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François Ruffin
Question N° 37498 au Ministère de la justice (retirée)


Question soumise le 23 mars 2021

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M. François Ruffin interpelle M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur le chlordécone en Guadeloupe et en Martinique et lui demande de quel côté il est, celui des victimes ou des pollueurs. « Dans ces temps troublés, nous avons une boussole : la République. La République c'est notre ciment, la République c'est notre espérance. C'est elle qui doit unir les Français, qui doit incarner les promesses de la justice et du progrès social. » Ces mots, ce sont ceux du Premier ministre et M. le député a le plaisir à les lui emprunter, parce qu'il les partage. Mais cette « justice », cette « République », sont-elles les mêmes sur tout le territoire français ? Ou l'éloignement de Paris, des mers, des océans, d'autres cieux, d'autres climats, abolissent-ils la justice et la République ? M. le député veut lui parler de ce scandale géant, de ces scandales géants, emboîtés comme des poupées russes : le chlordécone aux Antilles. Le premier scandale est sanitaire, évidemment : pour la culture de la banane, ce poison fut répandu sur les îles durant des décennies. Même après avoir été interdit en France métropolitaine, en 1989, il était encore permis en Martinique, en Guadeloupe, jusqu'en 1993. La terre en est pourrie : l'INSERM juge que sa disparition sera effective dans cinq siècles. Les corps en sont touchés : le chlordécone a contaminé 90 % de la population antillaise. C'est un cancérigène qui augmente notamment les risques de développer des cancers de la prostate. Le second scandale est judiciaire. En 2006, plusieurs associations guadeloupéennes et martiniquaises ont déposé plainte pour « mise en danger de la vie d'autrui » et « empoisonnement ». Et que fait la justice depuis quatorze ans ? Rien. Pas grand-chose. Elle laisse mourir le dossier. De sorte que cette plainte, déposée il y a quatorze ans, risque la prescription, faute de véritable instruction ! C'est une magnifique manière d'enterrer un dossier gênant. Comme le lui a demandé Alfred Marie-Jeanne, président du conseil territorial de Martinique, comme le lui demandent les élus de ces îles françaises, le Président de la République et le Gouvernement doivent peser pour que justice soit faite, pour qu'un procès ait lieu, pour que la vérité soit établie et non pour cacher cette vérité, pour empêcher un procès, pour empêcher la justice comme on peut aujourd'hui le soupçonner. On se souvient, en effet, d'Emmanuel Macron, recevant les parlementaires antillais et, s'improvisant chimiste émérite, leur faisant la leçon : « Il ne faut pas dire que c'est cancérigène. Il est établi que ce produit n'est pas bon, il y a des prévalences qui ont été reconnues scientifiquement, mais il ne faut pas aller jusqu'à dire que c'est cancérigène parce qu'on dit quelque chose qui n'est pas vrai et qu'on alimente les peurs. » Pourquoi ce désir de contredire l'état de la science ? De propager une fakenews de l'industrie agrochimique ? Faut-il le rappeler ? Oui, il le faut, parce que c'est lié : avec l'esclavage, durant deux siècles, en Guadeloupe et en Martinique se déroule durant deux siècles un crime contre l'humanité. Le chlordécone dans les bananeraies en est la continuité. Si, face à ce passé, on ne peut rien, sinon la mémoire, sinon ne pas oublier, en revanche, on peut au présent ne pas ajouter l'injustice à l'injustice, refuser à nouveau l'égalité, l'égalité devant la loi, aux descendants d'esclaves, devenus citoyens français. C'est alors à la République, aux valeurs universelles qu'elle proclame, que le Gouvernement ferait très mal. Enfin, il veut, par un référendum, faire entrer le crime d’ « écocide » dans la Constitution ? C'est au pied du mur qu'on voit le maçon : il a là un crime écologique qui réclame justice. Aussi, il lui demande de quel côté il est, des habitants ou des pollueurs.

Retirée le 21 juin 2022 (fin de mandat)

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