M. Adrien Quatennens alerte Mme la garde des sceaux, ministre de la justice sur la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) sur son utilisation du fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG), le 22 juin 2017. Le fichier national automatisé des empreintes génétiques a été créé en 1998. À l'origine, il ne concernait que les personnes reconnues coupables de crimes et délits sexuels. Son usage fut progressivement mais considérablement étendu en 2001 et surtout en 2003. Les personnes reconnues coupables de dégradations et d'outrages à agent sont notamment concernées depuis cette date. Par conséquent, le nombre de personnes fichées a explosé. De 127 9 815 personnes fichées en 2005, on était passé à plus de 3 millions en 2015. Par ailleurs, si la loi régissant l'utilisation de ce fichier dispose qu' « un décret en Conseil d'État pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés détermine les modalités d'application du présent article. Ce décret précise notamment la durée de conservation des informations enregistrées », aucun décret n'a jamais été pris. C'est donc une durée de conservation des empreintes génétiques de 40 ans qui s'applique par défaut, quel que soit le délit ou le crime pour lequel elles aient été prélevées. Dans son arrêt du 22 juin 2017, la CEDH se prononce sur le cas d'un paysan, interpellé suite à une manifestation en 2008. La Cour critique l'absence de proportionnalité dans l'utilisation du fichier : « aucune différenciation n'est actuellement prévue en fonction de la nature et de la gravité de l'infraction commise, malgré l'importante disparité des situations susceptibles de se présenter, comme celle de M. Ayçaguer en atteste. Or les agissements de celui-ci s'inscrivaient dans un contexte politique et syndical, et concernaient de simples coups de parapluie en direction de gendarmes ». Il souhaite lui demander les mesures qu'elle a prévu pour prendre en compte l'arrêt de la CEDH.
A titre liminaire, il importe de souligner que dans sa décision en date du 22 juin 2017 la Cour européenne des droits de l'Homme n'a pas remis en cause l'existence du Fichier National Automatisé des Empreintes Génétiques (FNAEG). En effet, la Haute juridiction européenne reconnaît dans une certaine mesure la nécessité d'une ingérence dans le droit du citoyen-justiciable au respect de sa vie privée, mais précise que cette ingérence doit être réalisée à la lumière de la nature des activités en jeu et du but légitime des restrictions, avant d'ajouter qu'il appartient, en premier ressort, aux autorités nationales de dire où se situe le juste équilibre entre les intérêts publics et privés en cause. Le FNAEG a été créé par la loi no 98-468 du 17 juin 1998 et a une finalité exclusivement judiciaire. Il permet d'effectuer des rapprochements entre les empreintes génétiques prélevées sur des individus suspects ou condamnés ou sur des scènes d'infractions, et les profils déjà enregistrés dans la base des données. L'enregistrement de ces profils repose sur un régime juridique qui a évolué au regard de la progression des phénomènes criminels et de délinquance. Si originairement, les infractions donnant lieu à inscription au FNAEG étaient de nature sexuelle, les diverses lois votées (loi no 2001-1062 du 15/11/2001, loi no 2003-239 du 18/03/2003, loi no 2004-204 du 9 mars 2004, loi du 12/12/2005, loi no 2013-711 du 05/08/2013) ont étendu la sphère d'application du FNAEG. Cet élargissement a effectivement conduit à l'enregistrement d'un nombre important de profils dans le fichier. Toutefois il se justifie par les nécessités de l'enquête judiciaire et les avancées scientifiques. En effet, il convient de garder à l'esprit que la police technique et scientifique (PTS) a connu ces dernières années un essor considérable, que si dans ces prémices ces techniques d'enquête « de luxe » étaient réservées à l'élucidation d'infractions criminelles, les diverses politiques de sécurité et les avancées scientifiques ont concouru à une plus grande diffusion des techniques de PTS et donc à l'utilisation de celles-ci pour l'élucidation d'infractions plus diverses, plus régulièrement commises au préjudice de la population. Validant l'existence du FNAEG, la CEDH a rappelé que le régime des fichiers devait respecter une nécessaire proportionnalité au regard des objectifs légitimes qui leur sont attribués. Ainsi a-t-elle relevé que la durée de conservation des profils génétiques des personnes condamnées devait faire l'objet d'un aménagement. Elle a par ailleurs observé que la possibilité d'effacement anticipé des données enregistrées dans le fichier était réservées aux seules personnes mises en cause. Afin d'assurer une conformité de notre droit avec les préconisations européennes, dans le souci du respect des libertés individuelles, des pistes de réflexion sont actuellement en cours d'examen au sein de mes services et de ceux du ministère de l'intérieur. Des hypothèses d'amélioration du régime juridique actuel du Fichier National Automatisé des Empreintes Génétiques sont à l'étude.
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