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Jean-Philippe Nilor
Question N° 35218 au Ministère de l’intérieur


Question soumise le 22 décembre 2020

M. Jean-Philippe Nilor alerte M. le ministre de l'intérieur sur le désarroi des forces de l'ordre en Martinique. Depuis de nombreux mois, les forces de l'ordre font face à une dégradation inédite de leurs conditions de travail à cause d'un manque flagrant de moyens. En dépit des alertes réitérées de ces professionnels quant à la montée exponentielle de violences liée aux trafics d'armes et actes délictueux en tous genres, les moyens nécessaires et suffisants pour mener à bien leur mission ne leur sont pas octroyés. Ce dénuement qui touche tous les services les plonge dans un profond désarroi et enferme la Martinique dans un climat d'insécurité préoccupant, vivement ressenti par la population. Interventions musclées répétées, insultes, guet-apens et jets de projectiles ponctuent leur quotidien. Ils doivent faire face à des affrontements de plus en plus nombreux qui traduisent un haut niveau de défiance et de délégitimation des auteurs de ces actes, à leur égard. En conséquence, ils exercent dans un climat de surenchère de la violence qui les épuise et qui nécessite un renforcement des effectifs, nettement insuffisants actuellement. Pour la seule compagnie départementale d'insertion (CDI) qui compte 40 agents, 22 sont en arrêts maladie sur une période inférieure à 2 mois, soit 55 % de l'effectif. Sur les 18 agents restants, seuls 16 sont opérationnels. Ce sous-effectif impacte tous les services, occasionnant de graves dysfonctionnements. Il fragilise toute l'architecture du système, en exposant les forces de l'ordre au discrédit et en accentuant les risques réels pour leur intégrité physique et psychique. Exaspérés, débordés, ces professionnels ont réclamé le renforcement des équipes de la compagnie départementale d'insertion et de la brigade anti-criminalité. Au lieu de cela, ils ont obtenu un redéploiement des effectifs qui n'améliore en rien leur situation mais participe à sa détérioration. Face à cette situation alarmante, il est extrêmement urgent d'améliorer le fonctionnement des services de police afin d'endiguer l'insécurité qui touche la population. Cela passe nécessairement par l'envoi d'effectifs supplémentaires. Témoin conscient du caractère explosif de la situation générée par ce manque flagrant de moyens à la hauteur des besoins, M. le député a appuyé des demandes d'affectation de compatriotes exerçant en France hexagonale, donc tout à fait capables de renforcer ce dispositif de sécurité défaillant. De surcroît, ils ont manifesté leur volonté d'exercer en Martinique, pour des raisons totalement recevables, notamment leur motivation à participer à la sécurisation d'un territoire dont ils connaissent les réalités, assurer la protection des habitants et permettre le bon fonctionnement de la CDI, comme de l'ensemble des autres services. Il l'interroge sur les motifs qui empêchent leur affectation alors que celle-ci constitue une réponse concrète aux attentes de ces professionnels. Il demande s'il faut attendre un drame pour basculer dans l'excès inverse ou la tentation du tout sécuritaire, au risque d'exacerber les tensions et de mettre à mal la cohésion sociale dans ce territoire.

Réponse émise le 17 août 2021

Les territoires d'outre-mer sont confrontés à des problèmes sécuritaires majeurs et complexes. Face à cette situation, une action résolue de l'Etat est mise en œuvre et un engagement de tous les acteurs locaux est nécessaire. A cet égard, le Livre bleu sur l'outre-mer de juin 2018 a marqué une nouvelle étape pour les territoires d'outre-mer, en promouvant un « élan collectif pour la sécurité outre-mer ». Sur le terrain, la prévention et la lutte contre les atteintes aux personnes et aux biens sont la priorité des forces de l'ordre, qui sont pleinement mobilisées également dans la lutte contre les trafics de stupéfiants. Travaillant dans des conditions difficiles, policiers comme gendarmes s'inscrivent dans une chaîne de commandement unique, sous l'autorité des préfets, gage de cohérence et de réactivité. En matière d'effectifs, les données témoignent de l'engagement de l'État. La direction de la sécurité publique de Martinique disposait fin 2016 de 549 agents (renseignement territorial compris), dont 415 gradés et gardiens de la paix. A la fin de l'année 2020, cet effectif montait à 592 agents, dont 435 gradés et gardiens de la paix, qui sont les principaux policiers mobilisés sur le terrain. Concernant les mutations, seuls les agents « originaires » sont recrutés dans le cadre des mouvements « polyvalents » du corps d'encadrement et d'application, sous réserve qu'ils soient suffisamment nombreux à avoir candidaté au regard du nombre de postes ouverts. En application de l'article 85 de la loi du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer, le « centre des intérêts matériels et moraux » constitue en effet une priorité légale d'affectation. Les autres règles applicables (points, etc.) sont prises en compte pour départager les « originaires » entre eux. Ce critère de priorité a été appliqué dès le mouvement 2019 du corps d'encadrement et d'application. En revanche, le centre des intérêts matériels et moraux n'est pas pris en compte dans les mouvements de mutation dits « profilés », qui visent par définition à recruter des agents en fonction de leur profil spécialisé dans tel ou tel domaine. S'agissant de la compagnie départementale d'intervention (CDI), elle compte 83 fonctionnaires (données au 26 janvier 2021), et non 40 comme indiqué dans la question écrite. A cette date, 4 agents sont en congé de maladie ordinaire et un agent arrêté pour blessure en service. Les blessures en opérations de police des agents de la CDI ont représenté en 2020, pour 24 fonctionnaires concernés, 1 061 jours d'arrêt maladie, en forte hausse par rapport à 2019 (année au cours de laquelle peu de policiers furent blessés). Par ailleurs, au cours de l'année 2020, les policiers de la CDI ont cumulé 3 430 jours d'arrêt maladie (maladie ordinaire, blessure en service, covid-19, dengue…). Les 1 061 jours d'arrêt maladie suite à des blessures en action de police représentent donc 31 % du total. Cette importante augmentation des arrêts maladie en 2020 doit être contextualisée. L'année 2020 correspond en effet à la montée en puissance de la mouvance extrémiste indépendantiste Rouge-Vert-Noir (RVN), qui a multiplié les atteintes aux symboles de l'État, donc de la République, et les manifestations violentes, régulièrement marquées par des attaques contre les forces de l'ordre. En janvier 2020 par exemple, une manifestation de cette organisation causait 18 blessés parmi les fonctionnaires de police. En mai 2020, des activistes de RVN tentaient d'envahir le palais de justice : un officier de la compagnie départementale d'intervention était blessé. Les 16, 17 et 18 juillet 2020, des violences urbaines d'extrémistes du RVN, qui s'en prenaient volontairement aux policiers, faisaient de nouveau 4 blessés. Cette situation a conduit à une augmentation de 125 % des heures fonctionnaires (de la direction de la sécurité publique) dédiées au maintien de l'ordre en 2020. Ce contexte peut, pour partie, expliquer l'augmentation du taux d'indisponibilité des effectifs de voie publique et notamment de la CDI en 2020 par rapport aux années précédentes. Et c'est au regard de ces éléments qu'il convient d'apprécier l'augmentation du nombre des blessures en service. En tout état de cause, et comme l'ensemble des personnels de la direction de la sécurité publique, les policiers de la CDI restent totalement déterminés et mobilisés au quotidien dans l'exercice de leurs missions. En outre-mer comme en métropole, l'action des forces de l'ordre exige des moyens mais doit également s'accompagner de la pleine mobilisation des acteurs locaux. De ce point de vue, le « Beauvau de la sécurité » et la loi pour la sécurité globale préservant les libertés permettront d'aller plus loin, tant dans l'efficacité des forces de l'ordre que dans le continuum de sécurité.

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