Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Gérard Leseul
Question N° 33756 au Ministère auprès du premier ministre


Question soumise le 10 novembre 2020

M. Gérard Leseul attire l'attention de Mme la ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances, sur l'avenir du 3919, la ligne d'écoute nationale Violences femmes info qui risque d'être fragilisée par l'annonce du lancement d'un marché public avec ouverture à la concurrence à l'occasion de son extension 24 h/24. Il s'agit d'un dispositif conçu pour prendre le temps d'écouter les femmes victimes de violences et analyser des situations très souvent délicates. Forte d'une expérience de plus de 30 ans la Fédération nationale solidarité femme (FNSF) a su développer un engagement et une expérience aux côtés des femmes en démontrant une capacité à faire face aux afflux d'appels, notamment pendant la première période de confinement (près de 900 appels entrants par jour en moyenne). Plus que jamais durant ce confinement et dans les longs mois qui vont conduire à avoir moins d'interactions sociales à cause de la situation sanitaire, il est primordial de pouvoir compter sur un service public fort et puissant en capacité d'écouter, d'aider et d'orienter les femmes victimes de violences. M. le député insiste sur le fait que le phénomène de violences faites aux femmes et notamment conjugales au sein du domicile pourrait s'accentuer dans le cadre du reconfinement alors qu'il sera de plus en plus difficile de trouver refuge hors du domicile et de sortir dans l'espace public au vu des contraintes sanitaires. La prise des appels nécessite une longue écoute, une formation et une qualification importante ainsi qu'une analyse fine des mécanismes de domination à l'œuvre dans ces violences sexistes. Il s'agit d'un service d'écoute et d'aide très particulier qui ne peut s'inscrire dans une logique privée. Cette mission sociale d'intérêt général ne peut pas et ne doit surtout pas faire l'objet de cadence d'appels, de messages automatiquement répétés et de contraintes de temps. Il lui demande de préciser les raisons pour lesquelles le Gouvernement envisage l'ouverture à la concurrence de ce service, qui risque fortement de restreindre les temps d'écoute, de dégrader la qualité du service et de « mécaniser » un service qui demande au contraire beaucoup d'humanité.

Réponse émise le 15 décembre 2020

La Fédération Nationale Solidarité Femmes (FNSF) constitue depuis plusieurs années un partenaire privilégié de l'Etat en matière de lutte contre les violences au sein du couple. Il n'entend nullement remettre en cause cet engagement indéniable, ni la qualité de ses interventions, constamment soutenues. Il a du reste été présent à ses côtés pour soutenir cette action depuis sa création, ainsi que pour accompagner l'évolution du dispositif d'écoute vers un numéro court, plus facilement identifiable auprès des femmes victimes de violences, porté par la seule fédération via une plateforme nationale. L'Etat l'a d'ailleurs soutenu systématiquement par des subventions en constante augmentation. Toutefois, comme indiqué dès fin 2019 à la FNSF, il n'est pas possible juridiquement, au vu des règles de droit de la commande publique et européennes, de soutenir ce dispositif par subvention aussi bien dans le cadre d'un appel à projets que par conventionnement. Dès lors que l'Etat endosse le pilotage et la responsabilité d'un dispositif d'écoute des femmes victimes de violence, qu'il en définit les besoins à satisfaire et les modalités (notamment un fonctionnement 24h/24, l'accessibilité aux personnes en situation de handicap) et qu'il le financera en totalité, le marché public est le vecteur de l'action. Dans le cas contraire, le risque de requalification de la subvention en contrat serait important, avec un remboursement de la subvention. Cela emporterait également, à la fois pour les pouvoirs publics et l'association, des conséquences lourdes, sur les plans fiscal, pénal et civil. En l'espèce, le recours au marché public n'est pas un choix mais s'impose comme une conséquence. Cela ne signifie nullement une contestation des droits et propriétés dont l'association est détentrice, s'agissant des aspects matériels ou immatériels. Il serait quelque peu paradoxal d'en conclure que l'Etat, en se conformant au droit en vigueur, entre dans une logique mercantile quant à la prise en charge des femmes victimes de violences et privatise ce dispositif dont le financement sera assuré à 100% par l'Etat. Il est d'ailleurs noté que plusieurs dispositifs d'écoute téléphoniques dans le domaine des services sociaux relèvent déjà de marchés publics pilotés par l'Etat. Il s'agit par exemple du marché des numéros 116 000 pour les enfants disparus, 116 006 à destination des victimes ou encore de la plateforme 360 dédiée aux personnes en situation de handicap. Attentif par ailleurs aux risques soulevés par l'honorable parlementaire, l'Etat entend veiller au contraire via ce marché réservé aux acteurs de l'économie sociale et solidaire, à ce que cette future plateforme réponde à des hautes exigences qualitatives en termes de fonctionnement. Le Ministère et ses services seront ainsi très vigilants sur la qualité des projets présentés, notamment pour la formation des écoutantes et écoutants sur les violences, afin de renforcer l'écoute et l'accompagnement de ce public. La FNSF peut naturellement candidater dans le cadre de la consultation qui sera lancée à cet effet, au vu en particulier de l'antériorité de son action et des compétences spécifiques développées et capitalisées. Il est enfin signalé que l'Etat est interpellé sur les modalités de fonctionnement de ce dispositif et, tout récemment, lorsque la plateforme d'écoute a cessé son activité pendant quelques jours lors de la crise sanitaire et y a répondu en apportant une contribution financière complémentaire répondant aux besoins de la plateforme pendant cette période. Dans ce contexte, les pouvoirs publics n'entendent donc pas se défausser de leurs responsabilités mais au contraire accroitre leur soutien à l'écoute des femmes victimes de violences.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.