Mme Patricia Lemoine interroge M. le ministre de l'économie, des finances et de la relance sur la situation des « Américains accidentels ». Possédant la double nationalité française et américaine sans avoir pour autant d'attaches particulières avec les États-Unis d'Amérique, ces personnes se retrouvent confrontées à la législation fiscale américaine puisqu'elle a une application extraterritoriale depuis la promulgation de la loi dite « FATCA », entrée en vigueur en 2014, suite à un accord bilatéral entre la France et les États-Unis d'Amérique. Ces personnes, qui détiennent la nationalité américaine pour être simplement nées sur le territoire américain ou parce qu'elles l'ont reçue via un de leurs parents, subissent de lourdes conséquences de cette situation sur le plan fiscal et bancaire puisque les banques françaises sont dans l'obligation de transmettre aux banques américaines, sous peine d'importantes sanctions, des indices sur ce qui pourrait les rattacher aux États-Unis d'Amérique. Si de tels indices sont constatés, les banques françaises refusent de leur délivrer les services financiers classiques si elles ne leur transmettent pas un numéro de sécurité sociale américain ou un certificat de perte de nationalité américaine. À ce propos, les services fiscaux américains, pour qu'elles puissent obtenir leur numéro de sécurité sociale, exigent d'innombrables informations personnelles (carnet de santé, carnet de vaccination, fiches de paie etc.), ce qui pose nécessairement la question de la protection des données et de l'application du RGPD. De même, sur le plan fiscal, ces personnes peuvent être soumises à des taxes sur les plus-values réalisées lors de la revente de leur résidence principale ou encore à la CSG et la CRDS, car non reconnues comme impôts aux États-Unis d'Amérique. Si les personnes ne souhaitant pas subir cette double imposition peuvent faire le choix d'abandonner leur nationalité américaine, la procédure est particulièrement longue, coûteuse et impose une mise en conformité fiscale sur les cinq dernières années. Dès lors, face à une situation particulièrement difficile et complexe, vécue par plus de 40 000 compatriotes, elle lui demande si de nouvelles négociations seront entamées avec les États-Unis d'Amérique pour y remédier, notamment sur le modèle de celles qui ont été initiées par les Pays-Bas.
Le Gouvernement est conscient des difficultés auxquelles sont confrontés les « Américains accidentels », c'est-à-dire nos concitoyens ayant également la nationalité américaine, notamment du fait de leur naissance sur le sol américain, mais n'ayant pas de liens particuliers avec les États-Unis. Le 14 novembre 2013, la France a signé l'accord intergouvernemental, dit accord « Fatca » (Foreign Account Tax Compliance Act), relatif au respect des obligations fiscales concernant les comptes situés à l'étranger. Entré en vigueur le 14 octobre 2014, cet accord fixe un cadre pour l'échange automatique d'informations fiscales avec les États-Unis. Aux États-Unis, la loi dite « Fatca » a été adoptée en 2010 et institue une obligation, pour tous les établissements financiers, de transmettre à l'administration fiscale américaine des informations détaillées sur les comptes détenus, directement ou indirectement, par des contribuables américains. Sur le plan pratique, l'accord organise les modalités de transmission des informations entre administrations fiscales, permettant d'éviter une transmission directe. C'est ainsi la direction générale des Finances publiques (DGFiP) qui est chargée de la réception de ces données auprès des établissements financiers, puis de leur envoi à l'Internal Revenue Service (IRS), l'agence fédérale américaine chargée du recouvrement de l'impôt. Cet accord bilatéral, identique à ceux signés avec les États-Unis par les autres États, permet également de recevoir en retour des informations sur les comptes bancaires détenus aux États-Unis. La réciprocité en matière d'échanges automatiques de renseignements résultant de cet accord est donc déjà effective, même si elle demeure perfectible. L'action de la France auprès de l'IRS a par ailleurs permis quelques avancées notables, qui doivent toutefois être poursuivies. L'IRS a publié, le 15 octobre 2019, des précisions concernant les obligations des institutions financières en matière de collecte et de transmission du numéro d'identification fiscale (Tax identification number – TIN) auprès de leurs clients détenant la nationalité américaine. Ces instructions amendées sécurisent les établissements bancaires et leurs clients vis-à-vis du risque de sanctions financières applicables en cas de non-respect de l'accord. En effet, la mise en place de ces procédures leur permet d'attester de leur bonne foi et des difficultés pratiques éventuellement rencontrées. La France a également obtenu que l'IRS permette l'utilisation par les établissements financiers de codes spécifiques lorsqu'ils ne disposent pas de numéro d'identification fiscale valable et qui pouvaient se trouver pénalisés. Cet ajustement de la procédure permet de mieux caractériser les différents motifs de non-collecte du TIN ou des non-déclarations par les établissements financiers. L'ensemble de ces éléments est de nature à éviter les cas de clôtures de comptes détenus par les « Américains accidentels », même si des complications administratives peuvent subsister pour cette population. C'est la raison pour laquelle la France a fortement plaidé auprès des autorités américaines pour qu'une renonciation facilitée à la nationalité américaine pour les « Américains accidentels » soit possible. Avec la mobilisation d'autres États membres, des avancées significatives ont été notées. Sur le plan administratif, les services de l'ambassade et des consulats des États-Unis en France ont mis en place un guichet spécial et une page internet dédiée en langue française. Des informations sont également disponibles sur le site de l'ambassade de France aux États-Unis. La procédure de renonciation à la nationalité américaine a été allégée ; l'obtention d'un numéro de sécurité sociale n'est ainsi plus nécessaire. Sur le plan fiscal, l'IRS a présenté, le 6 septembre 2019, une procédure d'amnistie particulière. Compte tenu des seuils élevés qui s'appliquent en termes de niveau de revenus et de patrimoine, de nombreux binationaux décidant de renoncer à leur nationalité américaine pourront échapper aux arriérés d'impôts américains. La France, ainsi que les autres États membres de l'Union européenne, reste entièrement mobilisée pour poursuivre et approfondir le dialogue avec la nouvelle administration américaine. Des discussions techniques avec l'IRS sont également conduites sous l'égide du Conseil de l'Union européenne. L'amélioration de la situation des « Américains accidentels » demeure un sujet de préoccupation central de la France, comme en témoigne la récente correspondance entre le ministre de l'économie, des finances et de la relance et son homologue américaine visant à l'alerter sur les difficultés pratiques rencontrées par les « Américains accidentels » tant en France qu'au sein des autres États membres de l'Union européenne et à rappeler l'esprit de la bonne coopération entre administrations fiscales résultant de l'accord Fatca. La présidence française de l'Union européenne sera également l'occasion de porter ce sujet à l'attention d'un plus grand nombre de nos partenaires européens.
Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.