M. Jean-Louis Thiériot attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la question de la recevabilité devant la juridiction judiciaire des actes d'enregistrement effectués par la voie dématérialisée. Il lui indique qu'actuellement, malgré les incitations du Gouvernement au télétravail et à la réduction des rapports sociaux aux fins de lutte contre l'épidémie de covid-19, la juridiction judiciaire exige encore majoritairement, pour ce qui relève des saisines, mémoire, et prises d'attaches, un déplacement physique du justiciable ou de son avocat. Il lui semble qu'à l'heure du numérique et dans le contexte sanitaire actuel, l'administration judiciaire pourrait se détacher de l'usage du déplacement physique lequel n'est requis qu'en considération de la notion très ancienne d' « enregistrement ». Le respect de cet usage lui semble en effet dépassé et dangereux au regard du risque de contagion encouru tant pour les usagers (justiciables, avocats) que pour les fonctionnaires et personnels de l'État. Il lui fait part, à titre d'exemple, de deux situations où l'exigence d'un déplacement physique lui paraît particulièrement inepte. Pour saisir la chambre de l'instruction de la Cour d'appel de Paris d'une requête en nullité d'une garde-à-vue, l'avocat est ainsi tenu de se déplacer en personne au greffe, avec quatre exemplaires papiers qu'il doit faire tamponner, avant 17 heures, au lieu de 18 heures habituellement. Cette obligation pose un problème sanitaire évident et de surcroît, la réduction horaire est contraire aux codes pénal et de procédure pénale qui disposent que le délai pour saisir la cour d'une nullité est de 6 mois et non de 6 mois diminués de x heures. Par ailleurs, pour déposer une déclaration de nationalité de l'article 21-12 du code civil au greffe du tribunal judiciaire en suite d'une adoption simple, il convient de se déplacer en personne et avec l'enfant pour simplement déposer le dossier (et non pour obtenir une décision favorable). Pourtant, tous les originaux relatifs à l'adoption ont été vérifiés à l'occasion de la procédure d'exequatur ou requête en adoption/conversion (le scan de l'original dont la fraude a été écartée pourrait donc être envoyé par voie dématérialisée) et les autres documents émanent des systèmes d'information des administrations françaises (état civil des parents par exemple) ou constituent des justificatifs de domicile initialement obtenus par voie dématérialisée (factures d'électricité par exemple). Il lui indique que la juridiction administrative est parvenue quant à elle à s'émanciper de ces déplacements physiques inutiles grâce à l'usage tant de l'outil de communication télé-recours que du courriel avec les greffes. Alors que tous les tribunaux judiciaires disposent de l'outil de communication RPVA dédié aux échanges avocat/magistrat judiciaire et de courriels structurels dont certains sont utilisés pour compléter les instances (mémoires/conclusions/remise de pièces), il s'étonne donc qu'il n'en aille pas de même pour la juridiction judiciaire. Il lui demande en conséquence de diffuser sans délai auprès des juridictions judiciaires une consigne claire dans le sens d'une recevabilité de droit des saisines, requêtes, mémoires et conclusions qui seraient effectués par l'avocat par voie dématérialisée (sauf cas du recours obligatoire à la signification). Une telle circulaire s'inscrirait à l'évidence dans la logique des recommandations sanitaires du Gouvernement et dans la continuité du mouvement de dématérialisation des relations entre l'usager et l'administration.
Le ministère de la Justice s'est engagé depuis plusieurs années dans un plan de transformation numérique ambitieux pour répondre concrètement aux besoins du justiciable comme des professionnels de la Justice. La dématérialisation des échanges nécessite des investissements importants de la part du ministère de la Justice qui privilégie la construction d'outils adaptés et sécurisés à de simples échanges par courriels qui ne présentent pas suffisamment de garanties en matière de sécurité et de protection des données personnelles. En matière pénale, la communication électronique avec les avocats est également prévue. D'une part, l'article 803-1 du code de procédure pénale prévoit qu'il est possible de procéder aux notifications par lettre recommandée ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, à l'avocat par moyen de télécommunication électronique dont il est conservé une trace écrite. Par ailleurs, les avis, convocations ou documents adressés par l'autorité judiciaire par tout moyen peuvent être effectués par voie électronique à condition que la personne y ait préalablement consenti, afin de permettre aux juridictions d'adresser certaines notifications et convocations par voie dématérialisée aux avocats, mais également aux avocats de transmettre certaines demandes aux juridictions. L'article D 590-1 du code de procédure pénale précise que dans le cadre d'une procédure pénale numérique, les juridictions peuvent envoyer les actes suivants via un moyen de télécommunication (PLEX) aux avocats : les convocations devant les juridictions d'instruction, de jugement ou d'application des peines ; les avis délivrés au cours des procédures par les magistrats du siège ou du ministère public ou par leurs greffiers ; les décisions rendues par les juridictions ou le ministère public ; les copies de pièces de procédure. D'autre part, en application de l'article D. 591 du code de procédure pénale, les avocats, selon les modalités figurant dans une convention passée entre le ministère de la justice et les organisations nationales représentatives des barreaux, les avocats peuvent transmettre par un moyen de télécommunication sécurisé à l'adresse électronique de la juridiction ou du service compétent de celle-ci, et dont il est conservé une trace écrite, un certain nombre d'actes listés à cet article. A cet égard, les avocats peuvent déjà transmettre par voie électronique les actes suivants : Les demandes de délivrance de copie des pièces d'un dossier prévues par l'article R. 155 du CPP, les demandes tendant à l'octroi du statut de témoin assisté prévues par l'article 80-1-1, les demandes d'investigations sur la personnalité prévues par le neuvième alinéa de l'article 81, les demandes de la partie civile prévues par l'article 81-1, les demandes d'actes prévues par l'article 82-1, les demandes tendant à la constatation de la prescription prévues par l'article 82-3, les constitutions de partie civile et les plaintes adressées au procureur de la République respectivement prévues par les premier et deuxième alinéas de l'article 85, la requête en restitution d'objet placé sous main de justice prévue par le deuxième alinéa de l'article 99, les demandes d'un témoin assisté tendant à sa mise en examen prévues par l'article 113-6, les demandes de délivrance d'une copie du dossier de l'instruction prévues par le quatrième alinéa de l'article 114, les déclarations de la liste des pièces dont l'avocat souhaite remettre une reproduction à son client, prévues par le septième alinéa de l'article 114, les déclarations de changement de l'adresse déclarée prévues par le dernier alinéa de l'article 116, les demandes de confrontations individuelles prévues par l'article 120-1, les demandes d'expertises prévues par l'article 156, les demandes de modification de la mission d'un expert ou d'adjonction d'un co-expert prévues par l'article 161-1, les observations concernant les rapports d'expertise d'étape, prévues par l'article 161-2, les observations et les demandes de complément d'expertise ou de contre-expertise, prévues par l'article 167, les observations concernant les rapports d'expertise provisoires, prévues par l'article 167-2, les observations, les demandes d'actes et les observations complémentaires faites en application de l'article 175, les demandes formées en application de l'article 77-2, les demandes formées en application de l'article 495-15 (article D. 591 CPP); Toute demande prévue par les dispositions du code de procédure pénale et pour laquelle ces dispositions permettent qu'elle soit faite par simple lettre (article D. 591 CPP) ; Le dépôt des mémoires devant la chambre de l'instruction prévus par l'article 198 du CPP (article D. 592 CPP). En matière civile devant le tribunal judiciaire, la juridiction est saisie par la remise au greffe de la requête ou d'une copie de l'assignation signifiée par un huissier de justice. En matière de procédure écrite ordinaire, l'assignation doit déjà être remise au greffe par la voie électronique depuis le 1er septembre 2019, à peine d'irrecevabilité. La représentation par avocat étant obligatoire dans cette procédure, les échanges entre les avocats et la juridiction pendant la mise en état de l'affaire sont par ailleurs dématérialisés. S'agissant des procédures dans lesquelles les parties ne sont pas obligatoirement représentées par un avocat, la dématérialisation est un chantier en cours, mais il n'est, en tout état de cause, pas nécessaire de se déplacer physiquement au greffe pour remettre une requête ou la copie d'assignation ou plus généralement une demande. La saisine dématérialisée est d'ores et déjà possible, dans certains contentieux, par le biais du Portail du justiciable accessible depuis la page d'accueil de justice.fr, site déployé depuis 2016. Depuis janvier 2021, trois télé-services sont en ligne (tutelles majeures, constitution de partie civile et requêtes au juge aux affaires familiales). Les requêtes concernant les contentieux locatifs et de la sécurité sociale ainsi que celles des petits litiges de moins de 5 000 € seront à disposition du justiciable via ce même espace. Enfin, au début de la crise sanitaire, le ministère de la justice a pris les mesures nécessaires permettant de limiter les déplacements des justiciables et professionnels du droit, tout en maintenant l'activité juridictionnelle. L'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 a notamment assoupli les conditions du recours aux procédures sans audience, permis aux parties d'échanger leurs écritures et leurs pièces par tout moyen dans le respect du principe du contradictoire et étendu les cas dans lesquels une audition ou une audience peut se tenir en utilisant un moyen de télécommunication audiovisuelle. L'ordonnance n° 2020-595 du 20 mai 2020 a, par ailleurs, permis aux agents de service de greffe affectés dans un service d'accueil unique du justiciable d'assurer la réception et la transmission par voie électronique d'un certain nombre d'actes.
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