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Éric Woerth
Question N° 33002 au Ministère de l’intérieur


Question soumise le 13 octobre 2020

M. Éric Woerth attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la situation des mineurs non accompagnés, regroupés massivement à Paris, et qui sont nombreux à s'adonner à des raids délinquants dans le sud de l'Oise. En effet, le cas des mineurs (qui ne le sont pas toujours) non accompagnés impliqués dans diverses infractions, en centre-ville de Chantilly, de Pont-Sainte-Maxence et d'autres communes du sud de l'Oise, préoccupe les élus, la population et les forces de l'ordre. Il n'y a pas une semaine sans que des « mineurs » non accompagnés soient impliqués dans des actes de délinquance. Un phénomène très prégnant dans le centre-ville. Ces mineurs sont principalement impliqués dans des vols et même dans des cambriolages. Les forces de l'ordre, gendarmerie et police municipale ne cachent plus leur sentiment d'impuissance face à cette délinquance des mineurs. Ceux-ci déclarent être hébergés dans des foyers de la région parisienne. Interpellés la nuit après des actes délictueux, ils sont placés en garde à vue et présentés au parquet. Ils sont placés quelques heures plus tard vers les mêmes hébergements de l'ASA (aide sociale à l'enfance) sans plus de contraintes. Du fait de leur statut de mineur, ils sont soumis à l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante. Ils ciblent les petits commerces la nuit, notamment les pharmacies et restaurants, et repartent avec des butins dérisoires. Souvent ils sont interpellés par les forces de l'ordre mais au final échappent à tout contrôle et récidivent. Ces « mineurs isolés » sont généralement originaires de l'Afrique du Nord ou de pays en guerre. Cette situation de délinquance est devenue très difficile à expliquer à la population et plus particulièrement aux victimes. L'identification de ces mineurs est rendue complexe voire impossible par leurs déclarations fluctuantes concernant leur identité, leur âge, leur nationalité et par leur refus fréquent de donner leurs empreintes digitales. Mieux que quiconque, ils ont appris et compris que la violence était contre-productive, et qu'un délit commis sans violence pour un mineur sera moins fortement réprimé et sortira donc plus rapidement des « radars » des autorités. Ces mineurs délinquants profitent ainsi en conscience du système législatif français qui leur attribue une quasi impunité. D'abord auteurs de vols à la tire, en région parisienne, ils ont peu à peu migré vers les communes du sud des Hauts-de-France et sont passés aux cambriolages que l'on connaît aujourd'hui. Dans sa circonscription du sud de l'Oise, cet été, une cinquantaine de vols par effraction impliquant des « mineurs isolés » ont été recensés en zone gendarmerie, visant notamment des pharmacies et restaurants où une vingtaine de mineurs, âgés de 9 à 16 ans, ont été interpellés. Ils cambriolent souvent des pharmacies, mais ces mineurs isolés ne volent que très rarement des médicaments ou ceux classés comme stupéfiants. Ils ne sont pas discrets, mais très rapides. Ils savent qu'ils ne risquent rien, la législation est totalement inadaptée. Le modus operandi ne varie guère : ils arrivent souvent en bande de 3 ou 4 jeunes dans les communes desservies par le réseau ferré, ciblent des commerces proches de la gare ; après avoir fracturé le rideau de fer des commerces, ils forcent une issue, font main basse sur les espèces, souvent des sommes dérisoires, et repartent quand ils ne sont pas arrêtés en flagrant délit. Ces jeunes mineurs délinquants n'adhèrent pas aux mesures de protection et d'assistance éducative. Il est impossible de savoir comment ils sont arrivés en France. Isolés, ils ne peuvent être expulsés avant leur majorité. Seul un retour volontaire dans leur pays pourrait être envisagé, ce qui aujourd'hui semble illusoire. La gestion de ce phénomène ne pourrait se faire qu'en collaboration avec les pays dont ils sont originaires, selon les forces de gendarmerie. Est-on dans une période où la délinquance juvénile exploserait, mettant les communes, les citoyens et leurs biens en danger ? Ces jeunes semblent souvent sous l'emprise de réseaux locaux, régionaux, nationaux qui organisent les activités délinquantes (vols, vols à l'arraché, cambriolages), ils sont mobiles et se déplacent facilement d'une ville à l'autre, le réseau ferré y contribue beaucoup. Devant une telle situation, il lui demande quelles sont les intentions du Gouvernement pour infléchir rapidement la tendance croissante de cette délinquance, qui quotidiennement contribue à alimenter le sentiment d'insécurité des administrés déjà grandement affectés par les contraintes sanitaires que la France connaît.

Réponse émise le 23 mars 2021

Le sujet des mineurs non accompagnés (MNA) est complexe et comporte de multiples dimensions dans lesquelles l'action du Gouvernement est guidée par les orientations suivantes : garantir la prise en charge des mineurs non accompagnés sur notre territoire et, dans le même temps, prendre en compte l'augmentation incontestable du nombre de jeunes étrangers majeurs, qui se déclarent mineurs. Le flux de personnes se déclarant MNA a en effet fortement augmenté ces trois dernières années. Aux termes de l'accord du 17 mai 2018 entre l'Etat et l'association des départements de France, l'Etat s'est engagé à renforcer son appui opérationnel et financier aux départements. Outre des efforts de régulation des flux (démantèlement des filières, fichier national, etc.), l'Etat a proposé une aide concentrée sur la phase d'accueil et d'évaluation. Le décret n° 2019-57 du 30 janvier 2019 a créé un traitement de données pour mieux garantir la protection de l'enfance, dénommé « appui à l'évaluation de la minorité (AEM) ». Il permet d'accélérer et de fiabiliser le processus d'évaluation de la minorité et d'éviter le détournement de la protection de l'enfance par des majeurs et ainsi de mieux accueillir les mineurs en situation d'isolement. L'enrôlement des données biométriques des personnes se déclarant mineures dans un fichier national constitue un outil opérationnel pour identifier une personne déjà évaluée majeure et ainsi limiter les présentations successives dans plusieurs départements. Le recours au dispositif d'aide à l'évaluation mis en place par l'État est laissé à l'appréciation du conseil départemental. A ce jour, AEM est utilisé par 74 départements et par la métropole de Lyon. Pour favoriser le déploiement de l'outil sur l'ensemble du territoire national et permettre d'atteindre pleinement les objectifs poursuivis, le décret n° 2020-768 du 23 juin 2020 a modifié l'article R. 221-12 du code de l'action sociale et des familles pour autoriser la réduction du montant de la part de la contribution dédiée à l'évaluation des MNA lorsque le département n'est pas lié à l'Etat par une convention pour l'utilisation d'AEM. De 500 € par évaluation réalisée, le remboursement passerait à 100 €, à compter du 1er janvier 2021. Le conseil départemental de l'Oise a rejoint le dispositif AEM. Il a signé un protocole avec la préfecture en octobre 2019. 43 dossiers y sont en cours d'examen. Le sujet des MNA revêt également une forte dimension d'ordre public. La plupart du temps désœuvrés et sans ressources, ces mineurs, pour l'essentiel originaires du Maghreb, errent dans les rues. De plus en plus agressifs, fréquemment consommateurs de drogue, ils se livrent à des incivilités et commettent des délits (cambriolages, violations de domicile, recels et vols à la tire, vols à la roulotte, vols avec violences, agressions sexuelles, etc.). Cette délinquance crée de sérieux problèmes dans certaines communes particulièrement impactées, nourrissant le sentiment d'insécurité et l'exaspération de la population. La répression est malaisée. Interpellés, fréquemment multirécidivistes, ces mineurs recourent à différents moyens pour éviter tout rapprochement, dissimuler leur majorité et bénéficier des garanties juridiques attachées à la minorité. Ils sont ainsi tantôt gérés par les dispositions de l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante en cas de commission d'infraction, tantôt bénéficiaires du cadre légal de la protection de l'enfance. La difficulté essentielle réside dans la vérification de leur minorité, souvent frauduleusement affirmée et qui leur permet de profiter d'une prise en charge par l'aide sociale à l'enfance, d'un cadre procédural moins contraignant sur le plan pénal en cas d'interpellation et de l'excuse de minorité devant les tribunaux. Elle leur permet aussi de se soustraire à un placement en rétention administrative. Ils bénéficient, en outre, du soutien de certaines associations et mouvances contestataires. Dans l'Oise, les désordres causés par ces mineurs étrangers, violents, sont particulièrement nombreux, notamment dans le bassin creillois. Nombre d'entre eux, bénéficiant d'un accompagnement de l'aide sociale à l'enfance (ASE), fuguent avant leur installation dans une structure d'accueil et multiplient les passages en garde à vue. Cette situation génère de nombreuses tensions dans les structures d'hébergement et dans le département. L'Oise est confrontée à une double pression en matière de mineurs non accompagnés : - une population confiée aux services de l'ASE d'environ 480 individus souvent hébergés sans encadrement efficace ; - une population issue d'Ile-de-France qui utilise essentiellement le vecteur ferroviaire pour se déplacer. Dans l'Oise comme partout ailleurs, les forces de police, au premier rang desquelles les services de la sécurité publique, sont mobilisées pour lutter contre la délinquance des mineurs. La principale difficulté à laquelle les forces de l'ordre sont confrontées tient, comme sur le plan national, à la prétendue minorité de ces auteurs, qui fait obstacle à l'efficacité de quelconques suites judiciaires comme aux possibilités d'éloignement. Pour autant, les services de la direction départementale de la sécurité publique (DDSP) de l'Oise sont mobilisés à plusieurs titres pour répondre à ce phénomène et notamment aux cambriolages dont ils sont les auteurs : vigilance des patrouilles de police, surveillance ponctuelle par les brigades anti-criminalité des arrivées en gare, mobilisation des référents sûreté, utilisation du dispositif d'alerte SMS aux commerçants (en lien avec la chambre de commerce et d'industrie), accroissement de la surveillance des vecteurs ferroviaires en lien avec la police aux frontières, mais aussi avec la gendarmerie départementale et le service de sécurité de la SNCF. 52 mineurs étrangers ont par exemple été interpellés par les services de la sécurité publique en 2020 pour des faits de cambriolages, contre 12 en 2019. Par ailleurs, les services d'investigation s'attachent, chaque fois que possible, à apporter la preuve de la majorité afin de faciliter la répression judiciaire mais aussi pour permettre des procédures d'éloignement. A l'initiative de la DDSP, s'est tenu le 16 septembre 2020 à Beauvais un groupe de partenariat opérationnel thématique avec les acteurs concernés (ASE, municipalité, préfecture, protection judiciaire de la jeunesse, etc.). L'objectif était d'améliorer la circulation de l'information malgré les réticences de certains professionnels à communiquer les identités des MNA en fugue de leurs structures, voire les lieux où ils sont logés. Certains agents ou associations restent en effet réticents à appliquer les protocoles de gestion des mineurs en fugue signés dans l'Oise entre les autorités judiciaires, l'ASE et la police nationale.

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