Mme Claudia Rouaux attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur la nécessité de corriger les dérives qui accompagnent le développement de la méthanisation dans le secteur agricole. Valoriser des déchets dans une logique d'économie circulaire, contribuer à la transition énergétique et apporter un complément de revenu aux agriculteurs, telles sont les promesses de la méthanisation. Mais la croissance rapide et non planifiée du nombre de méthaniseurs s'accompagne de limites. Une audition sur la méthanisation organisée le 20 juin 2019 à l'Assemblée nationale en témoigne, dans le cadre de la commission d'enquête sur l'impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables, sur la transparence des financements et sur l'acceptabilité sociale des politiques de transition. L'accaparement de terres pour la production d'énergie au détriment de l'alimentation est une aberration. La terre doit avant tout nourrir les hommes, la crise sanitaire de la covid-19 soulignant la nécessité d'une véritable souveraineté alimentaire. Or le décret du 7 juillet 2016 fixant un apport maximum de 15 % de cultures dédiées n'est pas toujours respecté, avec des apports excessifs en maïs dans des unités de méthanisation parce qu'il offre un meilleur rendement. La France doit tirer les leçons des dérives du système allemand, qui a bâti une industrie avec de grosses unités et des cultures dédiées à la méthanisation agricole. De petites exploitations agricoles n'ont alors plus accès au foncier, voyant le prix flamber sous l'effet de l'intérêt de gros investisseurs pour l'énergie. En France, la future loi foncière devra notamment garantir la primauté de la production alimentaire et permettre de lutter contre la spéculation foncière. Par ailleurs, d'autres risques se profilent : le choix de la méthanisation au détriment de l'élevage ; l'inflation du prix des cultures fourragères pour l'élevage ; les problèmes d'acceptabilité sociale. Face à ce constat, des leviers doivent être activés. La mise en place d'un véritable dispositif de contrôle des unités de méthanisation est indispensable. L'actuel système déclaratif est insatisfaisant. Il doit garantir la sécurité des installations, la traçabilité des intrants et la qualité des digestats. En cas de pratiques délictueuses, des sanctions doivent s'appliquer. La création de schémas régionaux permettrait de prendre en compte les spécificités des territoires avec des projets de micro-méthanisation à la ferme et des projets collectifs, en lien avec les industries agro-alimentaires ou les collectivités territoriales. C'est particulièrement le cas en Bretagne, dans le Grand Est, les Hauts-de-France et l'Île-de-France, qui concentrent 51 % des capacités installées à fin mars 2020. Alors que la filière biogaz est en pleine expansion, elle souhaite donc connaître les mesures que le Gouvernement entend prendre pour empêcher ces dérives et promouvoir un modèle de méthanisation à la fois raisonné et tourné vers l'agroécologie.
La méthanisation agricole contribue activement à la politique nationale de développement des énergies renouvelables, tout en assurant un complément de revenus pour les agriculteurs. La question de l'approvisionnement des installations de méthanisation a été identifiée comme fondamentale pour éviter la concurrence de la production d'énergie à partir de biomasse avec les usages alimentaires, à la fois en ce qui concerne les productions elles-mêmes, mais aussi les surfaces agricoles. Ainsi, cette question a été prise en compte dès l'élaboration de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, qui prévoit à son article 112 que : « Les installations de méthanisation de déchets non dangereux ou de matières végétales brutes peuvent être approvisionnées par des cultures alimentaires dans la limite de seuils définis par décret. Les résidus de cultures associés à ces cultures alimentaires et les cultures intermédiaires à vocation énergétique sont autorisés. » Le décret n° 2016-929 du 7 juillet 2016 pris pour l'application de cet article a été publié le 8 juillet 2016, après une concertation approfondie avec les parties prenantes. Il prévoit, pour les cultures alimentaires ou énergétiques, cultivées à titre de culture principale, un plafond maximal de 15 % en tonnage brut des intrants pour l'approvisionnement des installations de méthanisation. La politique européenne évolue vers des modèles d'approvisionnement des méthaniseurs en Europe plus durables. Les pays où le biogaz est produit avec une utilisation massive de cultures énergétiques dédiées s'orientent désormais vers la valorisation de davantage de sous-produits et déchets agricoles, rejoignant ainsi le modèle français promu par le plan « Énergie Méthanisation Autonomie Azote » lancé en mars 2013. La politique européenne encadre également le changement d'affectation des terres, c'est-à-dire les situations dans lesquelles des cultures destinées à la production d'énergie occupent des terres auparavant consacrées aux cultures alimentaires, lesquelles risquent alors d'être déplacées dans des zones non exploitées jusque-là. La directive (UE) 2018/2001 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables, dite « Directive RED II », dont la transposition est engagée, apporte un renforcement de ces orientations.
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