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Sébastien Chenu
Question N° 33938 au Ministère auprès du premier ministre


Question soumise le 17 novembre 2020

M. Sébastien Chenu interroge Mme la ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances, sur l'annonce du lancement d'un marché public concernant la ligne 3919. Suite à son annonce du 2 septembre 2020, il la met en garde contre une fragilisation certaine de cette ligne d'écoute en cas de mise en concurrence. Avant tout, le lancement d'un marché public risque de mettre en péril la connexion de la ligne avec ses partenaires, essentielle à son efficacité. En effet, la ligne 3919 est une ligne d'écoute nationale créée en 1992 par la FNSF et gérée par cette dernière. En dépit de subventions limitées, elle dispose aujourd'hui d'une plateforme en continu de 9 h à 22 h. Les écoutantes peuvent s'appuyer sur un recueil de données mis à disposition sur l'ensemble du territoire national par 73 associations fédérées, qui sont capables de relayer le 3919 dans la prise en charge des femmes. Cette connexion entre le 3919 et le réseau national associatif qui le supporte - sans compter l'ensemble des associations nationales partenaires - risque d'être anéantie par la mise en compétitionvia les règles du marché public. Il faut souligner que, durant la période du confinement, c'est bien l'absence de concurrence qui fut la clef de voûte de la coopération de la ligne 3919 et de ses partenaires, permettant de répondre correctement à l'explosion des appels - jusqu'à plus de 1 000 appels par jour. Si le projet du Gouvernement va à contre-courant du principe de la réussite de l'écoute, il faut y entrevoir un double contresens inquiétant de la part du Gouvernement. D'une part, le Gouvernement a inscrit les violences faites aux femmes comme une cause principale de ce quinquennat. Il a d'ailleurs lancé à une date symbolique, le 3 septembre 2019, la consultation nationale du Grenelle, pour prendre considérablement connaissance du poids de la ligne 3919, pour médiatiser ce numéro d'écoute, pour inciter à son usage, au point de solliciter la mise en place de la permanence 24 h/24 de la plateforme. La première contradiction du Gouvernement est de s'opposer à la FNSF, qui s'était déclarée prête à satisfaire cette proposition sous réserve d'obtention de subventions complémentaires grâce à un nouveau contrat pluriannuel d'objectifs et de moyen. L'annonce du lancement d'un marché public nie à la fois les risques de dérégulation et l'optimalisation que revêt la solution des subventions. D'autre part, la seconde contradiction de cette annonce se traduit par un démenti profond du Gouvernement à l'encontre de l'expertise et de la capacité de la FNSF à assurer un dispositif d'intérêt général. Mme Delphine Beauvais, directrice du Pôle violence faites aux femmes, rappelle bien que la FNSF, sans moyens supplémentaires, a su faire face à l'afflux d'appels (96 799 contre 66 824 en 2018). L'écoute des femmes par la FNSF est à haute valeurs ajoutée, issue d'une expérience de plus de trente ans, parachevée sur le terrain, née alors même qu'elle n'intéressait que des militantes. Aucune comparaison entre l'activité d'écoute et une activité de marché n'est sensée. En somme, la mercantilisation de la plateforme d'écoute provoquera des dérives qui empiéteront sur la qualité des services : réduction, chronométrage et industrialisation des appels, de la détresse et de la prise en charge des femmes. Cette perspective d'appauvrissement de ce service donne à voir un recul démocratique dans la lutte contre les violences faites aux femmes et un mépris voilé des instruments de cette lutte. Il lui demande donc de bien vouloir apporter des clarifications sur cette annonce de lancement d'un marché public de la ligne 3919 et de considérer l'aide financière, initialement discutée, comme alternative plus viable.

Réponse émise le 15 décembre 2020

La Fédération Nationale Solidarité Femmes (FNSF) constitue depuis plusieurs années un partenaire privilégié de l'Etat en matière de lutte contre les violences au sein du couple. Il n'entend nullement remettre en cause cet engagement indéniable, ni la qualité de ses interventions, constamment soutenues. Il a du reste été présent à ses côtés pour soutenir cette action depuis sa création, ainsi que pour accompagner l'évolution du dispositif d'écoute vers un numéro court, plus facilement identifiable auprès des femmes victimes de violences, porté par la seule fédération via une plateforme nationale. L'Etat l'a d'ailleurs soutenu systématiquement par des subventions en constante augmentation. Toutefois, comme indiqué dès fin 2019 à la FNSF, il n'est pas possible juridiquement, au vu des règles de droit de la commande publique et européennes, de soutenir ce dispositif par subvention aussi bien dans le cadre d'un appel à projets que par conventionnement. Dès lors que l'Etat endosse le pilotage et la responsabilité d'un dispositif d'écoute des femmes victimes de violence, qu'il en définit les besoins à satisfaire et les modalités (notamment un fonctionnement 24h/24, l'accessibilité aux personnes en situation de handicap) et qu'il le financera en totalité, le marché public est le vecteur de l'action. Dans le cas contraire, le risque de requalification de la subvention en contrat serait important, avec un remboursement de la subvention. Cela emporterait également, à la fois pour les pouvoirs publics et l'association, des conséquences lourdes, sur les plans fiscal, pénal et civil. En l'espèce, le recours au marché public n'est pas un choix mais s'impose comme une conséquence. Cela ne signifie nullement une contestation des droits et propriétés dont l'association est détentrice, s'agissant des aspects matériels ou immatériels. Il serait quelque peu paradoxal d'en conclure que l'Etat, en se conformant au droit en vigueur, entre dans une logique mercantile quant à la prise en charge des femmes victimes de violences et privatise ce dispositif dont le financement sera assuré à 100% par l'Etat. Il est d'ailleurs noté que plusieurs dispositifs d'écoute téléphoniques dans le domaine des services sociaux relèvent déjà de marchés publics pilotés par l'Etat. Il s'agit par exemple du marché des numéros 116 000 pour les enfants disparus, 116 006 à destination des victimes ou encore de la plateforme 360 dédiée aux personnes en situation de handicap. Attentif par ailleurs aux risques soulevés par l'honorable parlementaire, l'Etat entend veiller au contraire via ce marché réservé aux acteurs de l'économie sociale et solidaire, à ce que cette future plateforme réponde à des hautes exigences qualitatives en termes de fonctionnement. Le Ministère et ses services seront ainsi très vigilants sur la qualité des projets présentés, notamment pour la formation des écoutantes et écoutants sur les violences, afin de renforcer l'écoute et l'accompagnement de ce public. La FNSF peut naturellement candidater dans le cadre de la consultation qui sera lancée à cet effet, au vu en particulier de l'antériorité de son action et des compétences spécifiques développées et capitalisées. Il est enfin signalé que l'Etat est interpellé sur les modalités de fonctionnement de ce dispositif et, tout récemment, lorsque la plateforme d'écoute a cessé son activité pendant quelques jours lors de la crise sanitaire et y a répondu en apportant une contribution financière complémentaire répondant aux besoins de la plateforme pendant cette période. Dans ce contexte, les pouvoirs publics n'entendent donc pas se défausser de leurs responsabilités mais au contraire accroitre leur soutien à l'écoute des femmes victimes de violences.

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