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Karine Lebon
Question N° 35216 au Ministère de l’agriculture


Question soumise le 22 décembre 2020

Mme Karine Lebon attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur les conséquences notamment en outre-mer de la nouvelle réforme de l'Office national des forêts (ONF). En effet, la loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 relative à l'accélération et à la simplification de l'action publique (ASAP) prévoit d'autoriser le Gouvernement à légiférer par voie d'ordonnance afin de modifier le statut des salariés et la composition du conseil d'administration de l'ONF. Cette demande d'habilitation intervient au moment où l'Office doit faire face à un déficit structurel d'une quarantaine de millions d'euros par an et voit ses effectifs se réduire comme peau de chagrin. Les départs à la retraite ne sont plus remplacés et l'emploi d'ouvrier forestier est remis en question. En 30 ans, l'ONF a perdu 40 % de son personnel. Le nombre de gardes forestiers assermentés est passé de 9 000 à 3 000 sur l'ensemble des forêts publiques. Cette diminution des effectifs et ce manque de moyens sont également source de mal-être pour les employés et ont conduit à la multiplication des suicides. Plus de 50 agents se sont ainsi suicidés depuis 2002. Beaucoup dénoncent l'impossibilité de répondre aux différentes missions car l'ONF recentre son activité vers la coupe du bois au détriment de sa mission de protection des écosystèmes forestiers. Cette situation est aggravée à La Réunion où, en plus du manque de personnels, l'Office doit également subir la mise en concurrence permanente avec le parc national. Le changement de statut opéré dans cette loi va non seulement renforcer la baisse des effectifs mais va de surcroît entraîner inexorablement cet organisme vers une privatisation, transformant peu à peu l'institution en usine de bois devant améliorer la rentabilité de ses activités concurrentielles au détriment d'une politique environnementale efficiente. L'impact de ce type de gestion est inquiétant pour la biodiversité et pour les sols et cette situation est particulièrement préoccupante pour les outre-mer qui détiennent à eux seuls près de 80 % de la biodiversité française et 10 % de la biodiversité mondiale. L'ONF lui-même déclare que « les forêts d'outre-mer sont un véritable enjeu mondial pour la biodiversité ». Avant de préciser « qu'en Guyane, en Guadeloupe, en Martinique, à La Réunion, à Mayotte, les équipes de l'ONF sont aussi présentes pour gérer durablement les forêts publiques avec un enjeu majeur : préserver l'incroyable richesse écologique de ces milieux tout en accompagnant un développement raisonné de la filière bois ». Par ailleurs, un processus d'intégration de nombreuses plantes médicinales ultramarines à la liste des plantes médicinales de la pharmacopée française a été entrepris depuis de nombreuses années. Par conséquent, ces mutations opérées à l'ONF concernant directement et au premier rang les outre-mer, Mme la députée demande à M. le ministre s'il envisage d'associer étroitement les élus de ces régions aux décisions prises dans le cadre de cette habilitation, et de mener une réflexion sur la mise en place du label « forêt d'exception » pour La Réunion et pour les autres régions d'outre-mer. Elle souhaite également que les effectifs soient maintenus à La Réunion.

Réponse émise le 23 mars 2021

Le Gouvernement est attaché à la pérennité de l'office national des forêts (ONF) et entend conserver l'unité de gestion des forêts publiques, domaniales et communales, par l'ONF. Pour mener une politique forestière ambitieuse et de développement des usages du bois, l'État a besoin d'un ONF fort et performant, au regard des défis que rencontre la forêt face au changement climatique et du potentiel qu'elle représente par la valorisation des matériaux bois dans l'atténuation du changement climatique. L'ONF est plus que jamais un outil précieux. Il s'agit de maintenir les différents services que les forêts publiques rendent, que ce soit les services économiques, environnementaux, climatiques ou sociétaux. La gestion durable et multifonctionnelle est au cœur du modèle de l'ONF et doit le rester. Ce principe sera au cœur du contrat entre l'État et l'ONF, qui prendra la suite du contrat d'objectifs et de performance (COP) 2016-2020. La Réunion présente un domaine forestier tout à fait remarquable qui a contribué à l'inscription des pitons, cirques et remparts au patrimoine mondial de l'humanité. L'ONF y assure la gestion de 101 000 hectares de forêt, qui représentent 38 % du territoire. Il y remplit des missions de conservation de la biodiversité, notamment de dix réserves biologiques, de restauration des espaces naturels, d'entretien de près de 900 km de sentiers pédestres et de prévention contre les risques naturels. La production locale de bois varie annuellement entre 10 et 15 000 mètres cubes. Pour autant, l'ONF connaît depuis maintenant plusieurs années une situation financière en déséquilibre, qui est à court terme aggravée par la crise des scolytes dans l'Est de la France et par la crise économique du fait de l'épidémie de covid-19. Le Gouvernement compte bien apporter des solutions, en ciblant les causes structurelles de la situation de l'établissement. Le début de l'année 2021 est consacré aux derniers ajustements du nouveau contrat État-ONF, en particulier au regard de l'évolution rapide des estimations des recettes des ventes de bois de l'ONF dans le contexte de crise mais aussi de la volonté du Gouvernement d'associer étroitement aux orientations les représentants des communes forestières nouvellement élus, qui ont également à engager de leur côté une convention avec l'ONF et de laisser se mener les réflexions en interne à l'ONF dans le cadre de son projet stratégique. Les conclusions de ces travaux sont attendues avant la fin du premier trimestre 2021. Elles se traduiront par la signature d'un nouveau contrat entre l'État et l'ONF, comportant un volet spécifique sur l'outre-mer, associé à une trajectoire financière 2021-2025 intégrant de nouveaux financements et un modèle économique rénové. Dans l'attente des derniers arbitrages, la loi de finances 2021 intègre d'ores et déjà une revalorisation substantielle des financements apportés par l'État sur les missions d'intérêt général confiées à l'ONF avec une augmentation de près de 10 millions d'euros, qui souligne le rôle central dévolu à l'ONF dans le cadre des politiques publiques de prévention des risques face au changement climatique ou encore de protection et préservation de la biodiversité. Concernant l'organisation de l'établissement public à caractère industriel et commercial ONF, elle relève de la compétence de son directeur général conformément au code forestier qui dispose, à l'article D. 222-12, que « le directeur général dirige l'ONF et assure le fonctionnement de l'ensemble des services ». L'article L. 222-6 du code forestier pose le principe de l'emploi de personnel sous statut par l'ONF. Compte tenu des besoins nouveaux auxquels l'ONF a été confronté depuis sa création, la part des salariés de droit privé s'est progressivement accrue et représente aujourd'hui environ 43 % du personnel de l'office. Le COP conclu entre l'État et l'établissement pour la période 2016-2020 a pris acte de cette évolution et appelé à amplifier le mouvement alors qu'un nombre important de personnels fonctionnaires partira à la retraite au cours de ces prochaines années. Le rapport inter-inspections remis aux tutelles de l'ONF en juillet 2019 propose, dans sa troisème recommandation, de donner à l'ONF la maîtrise de sa politique de ressources humaines. En outre, il s'agit d'un levier pour permettre une politique de gestion prévisionnelle des emplois et compétences plus efficiente, en répondant mieux aux mutations des métiers et à l'évolution de l'environnement économique et commercial. Dans ce contexte, la loi « accélération et simplification de l'action publique » (ASAP) vise à favoriser le recrutement de collaborateurs de droit privé au sein de l'office. Ce faisant, cette loi ne vise pas à modifier le statut actuel des fonctionnaires exerçant leur activité au sein de l'établissement, En tout état de cause, les organisations représentatives des personnels de l'ONF seront consultées lors de l'élaboration de l'ordonnance correspondante, comme prévu à l'article 79 de la loi ASAP.

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