Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Cécile Muschotti
Question N° 39668 au Ministère de l’économie


Question soumise le 22 juin 2021

Mme Cécile Muschotti attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la relance sur la répartition actuelle de la richesse dans les entreprises et notamment sur la distribution massive des dividendes aux actionnaires des sociétés du CAC 40 et des entreprises contrôlées par l'État. Les entreprises françaises ont connu pour un grand nombre une baisse d'activité et des effets défavorables sur leur productivité. Cependant, l'État a cherché à contrebalancer ces freins par le versement d'aides publiques massives. Or ces aides n'ont pas été mobilisées pour favoriser l'outil de production des entreprises et le maintien de l'emploi, mais bien pour le versement massif de dividendes aux actionnaires. Ainsi, le bouclier économique et social dessiné par le Gouvernement a été dévoyé. En effet, selon le rapport Allô Bercy ? établi par l'Observatoire des multinationales et publié dans Mediapart en mai 2021, les grands groupes français du CAC 40 ont distribué en 2020 plus de dividendes que ce qu'ils n'ont réalisé de profits. En un chiffre, ces grandes entreprises ont distribué aux actionnaires l'équivalent de 140 % de leurs profits annuels (100 % de leurs profits et les 40 % restants tirés de leur trésorerie). Alors que la crise apparaît justement comme une épreuve de résilience pour l'économie, cette étude met en lumière que l'endettement pour payer les dividendes s'est effectué au détriment de l'investissement dans l'outil de production, dans la recherche et développement et de la participation des salariés. La pratique est légale, elle n'en est pas moins surprenante. Il aurait été juste de profiter des aides publiques massives pour favoriser ces investissements dans le but de renforcer la productivité et d'assurer la souveraineté nationale. Si les profits et trésoreries des plus grands de l'économie et des entreprises contrôlées par l'État ne participent pas à la construction de la souveraineté économique, il semble difficile qu'elle puisse être assurée. Ainsi, il apparaît nécessaire de mettre en place des mesures de régulation ou du moins de modération de versement des dividendes, mesures couplées à des quotas d'investissement et de participation en faveur des salariés. L'économie ne doit pas pâtir du versement démesuré de dividendes : on a un besoin impérieux de l'investissement de ces grands groupes pour construire l'économie de demain. L'État doit être un régulateur et assurer la compétitivité de son économie propre. Elle se questionne donc sur la notion d'équité économique et sur cette pratique qui mène au versement de l'argent public à des actionnaires alors que celui-ci devrait irriguer directement et exclusivement l'économie et les enjeux sociaux des entreprises, en toute transparence.

Réponse émise le 27 juillet 2021

En 2020, de nombreuses sociétés ont annulé ou réduit leur dividende et leur programme de rachat d'actions en réaction à la crise sanitaire et économique, et ce, qu'elles aient bénéficié ou non des dispositifs exceptionnels décidés par le Gouvernement en réponse à cette crise. A titre d'illustration, selon l'Autorité des marchés financiers, 82 sociétés citées appartenant à l'indice SBF 120 ont annulé ou réduit leur dividende en 2020, auxquelles il convient d'ajouter 11 sociétés cotées du même indice qui n'avaient pas prévu de verser de dividende. Au sein de l'indice CAC 40, le montant total des dividendes versés en 2020 a diminué d'environ 40 % par rapport au montant total des dividendes versés en 2019 (source : La lettre Vernimmen, janvier 2021, n° 185). Quant au taux de distribution (c'est-à-dire le montant du dividende et des rachats d'actions rapporté au bénéfice du dernier exercice clos), il s'est établi à 35 %, contre 59 % en 2019 (même source). Si le montant total des sommes distribuées aux actionnaires en 2021 paraît significatif, il convient d'observer que les sommes distribuées sont issues non seulement des bénéfices réalisés au cours du dernier exercice clos (en l'occurrence, l'exercice 2020), mais également des bénéfices réalisés au cours des exercices antérieurs et mis en réserve (par exemple, tout ou partie du bénéfice 2019 mis en réserve par prudence dans le contexte de la crise sanitaire en 2020). De nombreuses entreprises ont donc fait – et continuent de faire – preuve d'exemplarité dans la crise actuelle et ont pris, à leur initiative et sous leur responsabilité, les décisions adaptées à leur situation. Néanmoins, pour prévenir tout abus – fût-ce le fait d'un nombre très limité d'entreprises –, le Gouvernement a pris des mesures pour s'assurer que les grandes entreprises qui bénéficient de prêts garantis par l'État ou de reports d'échéances fiscales et sociales ne versent pas de dividende et ne procèdent pas à des rachats d'actions. En effet, les grandes entreprises qui ont bénéficié de ces mesures en 2020 ont dû s'engager à ne pas verser de dividende et à ne pas procéder à des rachats d'actions en 2020, sous peine d'être privées du bénéfice de ces mesures. Cet engagement a été reconduit en 2021 pour les mesures de soutien en trésorerie octroyées au cours de cette année. En-dehors de ces cas particuliers, une mesure générale d'interdiction ou de limitation des dividendes ne paraît pas adaptée car elle négligerait la grande diversité des situations. En particulier, elle risquerait d'être défavorable aux salariés qui détiennent des titres de la société qui les emploie, aux chefs d'entreprise de petites et moyennes entreprises (PME) et d'entreprises de taille intermédiaire (ETI) qui se rémunèrent par ce biais, ainsi qu'à l'ensemble des épargnants qui détiennent, directement ou indirectement, des titres de sociétés. De même, des quotas d'investissement constitueraient une immixtion dans la gestion des entreprises et négligeraient la diversité des situations. Le meilleur partage de la valeur constitue néanmoins une priorité de l'action du Gouvernement. Il était au cœur de plusieurs dispositions de la loi PACTE, et a récemment donné lieu à une concertation avec l'ensemble des partenaires sociaux.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.