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Jean-Christophe Lagarde
Question N° 36106 au Ministère des armées


Question soumise le 9 février 2021

M. Jean-Christophe Lagarde appelle l'attention de Mme la ministre des armées sur les programmes d'avion tels que « l'AFJT » (Airbus Future Jet Trainer) par l'Espagne, le « Tempest » (BAE Systems, Rolls Royce, Leonardo, MBDA) par les Britanniques, les Italiens et les Suédois pour remplacer les « Tornado » et « Gripen », ainsi que le « SCAF » (Système de Combat Aérien du Futur) Franco-Allemand-Espagnol qui a été présenté au salon du Bourget et qui est éligible au fonds de défense de l'UE. En effet, il apparait peu logique que l'Europe finance des projets identiques de chasseurs-bombardiers polyvalents. En revanche, il serait peut-être l'occasion de s'inspirer de ce que font les Américains qui spécialisent leurs aéronefs en intercepteurs, chasseurs, bombardiers, avions d'entraînement et d'attaque au sol ou encore en avions à décollage court. Cette façon de procéder permettrait notamment d'équilibrer plus simplement le partage industriel au sein du programme « SCAF » en intégrant l'« AFJT » au programme « SCAF » afin de disposer d'un aéronef de formation des pilotes de chasse venant en remplacement de l' « Alpha Jet » en fin de vie. Aussi, il lui demande si le Gouvernement entend discuter avec la Grande-Bretagne, la Suède et l'Italie sur une différenciation des programmes, ce qui permettrait une spécialisation des types d'appareils en augmentant les domaines de compétences des constructeurs aéronautiques européens et une plus grande indépendance stratégique des pays membres qui pourraient acquérir les types d'aéronefs en fonction de leurs besoins spécifiques. En effet, l'élaboration d'un chasseur-bombardier polyvalent dans le cadre du « SCAF », d'un chasseur à décollage court dans le cadre du projet « Tempest », d'un intercepteur mono-réacteur pur pour le successeur du « Gripen » (auquel pourrait participer Dassault), d'un avion d'entraînement et d'attaque au sol pour l' « AFJT » et d'un éventuel bombardier à long rayon d'action aurait du sens au plan européen dans la mesure où Airbus est à même de produire un avion d'entraînement, les Suédois maitrisent les intercepteurs et que les Britanniques ont acquis une certaine expérience dans le domaine des avions à décollage vertical avec les « Harrier » I et II. En tout état de cause, il serait regrettable que seuls les Américains, les Russes et les Chinois disposent de ces types d'appareils. Enfin, il lui demande si les avancées de l'ingénierie numérique seront bien utilisées afin de développer plus rapidement de nouveaux avions de combat de manière à garantir la supériorité opérationnelle de l'aviation militaire européenne tout en réduisant significativement leurs coûts de développement.

Réponse émise le 31 août 2021

Le sujet de la spécialisation des avions de combat ou de l'acquisition d'avions multi-rôles a été étudié il y a plusieurs années par les principaux pays occidentaux disposant d'une capacité industrielle de conception d'avions de combat. La polyvalence des avions de combat permet de répondre à des enjeux opérationnels, de ressources humaines et de logistique et contribue à rationaliser au niveau européen les projets correspondants. Plus généralement, elle constitue une tendance de fond sur les dernières décennies, nativement (Rafale, F-35, J-20, Su-57) ou a posteriori (dont l'Eurofighter est un bon exemple). Ainsi, la France a fait le choix, avec le programme Rafale, de développer un avion de combat national polyvalent, apte à remplir toutes les missions jusqu'alors confiées à sept types d'appareils spécialisés, utilisés à la fois par l'armée de l'Air et de l'Espace et par la Marine nationale. La polyvalence du Rafale lui permet ainsi de conduire, au cours d'un même vol, différents types de missions. Elle s'est avérée, à la lumière des enseignements tirés des conflits récents, particulièrement adaptée et indispensable. De leur côté, le Royaume-Uni, l'Allemagne, l'Italie et l'Espagne, qui avaient initialement décidé de concevoir un Eurofighter optimisé pour une mission unique, le combat air-air, ont dû revoir cette orientation face à la réalité des conflits modernes. Ils ont ainsi développé dans un second temps des capacités air-sol afin de donner une capacité multi-rôles à l'Eurofighter, en subissant néanmoins de fortes limitations inhérentes à sa conception initiale. De même, le Gripen suédois est un avion multi-rôles et non un simple intercepteur. S'agissant de l'absence de projet européen sur les avions à « décollage vertical », il convient de préciser que ce type d'avions n'a en réalité de sens que pour des pays disposant de porte-aéronefs non équipés de catapulte comme le Royaume-Uni. Grâce au porte-avions Charles de Gaulle, la France a fait le choix, avec le Rafale Marine, d'une définition catapultable. Ce choix s'avère judicieux, notamment au vu des limitations opérationnelles d'un avion à décollage court et atterrissage vertical (capacité d'emport réduite, rayon d'action moindre) et du coût de soutien du moteur plus important. En revanche, afin de réfléchir aux prochaines générations d'avions de combat au niveau européen, la France s'est engagée, avec l'Allemagne et l'Espagne dans le projet Next Generation Weapon System (NGWS) qui rassemble de nombreux acteurs de l'industrie aéronautique de combat à l'échelle européenne. Outre l'acquisition de nouvelles capacités opérationnelles, ce projet permettra d'ouvrir de nouvelles opportunités pour l'industrie aéronautique militaire. Le défi du programme NGWS consiste en effet à développer un système pouvant faire face aux menaces de 2040 et au-delà. Pour cela, l'avion NGF (New Generation Fighter) sera un maillon essentiel au sein d'un système de systèmes bénéficiant de l'apport du combat collaboratif et de drones, les RC (Remote Carrier). La cohérence de cet ensemble nécessite par essence un certain degré de polyvalence du NGF, ne devant pas compromettre l'équilibre des performances par la focalisation sur certaines fonctions. D'autres collaborations sont à l'étude, comme le travail commun sur certaines briques technologiques via le fonds européen de défense ou la réponse à des besoins particuliers comme les avions d'entraînement. Les développements à venir se basent sur la volonté partagée de mener des activités ambitieuses de maturation technologique. Qu'il s'agisse de nanomatériaux, de métacapteurs ou d'algorithmes d'intelligence artificielle, l'enjeu à terme sera de développer des architectures flexibles et modulaires. Pour cela, les innovations dans des domaines transverses comme l'ingénierie numérique pour accélérer les cycles de développement ou encore le soutien robotisé sont recherchées. Ces initiatives offriront l'opportunité de renforcer la base industrielle et technologique de défense européenne (BITDE) tout en poursuivant la construction de l'Europe de la Défense et de son autonomie stratégique.

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