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Guillaume Gouffier-Cha
Question N° 34594 au Ministère auprès de la ministre des armées


Question soumise le 8 décembre 2020

M. Guillaume Gouffier-Cha interroge Mme la ministre déléguée auprès de la ministre des armées, chargée de la mémoire et des anciens combattants sur la loi du 15 juillet 2008 relative aux archives, qui s'est inscrite dans le mouvement d'ouverture des archives initié par la loi du 3 janvier 1979. Objet d'intenses discussions, elle a abouti à un équilibre entre la protection de la vie privée et de celle des intérêts supérieurs de l'État ainsi que la volonté d'une plus grande transparence démocratique. Les archives classifiées jusqu'en 1970 sont donc désormais accessibles de plein droit. En vertu de l'article L. 213-2 du code du patrimoine, le délai de communicabilité des archives « dont la communication porte atteinte au secret de la défense nationale » a été réduit de 60 à 50 ans sauf pour deux exceptions. Ces dernières concernent les documents « dont la communication est de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes nommément désignés ou facilement identifiables » et ceux « susceptibles d'entraîner la diffusion d'informations permettant de concevoir fabriquer utiliser ou localiser des armes nucléaires biologique chimique ou toute autre arme ayant des effets directs ou indirects de destruction d'un niveau analogue ». Ainsi, ces deux exceptions sont frappées respectivement d'un délai de 100 ans et d'une incommunicabilité. Or l'instruction générale interministérielle n° 1300 sur le secret de la défense nationale du 30 novembre 2011, refondue et approuvée par l'arrêté du 13 novembre 2020, est venue remettre en cause l'équilibre de la loi de 2008. L'article 63, qui impose désormais une procédure administrative lourde, la « déclassification », par l'apposition notamment d'un tampon avant toute communication, referme ainsi l'accès aux chercheurs d'archives bien souvent déjà communiquées et publiées et handicapent par ailleurs de manière considérable toute nouvelle recherche en histoire contemporaine. La nouvelle instruction fixe également à l'année 1934 la date à partir de laquelle les documents doivent être déclassifiés formellement, rendant de ce fait en partie inaccessibles les archives de la Seconde Guerre mondiale, qui avaient pourtant fait l'objet d'un ouverture massive ces dernières années. Il lui demande donc pourquoi de telles modifications, avec des conséquences réelles en pratique sur l'accès aux archives nationales, n'ont pas eu lieu par la voie législative afin de respecter la règle juridique du parallélisme des formes, d'une part, et du débat public, d'autre part.

Réponse émise le 16 février 2021

Les archives publiques sont, en vertu de l'article L. 213-1 du code du patrimoine, « communicables de plein droit », le cas échéant à expiration des délais prévus à l'article L. 213-2. Ce principe ne saurait être remis en cause par des dispositions de niveau réglementaire. Aussi les dispositions de l'instruction générale interministérielle n° 1300 prévoyant un démarquage avant communication des documents classifiés de plus de cinquante ans n'ajoutent-elles rien au droit existant mais se bornent-elles à tirer les conséquences nécessaires de la révision du code pénal intervenue en 1994. Depuis cette date, en effet, sont protégés par le secret de la défense nationale, en vertu de l'article 413-9 du code pénal, l'ensemble des documents intéressant la défense nationale ayant « fait l'objet de mesures de classification destinées à restreindre leur diffusion ou leur accès ». Cette définition du secret, strictement formelle, fait obstacle à une déclassification « automatique » ou de facto. Un document marqué d'un timbre de classification est, en effet, au sens de l'article 413-9 précité, un document ayant fait l'objet d'une mesure de classification. Sa divulgation serait donc, quelle que soit son ancienneté, de nature à exposer tant les archivistes y ayant donné accès que les chercheurs y ayant accédé à des poursuites pénales, du chef des délits prévus aux article 413-10 à 413-12 du code pénal. La sécurité juridique de l'ensemble des acteurs impose que tout document classifié, même communicable « de plein droit » en vertu des dispositions du code du patrimoine, fasse, avant communication, l'objet d'une mesure de déclassification. Celle-ci se traduit notamment par l'apposition, sur le document, d'un timbre de déclassification. Cette opération préalable de démarquage doit, par ailleurs, permettre à l'administration de déterminer la date de départ du délai de 50 ans susmentionné. Si ce délai, en effet, court à compter de la date d'émission du document quand ce dernier est isolé, il trouve, en revanche, son origine, quand le document demandé est inclus dans un dossier, à la date d'émission du document le plus récent inclus dans le dossier. Ainsi, il n'est pas possible d'affirmer que tous les documents classifiés antérieurs à 1970 sont aujourd'hui communicables de plein droit. Le ministère des armées est très attaché au développement de la recherche historique et à l'accès du monde de la recherche à ses fonds. C'est une des missions essentielles du service historique de la défense. Dès lors face aux retards constatés, parfois importants, pour accèder aux archives, en raison de la conciliation du droit pénal et du droit du patrimoine, le ministère des armées a, au cours de l'année 2020, adopté un plan d'action incluant, d'une part, une déclassification au carton, et non au document, pour les archives antérieures à 1954 et, d'autre part, une augmention de ses effectifs affectés à des tâches de démarquage, afin de permettre le meilleur accès aux archives. Les délais ont ainsi été significativement réduits et le seront encore. Il ne saurait, dès lors, être raisonnablement soutenu que des documents tels que ceux, classifiés, relatifs à la seconde guerre mondiale sont devenus inaccessibles.

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