Mme Marie-Pierre Rixain alerte M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur les conséquences de l'arrêt 20-83.273 du 14 octobre 2020 de la chambre criminelle de la Cour de cassation. Cet arrêt vient confirmer la décision de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 3ème section, en date du 19 mars 2020, qui juge l'insuffisance des éléments matériel et intentionnel pour caractériser de viol les faits commis dans l'affaire en question. D'une part, s'agissant de l'élément intentionnel, la cour relève la déclaration selon laquelle l'agresseur : « avait peur d'aller trop loin avec ses doigts mais [qu'] il [n'a] pas [pénétré] [la victime] » alors que la victime fait état d'une autre agression sexuelle commise avec pénétration. D'autre part, la cour confirme, s'agissant de l'élément matériel, que la déclaration « j'ai senti qu'il m'a pénétrée avec sa langue à force d'insister » n'a été assortie d'aucune précision en termes d'intensité, de profondeur, de durée ou encore de mouvement, et donc qu'on ne peut la caractériser comme un acte de pénétration. Cette interprétation semble poser pour l'avenir de sérieuses et nouvelles difficultés quant à la répression et la condamnation du crime de viol dans le pays. En effet, en premier lieu, en validant la méthode retenue par la chambre de l'instruction, la Cour de cassation semble appréhender la qualification légale du viol définie à l'article 222-23 du code pénal au travers d'éléments qu'elle ne comporte pas (intensité, profondeur, durée, mouvement), alors même que la loi pénale est d'interprétation stricte. En second lieu, alors que la loi différencie le crime de viol du délit d'agression sexuelle par la présence ou l'absence de pénétration sexuelle, la Cour de cassation estime qu'un acte de pénétration doit être « suffisamment » profond pour être caractérisé. Cette condition nouvelle ne manque pas d'interpeller gravement le législateur pour les jugements prochains en matière de viol et d'agressions sexuelles. Il convient de rappeler les termes de l'article 222-23 du code pénal, récemment revus par l'article 2 de la loi n° 2018-703 du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes : « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, commis sur la personne d'autrui ou sur la personne de l'auteur par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol ». Aussi, au vu de ces éléments, elle lui demande son analyse sur cette décision qui semble augurer un nouveau paradigme en matière de condamnation du crime de viol en France.
La loi n° 2021-478 du 21 avril 2021, visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l'inceste, est venue renforcer de façon très significative la répression des infractions sexuelles, qu'elles soient commises contre des mineurs ou contre des majeurs. L'objectif principal de cette réforme est de compléter les incriminations de viol et d'agressions sexuelles, dont la définition exige comme éléments constitutifs des actes de violence, contrainte, menace ou surprise, par de nouvelles définitions de ces infractions, applicables, dans certaines conditions précisément définies par le législateur, aux seuls actes commis sur des mineurs par des majeurs, sans que soient alors exigés de tels éléments. Ces nouvelles incriminations ont ainsi pour objectif de supprimer le critère du consentement pour les relations sexuelles entre un majeur et un mineur de 15 ans, ou, dans certains cas de relations incestueuses, entre un majeur et un mineur. En matière de viol, elles sont prévues par les nouveaux articles 222-23-1 et 222-23-2 du code pénal, qui complètent l'article 222-23 définissant de manière générale le viol. Lors de l'examen de ce texte, le Parlement a adopté, avec l'accord du Gouvernement ou sur proposition de celui-ci, des amendements réécrivant la définition du viol, désormais prévue par les articles 222-23, 222-23-1 et 222-23-2 du code pénal, afin de qualifier de viol non seulement les actes de pénétration sexuelle, mais également les actes bucco-génitaux. Il résulte donc de ces dispositions que désormais, tout acte bucco-génital imposé à une victime constitue nécessairement un viol, et non plus une agression sexuelle.
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