M. Michel Vialay interroge M. le ministre de l'économie, des finances et de la relance sur la TVA sur marge relative aux terrains bâtis. La TVA sur marge est régie par les dispositions du droit européen (article 392 de la directive du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de TVA) et par l'article 268 du code général des impôts. Ces réglementations prévoient que la TVA sur marge s'applique, lors de la revente d'un terrain initialement acquis auprès d'un particulier, non pas au prix de revente total, mais seulement à la partie du prix représentant les travaux de viabilisation réalisés en vue d'une revente à un promoteur, à un bailleur ou à une collectivité. Ces travaux de viabilisation réalisés avant revente constituent alors la seule valeur ajoutée taxable. Ces textes excluent expressément de l'assiette de la TVA la fraction du prix de revente représentant l'acquisition faite initialement auprès d'un particulier pour la raison simple qu'elle n'entrait pas dans la chaîne de la TVA. Or lorsqu'un bâti est démoli dans le cadre de la viabilisation, la doctrine fiscale française décide de réinclure le prix d'acquisition initiale. Cette condition relative au bâti ne résulte d'aucun texte. Elle a été créée par l'administration fiscale. Cette position qui est contraire aux textes européens et au code général des impôts alourdit la fiscalité de l'aménagement des territoires et pénalise tout particulièrement les opérations de recyclage urbain. Elle entraîne simultanément une importante perte de ressources pour les collectivités privées de la quasi-totalité des droits de mutation à titre onéreux. La gravité de la question est telle que le Conseil d'État a été récemment contraint de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de la légitimité de cette pure doctrine administrative. Il lui demande donc de bien vouloir lui indiquer les mesures qu'il entend prendre afin de réajuster la doctrine fiscale, sans attendre que l'État français soit désavoué par la Cour de justice de l'Union européenne sur une décision imposée par la seule administration française agissant de sa propre initiative.
L'article 392 de la directive n° 2006/112/UE relative au système commun de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) autorise les États membres à taxer sur la marge les livraisons de bâtiments et de terrains à bâtir achetés en vue de la revente par un assujetti qui n'a pas eu droit à déduction à l'occasion de l'acquisition. Cette faculté transposée par la France à l'article 268 du code général des impôts (CGI), constitue une dérogation au principe selon lequel la TVA doit normalement s'appliquer sur le prix total de la vente. La mise en œuvre de ce régime dérogatoire de taxation suppose que le bien revendu soit identique au bien acquis quant à sa qualification juridique. En conséquence, la mesure qui conduirait notamment à appliquer le régime de la marge lorsqu'un opérateur acquiert un immeuble bâti, puis procède à sa destruction avant de le revendre en tant que terrain à bâtir, serait critiquable sur le plan de sa conformité au droit de l'Union européenne régissant la TVA. Au demeurant, la condition d'identité juridique a été confirmée par le Conseil d'État dans une décision rendue le 27 mars 2020 (n° 428234, « Promialp »). En tout état de cause, étendre le régime de taxation sur marge à des opérations immobilières qui n'y sont pas éligibles entraînerait une érosion substantielle de l'assiette de la TVA et, par voie de conséquence, une perte de recettes pour l'État. En outre, le Conseil d'État a estimé nécessaire de saisir la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) d'une question préjudicielle relative à l'interprétation de l'article 392 de la directive TVA notamment s'agissant de la notion de terrain à bâtir dans les deux cas suivants : - lorsque des terrains acquis non bâtis, sont devenus, entre le moment de leur acquisition et celui de leur revente par l'assujetti, des terrains à bâtir ; - lorsque ces terrains ont fait l'objet, entre le moment de leur acquisition et celui de leur revente par l'assujetti, de modifications de leurs caractéristiques telles que leur division en lots ou la réalisation de travaux permettant leur desserte par divers réseaux (voirie, eau potable, électricité, gaz, assainissement, télécommunications). Dans cette affaire (question préjudicielle C-299/20, « Icade Promotion Logement », sur renvoi préjudiciel du Conseil d'État n° 416727 du 25 juin 2020), la Cour aura ainsi à se prononcer sur la nécessité d'une identité juridique ou matérielle entre le bien acquis et le bien revendu pour l'application du régime de taxation sur la marge. En tout état de cause, comme l'interprétation que la Cour formulera s'imposera à tous les États membres qui ont recours au dispositif de l'article 392 de la directive TVA, il n'est pas envisagé de faire évoluer le dispositif de taxation sur la marge des opérations immobilières dans l'intervalle.
Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.