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Pierre-Henri Dumont
Question N° 36186 au Ministère de l’europe


Question soumise le 9 février 2021

M. Pierre-Henri Dumont attire l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur les raisons qui motivent la France à ne plus recourir aux accords de gestion concertée des flux migratoires (AGC) depuis 2009, sur la non-ratification d'un accord conclu et sur l'absence d'évaluation de ces accords. Outil permettant la création de partenariats entre la France et des pays d'émigration ou de transit, mis à disposition de la diplomatie française, l'accord de gestion concertée des flux migratoires (AGC) articule organisation de la migration légale, lutte contre l'immigration clandestine et développement solidaire. Huit accords de gestion concertée des flux migratoires ont, à ce jour, été signés entre la France et différents pays ; avec le Sénégal en 2006, le Gabon, la République du Congo et le Bénin en 2007, la Tunisie et le Cap Vert en 2008. Les deux derniers accords conclus, avec le Burkina Faso et le Cameroun, datent de 2009. Depuis, la France n'a conclu aucun accord supplémentaire, sans qu'aucune raison n'ait été donnée. Il apparaît également qu'un accord conclu n'a pas été entériné, l'accord franco-camerounais n'ayant fait l'objet d'aucune ratification depuis sa signature en 2009, là encore, sans qu'aucune justification n'ait été donnée. À l'heure où la France fait face à une situation migratoire chaotique, l'évaluation de l'impact de ces accords sur les flux d'immigrés en provenance des pays signataires eût été particulièrement pertinente. Or, à ce jour, il n'existe aucune évaluation de ces accords. M. le député demande donc à M. le ministre si le Gouvernement entend mener et rendre publique une évaluation des différents accords conclus depuis 2006. Il l'interroge également sur les raisons qui motivent la France à ne plus recourir aux accords de gestion concertée des flux migratoires et à ne pas ratifier l'accord conclu avec le Cameroun en 2009.

Réponse émise le 29 juin 2021

Parmi les huit accords de gestion concertée des flux migratoires (AGCFM) conclus avec des États africains dans la seconde moitié des années 2000, seulement deux concernent des pays avec lesquels les relations migratoires sont substantielles (la Tunisie et le Sénégal), comme l'illustrent les indicateurs de mobilité et d'immigration légales, d'immigration irrégulière et de réadmission : - Tunisie : 2e rang mondial pour les visas de long séjour, 6e rang pour les visas de court séjour, 4e rang pour les premiers titres délivrés, 3e rang pour les titres ou autorisations de séjour valides, 5e rang pour les interpellations d'étrangers en situation irrégulière, 5e rang pour les mesures d'éloignement exécutées. - Sénégal : 6e rang pour les visas de long séjour, 17e rang pour les visas de court séjour, 9e rang pour les premiers titres délivrés, 8e rang pour les titres ou autorisations de séjour valides, 17e rang pour les interpellations d'étrangers en situation irrégulière, 15e rang pour les mesures d'éloignement exécutées. En conséquence, ces deux AGCFM font l'objet d'un suivi régulier et étroit, dont l'intensité a été renforcée depuis l'adoption par le Gouvernement, en juillet 2017, du plan d'action migrations-asile (qui concerne en particulier sept pays prioritaires, dont la Tunisie et le Sénégal). Ces AGCFM offrent un cadre utile pour le dialogue et la coopération en matière migratoire (lutte contre l'immigration irrégulière, réadmission des étrangers en situation irrégulière (ESI), mobilité légale (en particulier l'immigration de travail), coopération structurelle et opérationnelle, projets de développement liés à la migration). La mise en œuvre de ces AGCFM a fait l'objet d'une évaluation spécifique à chaque pays de façon à réviser et adapter les dispositions qui méritaient de l'être en fonction de l'évolution de la relation migratoire bilatérale. Ce fut le cas pour les procédures en matière d'identification des étrangers en situation irrégulière non documentés, de délivrance des laissez-passer consulaires et d'opération de retour de ces ressortissants, ainsi que pour les dispositifs de mobilité légale. Concernant les cinq autres pays avec lesquels des AGCFM sont en vigueur, la pratique a montré que le cadre complet que constituent ces accords est surdimensionné par rapport aux enjeux migratoires bilatéraux, car le volume des flux (réguliers et irréguliers) est modeste (au-delà du 25e ou 30e rang selon les indicateurs) et par conséquent, la coopération, tant sur leur gestion que sur le développement solidaire lié à la migration, est faible. L'absence de conclusions de nouveaux AGCFM depuis la fin des années 2000 a plusieurs causes. D'abord, un certain nombre de nos principaux partenaires migratoires en Afrique ne sont plus nécessairement désireux de conclure de tels accords. C'est la raison pour laquelle la voie pragmatique d'arrangements ad hoc sur les procédures en matière de réadmission, ou plus généralement sur les questions migratoires d'intérêt mutuel, a été préférée avec plusieurs pays partenaires et a donné des résultats rapides et satisfaisants. En second lieu, la nature juridique de ces accords rend plus compliqués les éventuels ajustements rendus nécessaires compte tenu de l'évolution du cadre légal et réglementaire applicable en France (réadmission, champ et modalités de la migration de travail par exemple). Ensuite, depuis l'époque où ces AGCFM ont été conclus, de nombreux changements sont intervenus qui rendraient la conclusion de nouveaux accords peu adaptée. L'Union européenne (UE) a conclu des accords de réadmission, des arrangements sur les procédures en matière de réadmission ou est en train d'en négocier. Ces accords ou arrangements ont pu s'avérer très utiles pour améliorer sensiblement la coopération de certains pays tiers avec la France en matière de réadmission (notamment la Guinée et la Côte d'Ivoire). Enfin, en ce qui concerne le volet "développement solidaire" de ces AGCFM, deux changements importants sont intervenus : d'une part, les crédits pour le financement de ce volet, auparavant inscrits au budget du ministère de l'immigration et de l'intégration, puis du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, n'existent plus et l'essentiel des actions en matière de coopération au développement sont mises en œuvre par l'Agence française de développement (AFD) ; d'autre part, l'UE est devenue, en particulier depuis l'adoption du Plan d'action de La Valette en novembre 2015, la principale source de financement des projets au croisement de la migration et du développement (via le Fonds fiduciaire d'urgence pour l'Afrique entre 2016 et 2021 et l'instrument européen pour le voisinage, le développement et la coopération internationale (NDICI) à partir de 2021). Si le format-type des AGCFM a pu sembler prometteur il y a dix à quinze ans, il est aujourd'hui préférable d'aborder de façon pragmatique et spécifique les voies et moyens au service des relations et de nos intérêts avec chacun de nos principaux partenaires migratoires.

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