Mme Naïma Moutchou attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la relance sur le projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019 relative aux marques de produits ou de services et l'ordonnance n° 2020-116 du 12 février 2020 portant création d'un droit d'opposition aux brevets d'invention. Si l'intention du Gouvernement apparaît assez claire sur le fait qu'il ne compte pas conférer l'autorité de la force de chose jugée à la décision de l'Institut national de la propriété intellectuelle en matière d'opposition, la question semble se poser dans le cadre d'un recours sur opposition à un brevet. En effet, dans le cadre d'un contentieux, le recours se déroulerait devant la cour d'appel de Paris et suivrait les règles du droit civil, emportant autorité de la chose jugée. Une telle conséquence pourrait nuire à une future action en nullité et inciterait ainsi, les opposants à faire opposition avec un prête-nom. Ce n'est évidemment pas du tout l'objectif poursuivi puisque l'idée est que les opposants se manifestent en leur nom propre et que la réforme de l'opposition soit un succès. Même si une éventuelle jurisprudence à venir pourrait clarifier cet aspect de droit, elle l'interroge sur l'opportunité, dans un esprit de clarté de la loi, de modifier le texte initial alors même que le projet de loi n'est pas encore inscrit à l'ordre du jour du Parlement.
L'article R. 411-20 du code de la propriété intellectuelle prévoit que les recours exercés à l'encontre des décisions du directeur général de l'Institut national de la propriété intellectuelle (INPI) sont formés, instruits et jugés conformément aux dispositions du code de procédure civile. Dans le cas de la procédure d'opposition aux brevets d'invention, conformément à l'article R. 411-19 alinéa 2 du code de la propriété intellectuelle, les recours exercés sont des recours en réformation qui déférent à la cour d'appel la connaissance de l'entier litige. Bénéficiant de l'effet dévolutif de l'appel, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves. La cour d'appel statue alors en fait et en droit. Ainsi, la cour d'appel est amenée à statuer d'une part sur la validité de la décision rendue par le directeur général de l'INPI et d'autre part sur la validité du brevet ou de la partie de celui-ci sur laquelle porte l'opposition. L'autorité de la chose jugée constitue un principe fondamental de la procédure civile prévu par l'article 480 du code de procédure civile. Sous réserve du respect de la triple identité posée à l'article 1355 du Code civil (identité d'objet, de cause et de parties), son application aux arrêts rendus dans le cadre des procédures d'opposition aux brevets d'invention est parfaitement fondée dans la mesure où ces arrêts sont des actes juridictionnels. L'autorité de la chose jugée est l'un des attributs essentiels des décisions rendues par les juridictions judiciaires. L'entrée en vigueur du dispositif le 1er avril 2020 ne permet pas de disposer d'un retour d'expérience suffisant pour juger de la manière dont les entreprises mettent en œuvre ce nouveau droit. Pour autant, le contrat d'objectifs et de performances signé entre l'Etat et l'INPI le 23 février 2021 prévoit d'ores et déjà l'engagement d'une réflexion en vue de l'instauration de recours internes, permettant un réexamen administratif des décisions du directeur général de l'INPI contestées. Une telle évolution, proposée par certains praticiens de la propriété industrielle en référence à la procédure d'opposition aux brevets délivrés par l'Office européen des brevets (OEB), serait de nature à prévenir le risque de recours à un prête-nom. L'instauration de tels recours administratifs nécessitant une évolution législative, leur mise en œuvre serait soumise au vote du Parlement. A ce jour, il n'y a donc pas lieu d'envisager une modification des textes relatifs à la procédure d'opposition aux brevets d'invention.
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