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Nicolas Turquois
Question N° 36267 au Ministère de l’économie


Question soumise le 9 février 2021

M. Nicolas Turquois attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la relance sur la situation fiscale et bancaire des Américains accidentels, personnes possédant la double nationalité française et américaine sans avoir pour autant d'attaches particulières aux États-Unis d'Amérique. Il peut s'agir d'individus ayant acquis la nationalité américaine à la naissance par le droit du sol, compte tenu de leur venue au monde sur le territoire des États-Unis d'Amérique, ou bien encore ayant bénéficié dès la naissance de cette autre nationalité transmise par l'un des deux (ou les deux) parents. Ces Américains accidentels, n'ayant pourtant aucun lien familial ou économique avec les États-Unis d'Amérique, sont confrontés à l'extraterritorialité de la législation fiscale américaine depuis la promulgation de la loi dite « FATCA » (Foreign account tax compliance act), entrée en vigueur en 2014, suite à un accord bilatéral entre les deux pays. Cette réglementation vise à identifier et déclarer les contribuables américains auprès de l'administration fiscale américaine en vue d'améliorer le respect des obligations fiscales à l'échelle internationale. Les conséquences fiscales sont importantes puisque les banques du monde entier sont dans l'obligation de transmettre à l'administration fiscale américaine - l'Internal revenue service (IRS) - des informations fiscales sur les contribuables américains. Ainsi, les institutions financières françaises sont soumises, sous peine de sanctions importantes de la part de l'administration fiscale américaine, à une obligation déclarative concernant leurs clients présentant des « indices d'américanité ». Si ces indices sont relevés, les institutions financières françaises refusent de fournir à ces clients certains services financiers classiques en l'absence de transmission par ceux-ci de leur numéro de sécurité sociale américain ou d'un certificat de perte de nationalité américaine. Or l'obtention de ce numéro ou de ce certificat est impossible depuis mars 2020, l'ambassade américaine à Paris ayant fermé ses services en raison du contexte sanitaire. Les Américains accidentels peuvent donc se retrouver face à des refus d'ouvertures de comptes, des fermetures de comptes unilatérales ou dans l'impossibilité de souscrire à des produits d'épargne et ce malgré l'actualisation de la doctrine concernant les règles relatives à la collecte et à la déclaration des informations sur les comptes financiers transmises automatiquement aux autorités compétentes étrangères (loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017 de finances rectificative pour 2017, article 56). Dans un rapport d'information parlementaire présenté par MM. Marc Le Fur et Laurent Saint-Martin le 15 juillet 2019, des préconisations avaient été faites pour apporter une réponse à l'inquiétude légitime des citoyens français, Américains accidentels, impactés par cette réglementation. Parmi les propositions figurait l'ouverture d'une négociation bilatérale, voie qui semble être envisagée par le gouvernement des Pays-Bas. Aussi, il souhaite connaître la position du Gouvernement sur la question et les actions qu'il entend mettre en œuvre auprès de la nouvelle administration américaine au sujet de l'extraterritorialité du droit américain et sur l'enjeu des Américains accidentels, qui concerne plus de 40 000 compatriotes.

Réponse émise le 5 avril 2022

Le Gouvernement est conscient des difficultés auxquelles sont confrontés les « Américains accidentels », c'est-à-dire nos concitoyens ayant également la nationalité américaine, notamment du fait de leur naissance sur le sol américain, mais n'ayant pas de liens particuliers avec les États-Unis. Le 14 novembre 2013, la France a signé l'accord intergouvernemental, dit accord « Fatca » (Foreign Account Tax Compliance Act), relatif au respect des obligations fiscales concernant les comptes situés à l'étranger. Entré en vigueur le 14 octobre 2014, cet accord fixe un cadre pour l'échange automatique d'informations fiscales avec les États-Unis. Aux États-Unis, la loi dite « Fatca » a été adoptée en 2010 et institue une obligation, pour tous les établissements financiers, de transmettre à l'administration fiscale américaine des informations détaillées sur les comptes détenus, directement ou indirectement, par des contribuables américains. Sur le plan pratique, l'accord organise les modalités de transmission des informations entre administrations fiscales, permettant d'éviter une transmission directe. C'est ainsi la direction générale des Finances publiques (DGFiP) qui est chargée de la réception de ces données auprès des établissements financiers, puis de leur envoi à l'Internal Revenue Service (IRS), l'agence fédérale américaine chargée du recouvrement de l'impôt. Cet accord bilatéral, identique à ceux signés avec les États-Unis par les autres États, permet également de recevoir en retour des informations sur les comptes bancaires détenus aux États-Unis. La réciprocité en matière d'échanges automatiques de renseignements résultant de cet accord est donc déjà effective, même si elle demeure perfectible. L'action de la France auprès de l'IRS a par ailleurs permis quelques avancées notables, qui doivent toutefois être poursuivies. L'IRS a publié, le 15 octobre 2019, des précisions concernant les obligations des institutions financières en matière de collecte et de transmission du numéro d'identification fiscale (Tax identification number – TIN) auprès de leurs clients détenant la nationalité américaine. Ces instructions amendées sécurisent les établissements bancaires et leurs clients vis-à-vis du risque de sanctions financières applicables en cas de non-respect de l'accord. En effet, la mise en place de ces procédures leur permet d'attester de leur bonne foi et des difficultés pratiques éventuellement rencontrées. La France a également obtenu que l'IRS permette l'utilisation par les établissements financiers de codes spécifiques lorsqu'ils ne disposent pas de numéro d'identification fiscale valable et qui pouvaient se trouver pénalisés. Cet ajustement de la procédure permet de mieux caractériser les différents motifs de non-collecte du TIN ou des non-déclarations par les établissements financiers. L'ensemble de ces éléments est de nature à éviter les cas de clôtures de comptes détenus par les « Américains accidentels », même si des complications administratives peuvent subsister pour cette population. C'est la raison pour laquelle la France a fortement plaidé auprès des autorités américaines pour qu'une renonciation facilitée à la nationalité américaine pour les « Américains accidentels » soit possible. Avec la mobilisation d'autres États membres, des avancées significatives ont été notées. Sur le plan administratif, les services de l'ambassade et des consulats des États-Unis en France ont mis en place un guichet spécial et une page internet dédiée en langue française. Des informations sont également disponibles sur le site de l'ambassade de France aux États-Unis. La procédure de renonciation à la nationalité américaine a été allégée ; l'obtention d'un numéro de sécurité sociale n'est ainsi plus nécessaire. Sur le plan fiscal, l'IRS a présenté, le 6 septembre 2019, une procédure d'amnistie particulière. Compte tenu des seuils élevés qui s'appliquent en termes de niveau de revenus et de patrimoine, de nombreux binationaux décidant de renoncer à leur nationalité américaine pourront échapper aux arriérés d'impôts américains. La France, ainsi que les autres États membres de l'Union européenne, reste entièrement mobilisée pour poursuivre et approfondir le dialogue avec la nouvelle administration américaine. Des discussions techniques avec l'IRS sont également conduites sous l'égide du Conseil de l'Union européenne. L'amélioration de la situation des « Américains accidentels » demeure un sujet de préoccupation central de la France, comme en témoigne la récente correspondance entre le ministre de l'économie, des finances et de la relance et son homologue américaine visant à l'alerter sur les difficultés pratiques rencontrées par les « Américains accidentels » tant en France qu'au sein des autres États membres de l'Union européenne et à rappeler l'esprit de la bonne coopération entre administrations fiscales résultant de l'accord Fatca. La présidence française de l'Union européenne sera également l'occasion de porter ce sujet à l'attention d'un plus grand nombre de nos partenaires européens.

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