Mme Michèle Victory appelle l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la relance sur l'instruction générale interministérielle n° 1300 relative à la protection du secret de la défense nationale et ses conséquences en matière de libre communication des archives publiques. Cette instruction dispose que les documents classés secret défense doivent au préalable être déclassifiés avant leur communication depuis 1934 au lieu de 1940. Pour ce faire, une partie des personnels des Archives nationales est mobilisée et le service des armées a procédé à l'embauche d'une trentaine de personnes. Or la nouvelle date de déclassification ainsi que la nécessité de procéder à l'habilitation au secret défense des personnels concernés et les nouvelles procédures d'enregistrement prévues par l'instruction alourdissent considérablement le travail des archivistes, sans que de nouveaux crédits budgétaires soient alloués pour assurer cette mission. Par ailleurs, les nouvelles conditions précitées vont inévitablement allonger les délais d'accès aux archives à destination des chercheurs et des usagers et ce, en contrariété avec l'obligation légale de fournir ces documents dans un délai de deux mois. Par conséquent et pour faire face à cet accroissement de la charge de travail, elle lui demande s'il envisage l'attribution de nouveaux moyens budgétaires et humains en faveur des Archives nationales.
Depuis l'entrée en vigueur de l'instruction générale interministérielle n° 1300 sur la protection du secret de la défense nationale approuvée par arrêté du 30 novembre 2011, tout document d'archives classifié doit être formellement déclassifié par l'autorité qui l'a émis avant de pouvoir être communiqué et ce, même s'il est librement communicable au titre du code du patrimoine. Cette interprétation trouve sa source dans les articles du code pénal qui, depuis 1994, définissent les atteintes au secret de la défense nationale. Elle a toutefois été récemment modulée par la nouvelle version de l'instruction générale interministérielle n° 1300, approuvée par arrêté du 13 novembre 2020 et qui entrera en vigueur le 1er juillet prochain, qui stipule désormais que les documents concernés par la déclassification sont ceux qui, à l'entrée en vigueur de la nouvelle rédaction du code pénal, en 1994, avaient dépassé le délai de communicabilité fixé alors par la loi sur les archives de 1979 à 60 ans, soit les documents antérieurs à 1934. Cette date marque ainsi une borne chronologique qui n'existait pas auparavant. Conscientes de la nécessité de mettre en œuvre une procédure qui n'entrave pas la recherche historique tout en étant respectueuse de l'articulation entre le code du patrimoine et le code pénal, les Archives nationales ont mis au point, il y a déjà plusieurs années, un vademecum de la gestion des documents classifiés et de leur déclassification, obtenu l'habilitation de tous leurs agents appelés à traiter des documents classifiés et renforcé leurs relations avec les autorités émettrices, sans négliger de tenir régulièrement informés leurs usagers des mesures qu'elles mettaient en œuvre. Des dispositions ont ainsi pu être introduites visant à optimiser la procédure de déclassification des documents couverts par le secret de la défense nationale, depuis leur repérage jusqu'à leur démarquage. Bien que la charge induite ne soit pas négligeable, les Archives nationales sont depuis lors en mesure de traiter au fil de l'eau et à effectif constant les demandes de communication qui leur sont adressées et qui portent sur des documents classifiés, procédure qui ne peut aboutir qu'à la condition préalable qu'elles aient obtenu dans les délais impartis une réponse favorable aux saisines qu'elles adressent aux autorités ayant émis ces documents. Ce modus operandi a également produit ses effets lors des déclassifications récentes de documents relatifs aux disparus de la guerre d'Algérie ou au génocide rwandais. Il en va différemment des chantiers de déclassification plus massifs, tel celui qui a porté sur les quelque 700 mètres linéaires d'archives des juridictions d'exception de la Seconde Guerre mondiale ouverts par arrêté de dérogation générale du 24 décembre 2015, qui a supposé, à titre exceptionnel, une implication d'agents des autorités émettrices les plus concernées, notamment du ministère de l'intérieur. Si de telles campagnes de déclassification massives devaient être renouvelées à l'avenir, le ministère de la culture mettrait tout en œuvre pour que les Archives nationales bénéficient d'une même mobilisation de la part des autorités concernées. Pour faciliter de telles entreprises de déclassification, la nouvelle instruction générale interministérielle n° 1300 établit par ailleurs auprès du comité interministériel aux Archives de France une instance chargée d'identifier, « parmi des ensembles d'archives comportant un volume important de documents classifiés, ceux qui sont fréquemment sollicités ou sont susceptibles de l'être, ou qui présentent un intérêt particulier pour la recherche historique ou scientifique ». Cette instance a vocation à présenter, à un rythme régulier, aux autorités émettrices de documents classifiés des rapports sur ces ensembles documentaires proposés à la déclassification, qui permettront d'« apprécier la pertinence du maintien en classification des documents considérés et que soit, le cas échéant, entreprise une déclassification anticipée et homogène de l'ensemble considéré ». Cette nouvelle procédure de déclassification d'ensembles ne manquera pas, à terme, d'alléger la charge de travail des agents des Archives nationales. Enfin, par un communiqué de presse du 9 mars dernier, le Président de la République a annoncé avoir demandé au Gouvernement d'engager « un travail législatif d'ajustement du point de cohérence entre le code du patrimoine et le code pénal pour faciliter l'action des chercheurs », dans l'optique « de renforcer la communicabilité des pièces, sans compromettre la sécurité et la défense nationales ». Ce travail, qui doit aboutir d'ici l'été prochain, permettra assurément d'alléger la charge de travail qui pèse sur les services d'archives et en particulier les Archives nationales.
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