Mme Martine Wonner alerte M. le ministre des solidarités et de la santé sur l'étude publiée par l'association UFC-Que choisir sur la responsabilité des laboratoires quant aux pénuries de médicaments. La pandémie de la covid-19 a mis en exergue, de manière criante, les pénuries de médicaments en France et les tensions d'approvisionnement à l'échelle mondiale. Ces pénuries ont subi une forte croissance depuis maintenant une décennie : 405 ruptures étaient recensées en 2016, un chiffre qui a quasiment triplé pour atteindre 1 200 en 2019. Et ce chiffre pourrait doubler en seulement un an. En effet, l'Agence nationale du médicament (ANSM) prévoit qu'en 2020, suite à la crise sanitaire, ce sont 2 400 ruptures qui seront constatées, soit six fois plus qu'en 2016. À titre de comparaison, seules 44 ruptures de stock avaient été comptabilisées en 2008. De plus, ces médicaments relèvent fréquemment de la classification des médicaments d'intérêt thérapeutique majeur (MITM) pour lesquels une interruption de traitement peut avoir des conséquences sur le pronostic vital des patients. Dans cette étude, il est fait état que, dans seulement 37 % des situations de ruptures de stock, une solution acceptable est proposée en mettant dans le circuit français des produits initialement destinés à alimenter d'autres pays. Dans 30 % des cas, les patients sont orientés vers une alternative thérapeutique avec des effets secondaires possibles. Enfin, 12 % des producteurs orientent les professionnels de santé vers des solutions de derniers recours, comme la diminution de la posologie. Et dans près d'un cas sur cinq, aucune solution alternative n'est proposée, entraînant donc une augmentation de la mortalité pour de nombreuses maladies. La logique de profit et de rentabilité des laboratoires ne peut plus avoir pour conséquences la mort et la mise en danger volontaire de patients. L'étude démontre que les pénuries ne touchent en effet que rarement les molécules les plus onéreuses, les traitements indisponibles étant prioritairement des produits anciens et peu coûteux. 16 % des pénuries résultent d'arrêts de commercialisation, souvent liés au manque d'intérêt économique pour certains médicaments. 37 % sont liées aux difficultés d'approvisionnement en principes actifs, une conséquence directe du manque de souveraineté de la France sur sa production. En effet, 80 % des principes actifs de médicaments proviennent d'un pays hors de l'Union européenne contre 20 % il y a trente ans. Seules deux sanctions ont été prononcées par l'ANSM pour rupture de stock contre des laboratoires en 2019. Ces choix économiques et l'avidité des industriels ne peuvent plus rester impunis. Elle lui demande quand il va prendre des mesures concrètes contre ces dérives alors que la France traverse une crise sanitaire d'une ampleur inédite et qu'il est urgent de retrouver une souveraineté dans la production des molécules pour assurer la délivrance de l'ensemble des médicaments d'intérêt thérapeutique majeur.
Les ruptures de stock de médicaments ainsi que les tensions d'approvisionnement ont des origines multifactorielles susceptibles d'intervenir tout au long de la chaîne de production et de distribution. Dans ce cadre, les laboratoires pharmaceutiques sont tenus de prévenir et de gérer les ruptures de stock des médicaments et des vaccins qu'ils commercialisent. Ils doivent assurer un approvisionnement approprié et continu du marché national et prendre toute mesure utile pour prévenir et pallier toute difficulté d'approvisionnement. L'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) est également mobilisée afin d'assurer la continuité de l'accès aux médicaments pour les patients et les professionnels de santé. Pour autant, compte tenu de l'augmentation des signalements de ruptures et risques de ruptures de stock constatée ces dernières années, différents textes sont venus encadrer la gestion de ces ruptures. Dans un premier temps, la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé et son décret d'application du 20 juillet 2016 relatif à la lutte contre les ruptures d'approvisionnement de médicaments a introduit des mesures de prévention et de gestion des ruptures de stock au niveau national afin de redéfinir les instruments à la disposition des pouvoirs publics et de renforcer les obligations qui pèsent sur les acteurs du circuit de fabrication et de distribution. Dans un second temps, la loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l'organisation et à la transformation du système de santé a rendu possible le remplacement de médicaments par les pharmaciens d'officine en cas de rupture d'un médicament d'intérêt thérapeutique majeur (MITM), facilitant ainsi la continuité du traitement des patients. Dans un troisième temps, le ministère des solidarités et de la santé a élaboré une feuille de route 2019-2022 pour lutter contre les pénuries et améliorer la disponibilité des médicaments en France. A cet égard, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 a considérablement renforcé la lutte contre les ruptures de stock de médicaments par la mise en place d'un plan de gestion des pénuries pour chaque médicament d'intérêt thérapeutique majeur. En outre, a été adoptée l'importation des alternatives thérapeutiques dans certains cas de pénuries et la constitution d'un stock de couverture des besoins en médicaments. A ce titre, les industriels doivent constituer un stock qui ne peut excéder quatre mois de couverture des besoins en médicaments, calculés sur la base du volume des ventes de la spécialité au cours des douze derniers mois glissants. Cette obligation concerne tout particulièrement les médicaments pour lesquels les ruptures de stock sont récurrentes, ce qui déstabilisent la prise en charge des patients comme les médicaments indiqués dans le cadre du traitement contre le cancer. Les sanctions financières entourant ces obligations ont été renforcées. Un comité de pilotage, sous l'égide du ministère des solidarités et de la santé, regroupant l'ensemble des parties prenantes, se réunit régulièrement pour partager les différentes mesures qui seront mises en place. Enfin, le Gouvernement a présenté, le 18 juin 2020, un plan d'actions pour la relocalisation en France de sites de production de produits de santé. Par ailleurs, près de 200 millions d'euros ont été mobilisés pour développer les industries de santé et soutenir la localisation des activités de recherche et de production en France dans le cadre de la lutte contre la COVID-19. Cette enveloppe sera réévaluée en 2021 pour financer de nouveaux projets. En outre, un travail d'accompagnement vers l'industrialisation, la production et le stockage des produits de santé en France est en cours de réalisation. A cet égard, sur la base du rapport commandé à Jacques Biot par le Gouvernement en 2019, le Comité stratégique de filière (CSF) des « Industries et Technologies de Santé » va élaborer un plan d'actions reposant sur le recensement de projets industriels pouvant faire l'objet de relocalisations. Enfin, la Commission européenne a élaboré une proposition de règlement relatif à un rôle renforcé de l'Agence européenne des médicaments (EMA) dans la préparation aux crises et la gestion de celles-ci en ce qui concerne les médicaments et les dispositifs médicaux afin de permettre une gestion centralisée des ruptures de stock, en cas de crise sanitaire. A ce titre, la Commission propose de surveiller et atténuer les effets des pénuries potentielles et réelles de médicaments et de dispositifs médicaux considérés comme critiques pour répondre à une urgence de santé publique ou à d'autres événements majeurs susceptibles d'avoir une incidence grave sur la santé publique. A cet égard, il est proposé de créer, au sein de l'EMA, les structures appropriées afin de faciliter la surveillance et la notification des pénuries. En outre, il est prévu que l'EMA puisse demander et obtenir des informations auprès des titulaires d'autorisations de mise sur le marché, des fabricants et des Etats membres concernés afin de prévenir ou d'atténuer les effets de pénuries au sein de l'Union européenne.
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