M. Benjamin Dirx attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur les difficultés à la conversion à l'agriculture biologique auxquelles sont confrontés les viticulteurs français. À l'heure où les consommateurs demeurent de plus en plus exigeants à l'égard de la qualité des produits acquis, de très nombreux viticulteurs souhaitent convertir leurs exploitations afin que celles-ci respectent les critères de l'agriculture biologique tels que définis par différents règlements européens. Dans le cadre de ces rencontres de terrains, M. le député a constaté que, malgré leur engagement, les viticulteurs se voient opposer des contraintes qui trop souvent les découragent d'entamer de telles opérations de conversion. La plus importante de ces contraintes est comprise dans le règlement (CE) n° 834/2007 du Conseil du 28 juin 2007 relatif à la production biologique et à l'étiquetage des produits biologiques, qui prévoit que l'ensemble d'une exploitation agricole doit être gérée en conformité avec les exigences applicables à la production biologique. Outre les dérogations minimes qui peuvent exister, l'obligation qui est faite de gérer l'ensemble d'une exploitation agricole conformément aux exigences « bio » rebute fortement les viticulteurs. Ces derniers, en tant que dirigeants d'entreprises, ne peuvent se permettre d'opérer une telle conversion sur l'ensemble de leur exploitation car si elle venait à échouer (perturbations climatiques, manque de rentabilité, perte de pieds de vigne), l'avenir de leur société serait très incertain. Eu égard au cap fixé par le Gouvernement et la majorité de voir 25 % de surface agricole utile en agriculture biologique ou en cours de conversion à l'horizon 2025, il souhaite l'interroger sur les adaptations qui pourraient être faites à la réglementation afin de permettre aux viticulteurs d'obtenir une certification « bio » en opérant une conversion sur une partie seulement de leur exploitation, et ce quand bien même les variétés cultivées ne seraient pas « facilement distinguables » au sens des règlements européens.
La viticulture biologique est un des secteurs les plus dynamiques en termes de conversion vers l'agriculture biologique (AB), avec en 2019 une progression des surfaces certifiées et en conversion de 23 % en moyenne, et une hausse de 20 % du nombre d'exploitations par rapport à 2018 (agence Bio – chiffres clés 2019). Le vignoble biologique français, avec bientôt 112 000 hecares certifiés AB (soit 14 % du vignoble), accède désormais à la seconde place des vignobles biologiques européens derrière l'Espagne et juste devant l'Italie. 59 % des surfaces sont actuellement encore en conversion, ce qui présage une poursuite de cette dynamique dans les années à venir. Cette dynamique importante, qui place la viticulture en bonne place des assolements biologiques, après les surfaces fourragères et les céréales, doit être soutenue, notamment pour répondre aux objectifs fixés par le pacte vert européen et la stratégie « De la ferme à la table ». Cet appui doit être fourni par l'État dans le respect des règles établies dans le règlement européen (CE) 834/2007 du Parlement européen et du Conseil, qui encadre le référentiel de production de l'agriculture biologique et permet d'en garantir une application harmonisée en Europe et pour les pays tiers qui l'appliquent. L'article 11 de ce même règlement prévoit que l'agriculture biologique soit raisonnée à l'échelle de l'ensemble de l'exploitation. Ce principe, qui restreint de facto les possibles mixités de parcelles bio et non bio sur une même exploitation, est repris à l'identique à l'article 9 point 2 du règlement européen 2018/848 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 qui entrera en application le 1er janvier 2022. Ce principe de raisonnement à l'échelle de l'exploitation est complété dans ces deux règlements (actuel et futur) de la précision suivante : les exploitations agricoles biologiques peuvent être constituées d'unités de production biologiques et non biologiques clairement et effectivement séparées, « à condition que, pour ce qui est des unités de production non biologiques : en ce qui concerne les végétaux, différentes variétés, facilement distinguables soient représentées ». Le guide de lecture de l'institut national de l'orgine et de la qualité (INAO) fixe une interprétation du terme « facilement distinguables » assortie d'exemples pour plusieurs espèces végétales, notamment la vigne. Cette interprétation validée dans le cadre du comité national de l'agriculture biologique qui rassemble l'ensemble des familles professionnelles impliquées dans le secteur de l'agriculture biologique, ainsi que les organismes de contrôle agréés par l'INAO, est la suivante : « Vignes : la couleur de cépage (rouge ou blanc) est un critère de différenciation retenu pour les raisins de cuve ou de table. Il reste acceptable d'avoir sur une même exploitation des raisins de cuves et des raisins de table de cépages différents d'une même couleur en conduite bio pour l'un et en non bio pour l'autre dès lors qu'une différenciation reste possible (forme/taille des grappes, absence de vinification des raisins de table, …). » Autrement dit, pour une exploitation vitivinicole qui vinifie ou fait vinifier l'ensemble de sa production, la mixité bio/non bio n'est possible que sur des variétés de couleurs différentes. Cultiver deux variétés différentes de couleur identique n'est possible que si l'une d'elle est une variété de table, l'autre de cuve. Durant la période de conversion de l'exploitation vers l'agriculture biologique, le règlement actuel prévoit un assouplissement des principes détaillés ci-dessus pour la conversion des cultures pérennes (ceci inclut la vigne). Ces précisions sont établies dans le règlement d'exécution (CE) n° 889/2008 du règlement (CE) 834/2007 à l'article 40 point 1. Ce règlement accorde un délai de cinq ans pour engager la conversion de la dernière parcelle de cultures pérennes. Par conséquent, durant cette période de maximum cinq ans, accordée par dérogation de l'organisme certificateur sur la base d'un plan de conversion détaillé, la mixité à l'échelle d'une exploitation peut être acceptée, également sur des variétés non facilement distinguables. Cette dernière règle est néanmoins durcie par le nouveau règlement (UE) 2018/848 qui dispose qu'en cas de plan de conversion échelonné des parcelles de cultures pérennes, la dernière parcelle devra cette fois avoir achevé sa conversion au plus tard dans les cinq années suivant le démarrage du plan. La mixité en viticulture doit donc s'inscrire dans ce cadre règlementaire. Une vigilance accrue de la part du ministère de l'agriculture et de l'alimentation sera mise en œuvre sur la nouvelle règle à appliquer aux plans de conversion des cultures pérennes afin de s'assurer qu'elle ne pénalisera pas l'importante dynamique de conversion viticole observée actuellement.
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