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Cécile Muschotti
Question N° 36423 au Ministère de l’europe


Question soumise le 16 février 2021

Mme Cécile Muschotti attire l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur le coup d'État perpétré par les militaires birmans, le 1er février 2021, et qui va très vraisemblablement entrer dans sa phase répressive. La répression du mouvement démocratique du 8 août 1988 s'est achevée par un bain de sang : environ 3 000 civils ont été tués par les militaires tout au long du mois de septembre 1988, pour la plupart des étudiants et des moines. Six mille membres de la Ligue nationale pour la démocratie d'Aung San Suu Kyi ont été jetés en prison dans la foulée. Aung San Suu Kyi, elle-même, sera assignée à résidence pendant 20 ans, de 1990 à 2010. En 2007, la révolution safran, menée par les moines, est quant à elle réprimée à l'abri des regards. Des milliers de Birmans sont arrêtés la nuit, à la faveur du couvre-feu, avant d'être incarcérés pendant plusieurs années pour certains d'entre eux. Même si l'histoire ne se répète jamais, il est probable que les semaines à venir vont être particulièrement éprouvantes pour le peuple birman. Les raisons d'être inquiets, en effet, ne manquent pas. Première source d'inquiétude : l'insouciance assumée des plus jeunes, qui manifestent pour beaucoup à visage découvert et ne font preuve d'aucune retenue sur les réseaux sociaux. On peut imaginer que ce qui fait la force et la beauté de ce mouvement lui sera bientôt fatal : les militaires sauront exploiter les images qu'ils collectent, comme ils l'avaient déjà fait en 2007. Une autre inquiétude relève de l'audace de ces mêmes militaires, puisque des passeports étrangers auraient été confisqués : une grande nouveauté pour un pays qui a toujours été davantage dans une logique d'expulsion immédiate. Beaucoup de femmes, enfin, participent au mouvement. Alors qu'en 2007 elles étaient restées en retrait, ce sont aujourd'hui des mères de famille qui vont défier les militaires en leur offrant des fleurs dans la rue. Quel sort sera réservé à ces mères courage quand le rideau sera tombé sur le Myanmar ? Cette semaine, la réunion du Conseil de sécurité des Nations unies a, une nouvelle fois, montré les limites de l'institution, bloquée sur cette question par la Chine et la Russie. Mme la députée interroge M. le ministre sur les questions suivantes. Quelles sont aujourd'hui les marges de manœuvre de la France pour éviter le pire ? La France, qui a toujours entretenu des liens étroits avec le Myanmar, aussi bien sur le plan économique que culturel, prévoit-elle des actions unilatérales ? Concrètement, sur le plan culturel, pourrait-on imaginer une rallonge budgétaire conséquente pour l'Institut français qui pourrait bien se retrouver, comme avant, l'un des seuls îlots de liberté d'expression du pays ? Peut-on envisager, même symboliquement car il est probable qu'ils le refuseront, de proposer l'asile politique aux principaux dirigeants de la LND, au premier rang desquels Aung San Suu Kyi ? En d'autres termes, elle lui demande si la France sera, sur la question des droits de l'Homme, à la hauteur des attentes que son histoire a suscitées.

Réponse émise le 15 juin 2021

Plus de trois mois après le coup d'État commis par les forces armées le 1er février, la situation s'aggrave chaque jour. L'armée birmane se rend coupable de crimes contre sa population et fait de nouvelles victimes quotidiennement. Face à cette tragédie, la France réagit avec la plus grande fermeté et marque sa solidarité vis-à-vis des aspirations légitimes du peuple birman à la démocratie. Cette réaction s'est traduite au niveau national, mais aussi avec nos partenaires européens et internationaux, en cohérence avec notre conviction que le multilatéralisme et la coopération internationale sont indispensables pour résoudre les crises. La France a ainsi adopté, le 22 mars, en lien avec ses partenaires européens, des sanctions individuelles à l'encontre de onze responsables du coup d'État, parmi lesquels dix officiers supérieurs des forces de sécurité birmanes, dont leur commandant-en-chef, le général Min Aung Hlaing, et son adjoint, le général Soe Win. Outre l'adoption de ces nouvelles sanctions individuelles, l'Union européenne s'est ainsi engagée à poursuivre son action en faveur de la résolution de la crise, à évaluer la pertinence de l'ensemble des outils européens et à suspendre toute mesure d'assistance directe aux programmes gouvernementaux. Le Conseil des Affaires étrangères du 22 mars a décidé d'élargir les bases juridiques du régime européen autonome de sanctions sur la Birmanie pour permettre, comme nous le demandions, de cibler les entités économiques liées à l'armée. Il s'agit d'un développement important sur lequel la France échange d'ores et déjà avec ses partenaires européens pour adopter dans les meilleurs délais des mesures concrètes. Nous veillerons par ailleurs à ce que l'adoption de ces nouvelles mesures ne puisse affecter négativement les populations de la Birmanie, en particulier les plus vulnérables. Parallèlement, notre revue de l'aide au développement se poursuit, afin de suspendre tout projet de développement susceptible de bénéficier, notamment d'un point de vue financier, aux autorités issues du coup d'État. A contrario, l'engagement de la France en matière d'aide humanitaire et de soutien aux ONG et organisations de la société civile birmane se poursuivra. La France agit également de manière résolue avec ses partenaires internationaux, et notamment avec les États membres de l'ASEAN qui peuvent jouer un rôle déterminant dans la résolution de cette crise. C'est en ce sens que le ministre de l'Europe et des affaires étrangères s'est entretenu, au cours des dernières semaines, avec plusieurs de ses homologues de la région. Dans le cadre onusien, le Conseil de sécurité des Nations unies s'est réuni à deux reprises et a permis l'adoption d'un communiqué, le 4 février, puis d'une déclaration de la Présidence du Conseil de sécurité le 10 mars, la première depuis 2017, témoignant de la mobilisation forte du Conseil de sécurité sur la Birmanie. Le Conseil des droits de l'Homme a, quant à lui, tenu une session spéciale le 12 février, et sa 46e session a permis l'adoption d'une nouvelle résolution sur la Birmanie. Concernant l'Institut français de Birmanie, sa programmation, pour l'année à venir, tiendra compte de l'évolution de la situation en Birmanie et poursuivra, dans la mesure du possible, son action au service des valeurs portées par la France. Enfin, il appartient exclusivement à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) de se prononcer sur l'asile politique. Pour autant, la France continuera à manifester son soutien aux demandeurs d'une protection au titre de l'asile.

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