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Danièle Obono
Question N° 35844 au Ministère de l’europe


Question soumise le 26 janvier 2021

Mme Danièle Obono interroge M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur les relations commerciales France-Birmanie et la violation des droits humains. En juin 2020, Mme la députée interrogeait le ministère sur ce même sujet (n° 30060). Sa réponse fut à cette époque que « des informations dont dispose le ministère de l'Europe et des affaires étrangères, il ressort que l'entreprise Voltalia n'a pas de liens commerciaux directs avec l'entreprise de télécommunications birmane MyTel ». Pourtant selon les ONG Info Birmanie, Reporters sans frontières et Sherpa, agissant directement sur le terrain, le soutien que constitue l'activité de Voltalia pour l'armée birmane et ses exactions est indéniable. De nombreux éléments factuels appuient cette affirmation. Voltalia a signé en 2018 un contrat commercial avec la société MNTI, société propriétaire de tour de télécommunications utilisée par Telecom International Myanmar Co. Ltd. (« MyTel »). La société de télécommunication MyTel est détenue conjointement par trois sociétés dont la Star High Public Company Limited qui possède 28 % des parts. Or, cette société est une filiale de la Myanmar Economic Corporation (MEC) gérée par l'armée birmane qui est impliquée dans la répression des Rohingyas. Dans son communiqué présentant le contrat signé avec MNTI, Voltalia reconnaît l'existence des deux autres actionnaires de My Tel, respectivement la Myanmar National Telecom Holding Public Limited et Viettel (opérateur national vietnamien). Toutefois, Voltalia omet de mentionner la détention partielle de MyTel par l'armée du Myanmar, via Star High. L'omission de la détention partielle par l'armée, qui est pourtant une information publique et facilement accessible, témoigne d'une grave omission de la part de Voltalia qui manque à son devoir de due diligence en matière de droit de l'Homme. En étant fournisseur de l'électricité exploitée par MyTel, Voltalia entre en violation des principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l'Homme puisque l'électricité qu'elle fournit permet à l'armée birmane de bénéficier des profits de l'activité de télécommunication de MyTel ; d'utiliser les infrastructures de MyTel à des fins militaires et poursuivre ses exactions envers les Rohingyas. Par ailleurs, l'État français et l'Union européenne qui détiennent des parts de Voltalia sont aussi impliqués. Proparco, une branche de l'Agence française pour le développement, détient 4,1 % des parts de Voltalia. Suite à l'augmentation de capital de Voltalia en 2019, Proparco a contribué à hauteur de 15,5 millions d'euros pour maintenir sa part de 4,1 % et la Banque européenne de reconstruction et de développement est devenu un nouvel actionnaire en investissant 23 millions d'euros, soit 2,8 % des parts. Il apparaît clairement que les activités de Voltalia en Birmanie remettent en cause l'exigence d'intégrité et de transparence que la compagnie prétend défendre. Contrairement au fournisseur d'électricité, d'autres entreprises ont décidé de rompre leurs relations commerciales avec MyTel, comme l'entreprise belge de communication satellite Newtec. Mme la députée tient à disposition de M. le Ministre les sources exactes de toutes ces affirmations et souhaite savoir ce qu'il compte faire pour que la France cesse d'être impliquée, même indirectement, dans des violations de droits humains si caractérisées. En particulier, elle souhaite à nouveau savoir s'il entend intervenir auprès de la société Voltalia pour qu'elle cesse toute coopération avec le régime birman.

Réponse émise le 25 mai 2021

Après près d'une décennie d'un processus de transition démocratique, le coup d'État militaire du 1er février constitue un retour aux heures les plus sombres des juntes militaires birmanes au pouvoir. La France, à titre national mais aussi avec ses partenaires européens et internationaux, a condamné avec la plus grande fermeté ce coup d'État. Elle a fait connaître ses demandes avec clarté : la restauration du gouvernement civil, le respect des résultats des élections du 8 novembre 2020 ; la libération immédiate et inconditionnelle des personnes arrêtées arbitrairement depuis le début du coup d'État et la fin de l'état d'urgence. Au-delà des déclarations et au regard de la dégradation de la situation en Birmanie, qui a déjà fait plus de 750 morts, la France a réagi avec la plus grande fermeté afin de marquer sa solidarité vis-à-vis des aspirations légitimes du peuple birman à la démocratie. Dans ce contexte, en lien avec ses partenaires européens, elle a adopté, le 22 mars, puis le 19 avril, des sanctions individuelles à l'encontre de 21 responsables du coup d'État, dont le commandant-en-chef des forces de sécurité birmanes, le général Min Aung Hlaing, ainsi que son adjoint, le général Soe Win. Ces sanctions traduisent concrètement les quatre axes de la réponse européenne, exposés dans les conclusions du Conseil des affaires étrangères du 22 février 2021 : outre l'adoption de nouvelles sanctions, l'Union européenne s'est engagée à poursuivre son engagement politique et diplomatique en faveur de la résolution de la crise, à évaluer la pertinence de l'ensemble des outils européens, dont les préférences commerciales, et à suspendre toute mesure d'assistance directe aux programmes gouvernementaux. Le Conseil des affaires étrangères du 22 mars a été l'occasion d'élargir les bases juridiques du régime européen autonome de sanctions à l'encontre de la Birmanie pour permettre, comme nous le demandions, de cibler les entités économiques liées à l'armée tout en évitant l'adoption de mesures susceptibles d'affecter négativement les populations de la Birmanie, en particulier les plus vulnérables. Il s'agit d'un développement important qui a permis l'adoption, le 19 avril, de mesures contre les deux principaux conglomérats militaires, Myanma Economic Holdings Limited (MEHL) et Myanmar Economic Corporation (MEC). Au-delà de ces mesures de sanctions, la France continue d'encourager toutes les entreprises à respecter les droits de l'Homme, en particulier à travers la mise en œuvre de procédures de diligence raisonnable. Par ailleurs, la France a adhéré aux principes directeurs des Nations unies pour les droits de l'Homme et les entreprises et a publié son Plan d'action national en la matière en avril 2017. Concernant la présence de Voltalia en Birmanie, cette entreprise a indiqué à travers un communiqué en date du 31 mars sa décision de se retirer de Birmanie en raison de la crise politique et humanitaire et a entamé en ce sens les démarches pour mettre fin à ses activités dans le pays.

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