M. Philippe Benassaya attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la relance sur l'utilisation du compte général de l'État. L'article 27 de la loi organique relative aux lois de finances précise bien que l'État « met en œuvre une comptabilité destinée à analyser les coûts des différentes actions engagées dans le cadre des programmes ». Il doit donc exister, à côté de la comptabilité de décaissement, ne prenant en compte que les entrées et sorties de trésoreries effectives, traditionnellement utilisée pour les calculs budgétaires de l'État, une comptabilité dite analytique qui prend en compte les possibles dépenses futures. Cette comptabilité est essentielle pour satisfaire au principe de prudence. L'État ne peut sacrifier l'exploitation pleine et entière d'une telle analyse, elle est essentielle pour le pilotage opérationnel de l'État. Le compte général de l'État est donc un document comptable produit par la direction générale des finances publiques et qui met en œuvre cette exigence indispensable à une lecture comptable éclairée. Pourtant, sa contribution à l'amélioration de la budgétisation est plus restreinte qu'espérée. Comme le signalait déjà en 2016 un rapport de la Cour des comptes, la comptabilité du compte général de l'État n'est que très peu utilisée, que ce soit par le Gouvernement, le Parlement ou par les créanciers et agences de notation. Il s'interroge donc sur le point de savoir si le Gouvernement a une stratégie pour valoriser le compte général de l'État.
Des progrès très importants ont été effectués, depuis plus de dix ans, en matière d'élaboration d'un compte général de l'Etat établi « en droits constatés », d'enrichissement de l'information financière et de renforcement des utilisations liées à ces comptes. Par ailleurs, la fiabilité de ces données est en constante amélioration, notamment en raison des progrès des traitements informatiques et du déploiement des processus de certification. Le rapport établi en 2016 par la Cour des comptes ainsi qu'un rapport interne à la direction générale des finances publiques (rapport Mahieux) ont proposé plusieurs axes d'action afin de favoriser et de renforcer l'exploitation des données de comptabilité générale. Un plan d'action de valorisation de la comptabilité générale, piloté par la direction générale des finances publiques (DGFIP) et la direction du budget (DB), a été adopté en 2017 afin d'assurer la mise en œuvre de l'ensemble de ces propositions, mobilisant en particulier la DGFIP, la DB et les acteurs de la fonction financière et comptable issus de plusieurs ministères (services de contrôle budgétaire et comptables ministériels, directions des affaires financières, etc.). En 2019, un plan d'action partagé entre la DGFIP et la Cour des comptes a également été adopté, comprenant un volet relatif au renforcement de l'utilité et de l'utilisation de la comptabilité générale de l'Etat. Ces deux plans d'actions sont à ce jour quasiment intégralement réalisés. C'est dans ce cadre que plusieurs avancées structurantes ont été accomplies afin de lever les obstacles existants à la valorisation des comptes de l'Etat. En premier lieu, des réformes fondamentales du processus de production et de certification des comptes de l'Etat ont été mises en œuvre afin d'avancer le calendrier de production du projet de loi de règlement (PLR) et du compte général de l'Etat (CGE) de plus d'un mois et demi par rapport au calendrier traditionnel, afin de permettre la création d'un moment annuel de débat parlementaire sur les finances publiques, regroupant l'examen de l'exécution et celle du programme de stabilité autour du 15 avril, en lien avec le « Printemps de l'évaluation ». En second lieu, la mise à disposition des données au format attendu par les utilisateurs a été réalisée, notamment grâce à la mise à disposition des balances comptables de l'Etat en open data sur période longue (2012 à 2020), afin d'en permettre l'appropriation et l'utilisation par un large public, également promue au travers d'événements spécifiques (hackaton sur les données financières de l'Etat, rendez-vous #dataFin, etc.) et de la datavisualisation. Ces données sont présentées par missions et programmes, soit les référentiels familiers de la décision et de la gestion budgétaires. Par ailleurs, de nombreuses actions de promotion et d'accompagnement au développement des usages de la comptabilité générale ont été déployées. Les documents d'information financière ont ainsi été refondus afin d'enrichir et de rendre plus concrète et opérationnelle l'information fournie aux parlementaires et aux citoyens : ainsi, le PLR, le CGE, son rapport de présentation et sa plaquette « 4pages » de synthèse, notamment, ont été revus en profondeur et enrichis en 2019 et 2020, notamment par une présentation des comptes par missions et la publication d'une plaquette « 4 pages » sur les impacts de la crise sanitaire sur les comptes de l'Etat. La DGFIP et la DB se sont également attachées à promouvoir les usages de la comptabilité générale au travers d'ateliers et de modules de formations. En particulier, la meilleure mobilisation des données de comptabilité générale dans les processus de budgétisation fait l'objet d'efforts spécifiques, qui doivent encore être poursuivis. Ainsi, des outils, ainsi qu'une information spécifique à destination des parlementaires au sein du PLR, ont été déployés sur des thématiques essentielles comme les charges et restes à payer. Un module spécifique de formation a également été lancé en 2019 par la DGFIP et la DB à destination des administrateurs des Assemblées et des agents de la DB chargés des budgets ministériels, afin de construire des ressources, des outils et des éléments d'analyse permettant l'utilisation concrète des données de comptabilité générale au service de la budgétisation et de l'optimisation de la gestion. Ceci a vocation à poser des bases pour une meilleure mobilisation de la comptabilité générale dans le cadre des débats parlementaires et des arbitrages budgétaires. Le développement de la comptabilité analytique, qui s'appuie très largement sur les données de la comptabilité générale, constitue de même un vecteur de promotion de cette dernière auprès des acteurs ministériels de la fonction financière. Conformément aux dispositions de l'article 59 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, la comptabilité analytique vise à « mesurer les coûts d'une structure, d'une fonction, d'un projet, d'un bien produit ou d'une prestation réalisée et, le cas échéant, des produits afférents en vue d'éclairer les décisions d'organisation et de gestion ». Les rapports annuels de performance annexés à la loi de règlement pour 2020 soulignent que la démarche est lancée aux Armées ou en cours pour les autres ministères :au ministère des Armées, les informations de la comptabilité analytique permettent d'adosser des coûts à des réalisations physiques et d'apporter un éclairage sur le coût des moyens mis en œuvre par les services pour réaliser les missions qui leur sont confiées (coût de maintenance par type de matériel, coût par filière métier - restauration, habillement, coût par activité au service de santé des armée, etc.) ;au ministère de l'Europe et des affaires étrangères, elle est mise en place pour disposer d'un « outil d'aide à la décision, en termes d'allocation de moyens » ;au ministère de la transition écologique, elle vise à objectiver et justifier l'utilisation des crédits, renforcer le suivi et le pilotage des activités, reconstituer le coût global d'un projet, réaliser des comparaisons internes ou externes et fixer la tarification d'une prestation. La mission confiée le 12 avril dernier au président du Conseil de normalisation des comptes publics, Michel Prada, a pour objectif de dresser un état des lieux et de formuler de nouvelles propositions d'action pour poursuivre cette trajectoire d'améliorations.
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