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Aurélien Taché
Question N° 33325 au Ministère de l’éducation nationale


Question soumise le 27 octobre 2020

M. Aurélien Taché appelle l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports sur la nécessité de soutenir et d'accompagner le développement d'une offre d'enseignement musulman privé sous contrat. Selon les chiffres de 2019, la France compte entre 70 et 90 établissements privés musulmans. Une goutte d'eau par rapport aux 300 écoles juives et 9 000 établissements catholiques, alors qu'avec plus de 4 millions de pratiquants (environs 6 % de la population), l'islam est la deuxième religion de France. Parmi ces établissements, seules 2 écoles musulmanes sont sous contrat avec l'État. Depuis 2017, aucun agrément n'a été délivré, même quand les conditions de pédagogie et de 5 années d'existence sont réunies. Il y a alors un fort décalage entre la demande de la population et le réseau d'écoles musulmanes. Le projet de loi visant à « renforcer la laïcité » présenté par Emmanuel Macron prévoit d'interdire l'instruction à domicile, de rendre la scolarisation obligatoire dès 3 ans, et surtout de durcir les contrôles sur les établissements privés hors contrat, pourtant déjà renforcés par la loi Gatel de septembre 2018. Ces mesures visent notamment à lutter contre les dérives observées dans certaines structures confessionnelles et ciblent particulièrement l'islam : le document du ministère de l'Intérieur, présentant les principales mesures de cette loi, donne notamment l'exemple d'un établissement wahhabite à Bobigny fermé en 2019. Pourtant, ces mesures d'interdiction et de restriction ne seront efficaces que si elles s'accompagnent du développement d'une véritable offre éducative musulmane sous contrat. En effet, si une politique volontariste de contrôle et de fermetures d'établissements est bien menée (fermeture de 6 établissements depuis 2018), rien n'est fait pour proposer une offre alternative aux nombreuses familles souhaitant que leur enfant reçoive une éducation religieuse. Celles-ci risquent alors de rompre totalement avec le système et de basculer dans la clandestinité et l'évitement scolaire. L'enseignement musulman et républicain a toute sa place en France à condition qu'on lui donne les moyens d'exister ! Aussi, il lui demande quelles sont les mesures envisagées par le Gouvernement pour favoriser l'émergence d'une offre ambitieuse d'éducation musulmane sous contrat en France.

Réponse émise le 9 février 2021

Tout établissement d'enseignement privé, lié à l'État par contrat ou non, doit, indépendamment de son caractère propre, être en mesure d'offrir à ses élèves les mêmes garanties en matière de droit à l'éducation, de sauvegarde de l'ordre public et de protection de l'enfance et de la jeunesse. Le projet de loi confortant les principes républicains, dans son volet éducatif, s'inscrit dans la même logique que la loi du 13 avril 2018 visant à simplifier et mieux encadrer le régime d'ouverture et de contrôle des établissements d'enseignement privés hors contrat, et la loi du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance en vue de renforcer le droit à l'éducation. Ainsi, le recentrage de l'instruction à domicile autour des enfants pour lesquels la scolarisation dès l'âge de trois ans est impossible, vise à lutter contre l'existence d'écoles de fait, dans lesquelles le droit à l'éducation et les valeurs de la République ne sont pas respectés, mais surtout à réduire les inégalités scolaires dès le stade préélémentaire. Le contrôle des établissements d'enseignement privés hors contrat demeure l'occasion pour les équipes d'inspection d'accompagner les porteurs de projets en identifiant les pistes d'amélioration en vue de permettre aux élèves d'acquérir dans les meilleures conditions possibles à l'âge de 16 ans le socle commun de connaissances, de compétences et de culture. Ce contrôle doit également, si cela s'avère nécessaire, pouvoir donner lieu rapidement à des sanctions administratives et à des sanctions pénales plus sévères à l'encontre des dirigeants des établissements persistant à ne pas se conformer aux règles qu'ils ont l'obligation de respecter. L'enseignement privé se caractérise en France par sa diversité. Dès lors qu'aucune réglementation n'impose aux établissements de déclarer leur caractère propre, on ne peut cerner cette diversité qu'en s'appuyant sur des ordres de grandeur au regard du caractère propre déclaré ou revendiqué par l'établissement lui-même. Les établissements sous contrat se déclarant catholiques, juifs ou laïcs représentent l'essentiel des effectifs d'élèves (98,6 %). Les établissements d'enseignement des langues régionales, de confession protestante ou musulmane ou encore certains instituts médico-éducatifs complètent l'offre d'enseignement existant au sein de l'enseignement privé sous contrat. Ces établissements sont souvent affiliés ou proches de réseaux ou d'associations d'établissements qui assurent la promotion et l'animation du caractère propre qu'ils revendiquent, sans cependant que leur existence soit conditionnée à cette proximité. Cette offre correspond dans tous les cas à un besoin scolaire reconnu et s'inscrit dans un cadre juridique précis. En premier lieu, le code de l'éducation prévoit que « les établissements d'enseignement privés (…) ouverts depuis cinq ans au moins à la date d'entrée en vigueur du contrat » peuvent demander à passer avec l'État soit un contrat d'association (article R. 442-33, premier alinéa), soit un contrat simple (article R. 442-49, premier alinéa). En second lieu, les établissements qui souhaitent conclure un contrat d'association avec l'État s'engagent à respecter les programmes et les règles générales relatives aux horaires de l'enseignement public. C'est d'abord cet engagement qui justifie l'octroi de moyens financiers à ces établissements. En pratique, la capacité des établissements à respecter les programmes est vérifiée à l'occasion d'une inspection préalable à la mise sous contrat des établissements concernés. La mise à disposition de moyens financiers pour les établissements d'enseignement se déclarant musulmans s'effectue également dans ce cadre et il n'est pas envisagé d'introduire un dispositif dérogatoire pour ces établissements. Il convient également de rappeler qu'en application de l'article L.442-14 du code de l'éducation, le montant des crédits alloués à la rémunération des personnels enseignants des classes sous contrat des établissements d'enseignement privés est déterminé chaque année en loi de finances initiale. Or, les lois de finances initiales des années 2018, 2019 et 2020, s'agissant du programme budgétaire 139 « Enseignement privé du premier et du second degrés », n'ont pas prévu la création de moyens nouveaux. À la rentrée 2019, les établissements d'enseignement privés des premier et second degrés revendiquant un caractère propre musulman scolarisaient un peu plus de 10 500 élèves (soit 0,47 % de l'ensemble des élèves de l'enseignement privé). Sur ce total, près de 1 300 élèves sont déjà dans des divisions sous contrat. Le réseau comptait une centaine établissements à la rentrée 2019, avec respectivement 90 établissements hors contrat et désormais 10 établissements sous contrat. Il y a lieu de souligner que les établissements revendiquant un caractère propre musulman sont de création récente, ce qui explique leur nombre relativement réduit. Au niveau national, ces établissements sont, notamment, représentés par la Fédération nationale de l'enseignement privé musulman (FNEM), créée en 2014. Progressivement, cette instance est devenue un des interlocuteurs du ministère chargé de l'éducation nationale, en particulier pour les questions liées au passage de classes sous contrat avec l'État et au développement des établissements qui lui sont affiliés. Pour la rentrée 2020, les établissements musulmans ont bénéficié de 3 emplois en équivalent temps plein (ETP). Concernant la rentrée 2021, le projet de loi de finances initiale prévoit la suppression de 239 ETP pour le programme 139. Comme pour les années passées, les redéploiements à opérer se feront en tenant compte de la diversité de l'offre d'enseignement privé et des dynamiques de chaque caractère propre.

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