M. Florian Bachelier attire l'attention de M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics, sur un risque de flux de contentieux qui paraît évitable. Lorsque l'administration fiscale rehausse le résultat d'une société soumise à l'impôt sur les sociétés, elle cherche en parallèle à redresser le bénéficiaire du revenu correspondant qui est réputé distribué par application des articles 109 et suivants du code général des impôts. Si donc cette société est contrôlée et dirigée par une même personne, l'administration lui oppose la notion de « maître de l'affaire » pour présumer qu'elle a appréhendé l'intégralité des revenus réputés distribués et pour l'imposer à due concurrence à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales. Or il existe des configurations dans lesquelles le fait de détenir le pouvoir dans une entreprise n'exclut pas que le bénéficiaire effectif des distributions soit une autre personne, par exemple un cadre en relation avec des fournisseurs dont il a reçu des « cadeaux » liés au volume des achats réalisés par la société. Le contrôle fiscal peut être l'occasion de révéler les faits, d'assainir pour l'avenir les pratiques et de régulariser la situation fiscale à la fois de la société et du ou des bénéficiaires réels des distributions. Dans ce cadre, il lui demande si, après dépôt des déclarations rectificatives par le bénéficiaire réel des revenus concernés et une fois contrôlées ces données par l'administration fiscale, il est possible de ne pas opposer au chef d'entreprise la notion de « maître de l'affaire » sur les revenus ainsi imposés, à défaut de quoi les mêmes revenus feraient l'objet d'une double imposition.
Les bénéfices d'une société rehaussés lors d'un contrôle fiscal, que cette dernière n'a pas conservés et qui ont donc été ainsi désinvestis, constituent en effet des revenus distribués, imposables à l'impôt sur le revenu entre les mains de leurs bénéficiaires. Il appartient à l'administration d'apporter la preuve de l'identité des bénéficiaires des distributions. Lorsque ces derniers ne sont pas connus de l'administration, les dispositions de l'article 117 du code général des impôts (CGI) lui permettent, si la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte des déclarations de la personne morale visées à l'article 116 du même code, d'inviter cette dernière à lui fournir, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution. En cas de refus ou à défaut de réponse dans ce délai, les sommes correspondantes donnent lieu à l'application de l'amende prévue à l'article 1759 du CGI. La notion jurisprudentielle de « maître de l'affaire » repose sur le critère du pouvoir exclusif sur la gestion de l'entreprise. Elle conduit donc à rechercher si une personne dispose des biens de la société comme s'il s'agissait de ses biens propres, de sorte que l'existence de la société s'accompagne d'une confusion des patrimoines. Il en est ainsi d'« une personne qui exerce la responsabilité effective de l'ensemble de la gestion administrative, commerciale et financière de la société et dispose sans contrôle de ses fonds » (CE 14-9-2016 n° 4008). Lorsque l'administration établit qu'une personne est le seul « maître de l'affaire », elle est regardée comme apportant la preuve que cette personne est le bénéficiaire des distributions, sans qu'il soit besoin de mettre en œuvre la procédure de l'article 117 du CGI. Par ailleurs, le service doit s'abstenir de recourir à la procédure de l'article 117 du CGI lorsque la société lui a déjà fait connaître, avec précisions à l'appui, le nom des bénéficiaires des revenus (BOI-RPPM-RCM-10-20-20-40 n°100, 08-09-2014). Cette consigne s'applique y compris au cas où l'administration peut caractériser l'existence d'un « maître de l'affaire » et où le véritable bénéficiaire des distributions est distinct de ce dernier et connu de l'administration. Si l'identité du véritable bénéficiaire des revenus est connue et l'appréhension du revenu parfaitement établie, l'impôt sera établi à son nom et non du chef du « maître de l'affaire ».
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