M. Patrice Perrot appelle l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États. De nombreux gouvernements estiment aujourd'hui qu'une réforme du régime des accords internationaux d'investissement, qui s'appuie sur des mécanismes de règlement des différends entre investisseurs et États (RDIE) devant des tribunaux d'arbitrage internationaux, est devenue indispensable. La conférence des Nations unies sur le commerce et de développement a organisé en octobre 2017 une réunion d'experts à Genève dans le but d'étudier les options en vue d'une telle réforme, dont la renégociation ou l'abandon de quelques 3 000 traités obsolètes, à commencer par le traité sur la charte de l'énergie (TCE), seul pacte mondial sur l'investissement spécifiquement consacré à l'énergie. Le ministre de la transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot, a d'ailleurs annoncé que la France avait l'intention de mettre en place un « veto climatique » au CETA précisant qu'elle ne ratifierait cet accord qu'avec l'assurance que « ses propres engagements climatiques ne puissent en aucun cas, et notamment dans le cadre des tribunaux d'arbitrage, être attaquées par un investisseur ». Le Président de la République a quant à lui appelé, lors du dernier Conseil européen, à une « réforme de la politique commerciale européenne », basée sur les principes d'« équité et de réciprocité ». Dans la perspective de cette réforme, la Commission européenne propose de créer une cour permanente d'arbitrage. Les ONG suivent cette évolution avec scepticisme car elle ne remettrait pas en cause le principe même d'une justice privée. Tout comme de nombreuses autres voix critiques, elles préconisent ainsi plutôt une suppression pure et simple du RDIE pour rétablir l'autorité des tribunaux nationaux. Aussi il lui demande quelle position la France entend défendre, dans le cadre des discussions avec les États membres de l'Europe, en vue d'accroître la transparence des négociations commerciales et de renforcer l'exigence et le respect des clauses sociales, environnementales et de sécurité alimentaire des traités commerciaux.
Dans le cadre des accords commerciaux actuellement négociés par l'Union européenne, les dispositions relatives à la protection de l'investissement reflètent le nouveau modèle européen, appelé "Investment Court System" (ICS), que la France a largement contribué à façonner. Ce modèle consacre plusieurs innovations importantes en matière de règlement des différends entre investisseurs et Etat. Tout d'abord, le droit à réguler des États est explicitement réaffirmé, grâce à l'insertion d'une clause spécifique applicable à l'ensemble des dispositions relatives à la protection des investissements, de sorte que les Etats conservent le pouvoir d'adopter les mesures législatives ou réglementaires nécessaires à la poursuite d'objectifs légitimes liés à l'intérêt général, tels que la protection de la santé, de l'environnement, des consommateurs ou de la diversité culturelle et linguistique. En outre, s'agissant du mode de règlement des différends, les litiges ne seront plus tranchés par des arbitres choisis librement par les Parties, mais par des juges permanents préalablement désignés, sur la base de critères de sélection similaires à ceux qui prévalent au sein de la Cour internationale de justice ou de l'Organe d'appel de l'Organisation mondiale du commerce. Pour garantir leur indépendance, ces juges seront rémunérés de manière contrôlée et devront, pendant toute la durée de leur mandat, se conformer à des règles éthiques strictes, qui leur interdiront notamment d'exercer des fonctions de conseil. Par ailleurs, ce modèle prévoit également un double degré de juridiction, une transparence renforcée des procédures. Elle clarifie la place des juridictions nationales et dote les Etats de plusieurs outils pour se prémunir contre les plaintes multiples et abusives. Ainsi, cette nouvelle approche de l'Union européenne entend répondre aux préoccupations légitimes exprimées par l'opinion publique en introduisant certains principes essentiels des juridictions nationales et internationales dans les procédures et en garantissant pleinement le droit des Etats à réguler. Ce dispositif sera prochainement instauré par les accords récemment conclus par l'Union européenne avec le Canada, Singapour et le Mexique. Dans cet esprit, la France et l'Union européenne, aidées par le Canada, ont demandé à la CNUDCI d'engager une réflexion sur l'avenir de ces modes de règlement des différends et ont obtenu la création d'un groupe de travail afin d'instaurer à terme une cour multilatérale permanente dédiée aux litiges en matière d'investissement. Enfin, la France continue à œuvrer dans toutes les négociations en faveur d'une politique commerciale progressiste, qui assure le respect de standards élevés européens en matière environnemental, sanitaire ou alimentaire. La position du gouvernement est que les accords commerciaux négociés par l'Union européenne doivent contribuer à promouvoir des normes et des règles de production exigeantes, qui garantissent la protection et la sécurité de nos consommateurs, et contribuent à assurer une concurrence équitable avec nos partenaires. A ce titre, il peut notamment être relevé que la France a porté au niveau européen l'insertion dans les accords commerciaux que négociera prochainement l'Union européenne d'une clause visant à conditionner la conclusion de tels accords au respect de l'Accord de Paris.
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