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Emmanuelle Ménard
Question N° 3391 au Ministère de l'agriculture


Question soumise le 5 décembre 2017

Mme Emmanuelle Ménard attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur la biodiversité et sauvegarde des abeilles. Indispensable, les abeilles peuvent polliniser en une journée jusqu'à trois millions de fleurs. En France 72,2 % et en Europe 84 % des terres agricoles destinées à l'alimentation ont besoin d'insectes pollinisateurs. Selon la Fondation pour la recherche sur la biodiversité, « 5 à 8 % de la production agricole mondiale de 2016, représentant une valeur marchande annuelle de 235 à 577 milliards de dollars, est directement attribuable à la pollinisation ». Henri Clément, secrétaire général et porte-parole de l'Union nationale de l'apiculture française, considère qu'en 20 ans la production de miel est passée : « de 50 kg de miel par ruche et par an à une douzaine de kg ». En 10 ans, 15 000 apiculteurs ont disparu. Pour les autres, leur situation est extrêmement précaire. Le recours aux néonicotinoïdes déciment les abeilles, et engendrent une baisse de production de miel. En France, 30 % des colonies disparaissent chaque année. Alors que dans les années 1990, la France produisait 35 000 tonnes de miel par an, en 2016 et en 2017, cette production est passée « sous la barre des 10 000 tonnes ». Cette situation est d'autant plus regrettable que les Français consomment 30 000 tonnes de miel par an. Pour pallier ce manque les importations de miel augmentent (miels chinois, argentins, ukrainiens). S'ils sont moins chers ils sont aussi souvent de moins bonne qualité (ajout de sucres). Le réchauffement climatique n'est pas sans conséquence : les abeilles: « ont de plus en plus de mal à trouver des ressources. Cette année [en 2017] j'ai vu que les abeilles avaient faim en juillet sans rien pouvoir ramener à la ruche », observe Henri Clément. Des solutions existent. Tout d'abord, de nouveaux crédits doivent être alloués à l'Institut des abeilles. Le 4 novembre 2017, son président, Jean-Yves Froisset, insistait : « il manque à l'Institut, financé à 90 % par des crédits d'État, entre 500 000 et 1 million d'euros pour faire face aux missions qui lui sont confiées ». Un arsenal législatif doit également être adopté dans les plus brefs délais pour lutter contre la concurrence déloyale, européenne et mondiale, que subissent les apiculteurs français, notamment en matière d'étiquetages trompeurs qui induisent en erreur le consommateur sur l'origine du miel qu'ils achètent (mélange de miel originaires ou non originaires de l'Union européenne). Il convient également de poursuivre la lutte progressive contre les insecticides néonicotinïdes (dans la lignée de la loi votée le 8 août 2017) qui détruisent les insectes et mettent en danger la santé des Français. Une étude franco-suisse estime ainsi que « 75 % des miels analysés contiennent des traces de ces substances neurotoxiques ». Elle lui demande quelles mesures le Gouvernement compte prendre pour lutter contre la mortalité croissante des abeilles et la baisse de production de miel, pour venir en aide aux apiculteurs et lutter contre la concurrence déloyale de miels étrangers.

Réponse émise le 14 août 2018

Plusieurs organisations apicoles ont fait état de surmortalités de colonies d'abeilles particulièrement marquées en sortie d'hiver 2017/2018 dans plusieurs régions françaises. Face à cette situation, le ministère de l'agriculture et de l'alimentation a demandé le 7 juin 2018 à ses services d'organiser un état des lieux précis des mortalités sur l'ensemble du territoire national. Un dispositif d'enquête combinant une appréciation qualitative et quantitative a ainsi été mis en place. Le ministère de l'agriculture et de l'alimentation a interrogé ses services pour recueillir rapidement toutes les informations disponibles concernant d'éventuelles augmentations des mortalités hivernales constatées en sortie d'hiver 2017/2018. Cette enquête fait état de remontées d'informations auprès des directions régionales de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt de mortalités hivernales 2017/2018 en augmentation par rapport aux hivers précédents en Bretagne, Nouvelle-Aquitaine, Provence-Alpes-Côte d'Azur et Bourgogne-Franche-Comté principalement, même si des cas ponctuels de mortalités significatives sont également signalés dans d'autres régions, et touchent toutes les catégories d'apiculteurs (de loisir et professionnels). Afin de préciser le premier état des lieux dressé par les services officiels, une enquête « quantitative » à destination des apiculteurs français, élaborée dans le cadre de la plateforme nationale d'épidémiosurveillance en santé animale (plateforme ESA), sera lancée cet été. Les apiculteurs seront informés individuellement de l'ouverture de l'enquête à laquelle ils seront invités à répondre par mail ou par courrier. En termes de surveillance, l'observatoire des mortalités et des affaiblissements des colonies d'abeilles, mis en place en 2017 de manière exploratoire dans deux régions pilotes (Bretagne et Pays de la Loire), doit notamment permettre d'objectiver la situation du cheptel apicole. Les apiculteurs ont participé activement au dispositif en portant à la connaissance de l'observatoire les événements de santé rencontrés sur leurs ruchers. Un premier bilan de fonctionnement a été publié le 6 juin 2018. Des réflexions sont menées au niveau national avec les différents acteurs pour préciser les modalités d'investigation dans les recherches, sur le plan technique et analytique incluant le volet toxicologique. Cet observatoire a pour vocation à terme d'être déployé dans l'ensemble des régions françaises. Concernant la surveillance plus particulière des risques toxicologiques liés à d'éventuels mésusages ou effets non intentionnels de produits chimiques (produits phytopharmaceutiques, biocides, médicaments vétérinaires), un dispositif de surveillance des mortalités massives aiguës des abeilles existe depuis plusieurs années. Suite à son évaluation par l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) en 2017, ce dispositif a été revu début 2018, en lien avec un groupe de travail technique associant experts et parties prenantes pour améliorer le dispositif à court et à moyen terme. Le ministère de l'agriculture et de l'alimentation finance également l'étude « BAPESA », impliquant notamment l'institut technique et scientifique de l'apiculture et de la pollinisation, l'institut national de la recherche agronomique et l'Anses, qui a pour objectif d'évaluer l'exposition de colonies d'abeilles aux substances antiparasitaires et biocides utilisées en élevage et d'étudier les éventuels effets de santé associés sur les colonies d'abeilles. En termes de lutte contre les agents biologiques responsables d'affaiblissement et de mortalités, compte tenu des enjeux sanitaires et économiques liés à varroa destructor, une stratégie nationale de prévention, surveillance et lutte a été élaborée afin de réduire la pression d'infestation des ruchers avec des travaux techniques menés par GDS France. La filière, éventuellement par son interprofession nouvellement créée, doit s'emparer de façon prioritaire de ce sujet en s'engageant dans une stratégie règlementaire face à ce parasite. En ce qui concerne la réduction de l'impact des produits chimiques et des produits phytopharmaceutiques en particulier, la loi no 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages interdit l'utilisation des produits de la famille des néonicotinoïdes à compter du 1er septembre 2018. Toutefois des dérogations pourront être accordées jusqu'au 1er juillet 2020 par arrêté conjoint des ministres chargés de l'agriculture, de l'environnement et de la santé. Elles devront se fonder sur un bilan établi par l'Anses comparant les bénéfices et les risques liés aux usages des produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives néonicotinoïdes avec ceux liés aux usages de produits de substitution ou aux méthodes alternatives disponibles. L'avis et le rapport de l'Anses « risques et bénéfices relatifs des alternatives aux produits phytopharmaceutiques comportant des néonicotinoïdes » sont parus le 30 mai 2018. Les éventuelles dérogations seront décidées sur la base des conclusions de ce rapport, des évolutions et de l'encadrement de ces molécules au plan européen. En effet, des restrictions complémentaires ont été votées fin avril, visant trois néonicotinoïdes (clothianidine, imidaclopride et thiaméthoxame) et restreignant leur usage uniquement sous serre, avec application effective le 19 décembre 2018. Par ailleurs, le thiaclopride a été récemment classé reprotoxique (R1) par l'ECHA (agence européenne compétente). Par ailleurs, le plan d'actions gouvernemental sur les produits phytopharmaceutiques et une agriculture moins dépendante aux pesticides a été présenté le 25 avril 2018. Il prévoit, parmi les mesures destinées à préserver l'environnement, un renforcement du dispositif réglementaire de protection des abeilles et autres insectes pollinisateurs. Il repose actuellement sur différentes dispositions de l'arrêté du 28 novembre 2003 relatif aux conditions d'utilisation des insecticides et acaricides à usage agricole en vue de protéger les abeilles et autres insectes pollinisateurs, de l'arrêté du 13 janvier 2009 relatif aux conditions d'enrobage et d'utilisation des semences traitées et de l'arrêté du 7 avril 2010 relatif à l'utilisation des mélanges extemporanés de produits phytopharmaceutiques. Ce dispositif transversal vient en complément des conditions d'emploi spécifiques à chaque produit, qui sont précisées dans l'autorisation de mise sur le marché délivrée à l'issue de l'évaluation des risques du produit, incluant l'évaluation des risques pour les pollinisateurs. À la lumière des nouvelles données scientifiques, l'Anses a été saisie pour formuler des propositions d'évolution de ce cadre réglementaire. Enfin, l'amélioration de l'information du consommateur est un enjeu important auquel le ministre est particulièrement sensible, comme il a pu le rappeler lors de l'examen des amendements au projet de loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire. Un amendement a été adopté en ce sens et figure désormais dans le projet de loi. Mais le sujet doit aussi être appréhendé au niveau européen et le ministre s'est engagé à porter une initiative auprès de ses collègues européens afin de faire évoluer la réglementation européenne en la matière.

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