) afin de renforcer la lutte contre la fraude et l'évasion fiscale ainsi que pour une réforme des règles de fiscalité internationale afin d'assurer une concurrence économique plus juste en obligeant les entreprises à acquitter l'impôt là où il est légitimement dû. C'est notamment le sens des projets BEPS (Base erosion and profit shifting) et des projets en cours de réforme de la fiscalité du numérique. S'agissant plus particulièrement de la lutte contre les « paradis fiscaux », l'article 238-0 A du code général des impôts prévoit la constitution d'une liste des Etats et territoires non coopératifs à partir de critères reposant sur l'effectivité de la coopération administrative des partenaires de la France. Son caractère dissuasif, du fait notamment des sanctions encourues, a démontré son efficacité pour garantir la transmission des renseignements nécessaires à l'application de la législation fiscale. Sous l'impulsion de la France, le G20, l'OCDE et l'Union européenne ont entamé des travaux pour mesurer la coopération des Etats et des territoires afin de lister ceux qui ne sont pas coopératifs. A cet égard, la liste européenne comporte des critères en matière de fiscalité des entreprises, tenant à l'existence de régimes préférentiels dommageables et de secteur offshore non imposé. Par ces nouveaux critères, l'UE impose la suppression ou la modification des régimes de concurrence fiscale dommageable, la mise en place d'obligations de substance en cas de secteurs offshore non imposés et la participation au projet BEPS de l'OCDE. Au sein de l'UE, la France promeut par ailleurs l'adoption par les Etats membres de contre-mesures, fiscales et non-fiscales afin que le non-respect de ces critères soit sanctionné. C'est pourquoi, le Gouvernement a décidé d'élargir la liste française des ETNC pour y inclure les Etats listés par l'UE en y adossant des sanctions prévues en droit interne. Par suite, le Gouvernement a, dans l'article 11 du projet de loi relatif à la lutte contre la fraude, proposé la modification de l'article 238-0 A du CGI pour permettre d'inscrire un Etat sur la liste française des Etats et territoires non coopératifs, soit par application des critères déjà existants relatifs à l'effectivité et à la qualité de l'échange, soit parce qu'il figure sur la liste de l'UE des pays et territoires non coopératifs à des fins fiscales. Ce projet de texte est en cours d'examen par le Parlement. À la suite des travaux menés pour lutter contre l'érosion de la base d'imposition et du transfert de bénéfices, plusieurs directives européennes ont également été adoptées, notamment celle du 25 mai 2016 qui permet un renforcement de la transparence grâce au reporting pays par pays des multinationales, celle du 12 juillet 2016 établissant des règles pour lutter contre les pratiques d'évasion fiscale (directive dite ATAD) ainsi que la directive relative aux déclarations de montage adoptée début 2018 (DAC6). Enfin, la France a signé le 7 juin 2017 et ratifié en juillet 2018 la convention multilatérale de l'OCDE qui va généraliser dans notre réseau conventionnel la présence d'une clause anti-abus ou mettre fin aux schémas de commissionnaires permettant d'éluder l'impôt dans notre pays.
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