Mme Laetitia Saint-Paul attire l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur une difficulté d'interprétation des articles 1498 et 1499 du code général des impôts concernant la base taxable des propriétés bâties autres que celles réservées à l'habitation. L'article 1498 concerne les propriétés bâties utilisées notamment à des fins commerciales tandis que l'article 1499 concerne les propriétés bâties industrielles. Le Conseil d'État a étendu, notamment par un arrêt de 2005 (n° 266899 et n° 273663), la notion d'activités industrielles au-delà de sa définition traditionnelle « d'activité de fabrication, de transformation ou de conditionnement, de produits ou de matières » en s'appuyant sur la documentation administrative pour y intégrer « les opérations de manipulation ou des prestations de services dans lesquels le rôle de l'outillage et de la force motrice est prépondérant ». Cette définition extrêmement large et incertaine conduit à dissoudre la notion même d'activités industrielles dans un ensemble indéfini où les appréciations subjectives ouvrent la porte à de nombreux contentieux dont la résolution est bien mal assurée. D'ailleurs, le Conseil d'État semble vouloir limiter les conséquences de cette définition trop floue en apportant de multiples précisions qui, au total, ne font que créer une insécurité juridique importante puisque les services de la direction générale des finances publiques traitent différemment à Marseille ou à Angers des situations analogues. Il semble important que cette situation évolue notamment du fait du poids croissant de ces entrepôts dans l'économie du pays. Si l'on peut éventuellement considérer comme relevant d'une activité industrielle des stockages entièrement automatisés où la main d'œuvre est accessoire, il parait tout à fait inapproprié de faire le même raisonnement dans le cas où les équipements techniques ne sont là que pour aider la main d'œuvre et soulager sa peine. Ce serait en outre, réduire l'intérêt des opérateurs économiques pour ce type de stockage fortement créateur d'emplois. Elle l' interpelle donc afin de savoir comment il envisage de clarifier ces interprétations auprès de ses services, celles-ci créant des inégalités de traitement entre contribuables et alourdissant sensiblement les coûts de gestion des entrepôts qui emploient une main d'œuvre nombreuse, même si elle est assistée par des moyens informatiques ou de levage.
La base des impôts locaux – taxes foncières, taxe d'habitation, cotisation foncière des entreprises – est déterminée à partir de la valeur locative cadastrale. La méthode de détermination de la valeur locative cadastrale varie suivant la nature du local. Le législateur a notamment distingué trois catégories de locaux : les locaux d'habitation, les locaux professionnels et les établissements industriels. La valeur locative des locaux qualifiés d'établissements industriels, dont les exploitants ou les propriétaires sont soumis aux obligations comptables mentionnées à l'article 53 A du code général des impôts (CGI), est calculée à partir de la valeur comptable des bâtiments, terrains et installations foncières. Cette méthode d'évaluation dite « comptable » permet de réserver un traitement fiscal ad hoc et objectif à des bâtiments fortement spécialisés en raison de l'activité qu'ils abritent et dont les caractéristiques et le degré d'équipement, difficilement comparables en l'absence de marché locatif, ne permettent pas de dégager des critères pour déterminer un tarif. La méthode comptable consiste à appliquer au prix de revient de leurs différents éléments, après application de coefficients forfaitaires fixés par la loi de finances, des taux d'intérêts fixés par décret en Conseil d'État. La définition de l'établissement industriel au sens de l'évaluation foncière a été précisée par la doctrine administrative et confortée par la jurisprudence. Le Conseil d'État a ainsi rappelé, dans l'arrêt « Min.c/Sté des Pétroles Miroline » du 27 juillet 2005 que « revêtent un caractère industriel […] les établissements dont l'activité nécessite d'importants moyens techniques, non seulement lorsque cette activité consiste dans la fabrication ou la transformation de biens corporels mobiliers, mais aussi lorsque le rôle des installations techniques, matériels et outillages mis en œuvre, fût-ce pour les besoins d'une autre activité, est prépondérant ». L'appréciation de l'importance des moyens techniques mis en œuvre et de leur contribution aux opérations effectuées résulte de données de fait propres à chaque situation. Elle est opérée par l'administration fiscale, sous le contrôle du juge de l'impôt. Si cette définition permet de tenir compte des circonstances propres à chaque local, elle entraîne parfois des incertitudes pour certaines entreprises pour lesquelles il est difficile d'apprécier la catégorie de locaux à laquelle elles doivent rattacher leur bien en vue de l'évaluation de leurs valeurs locatives. Au surplus, elle entraîne de l'incompréhension en cas de requalification en établissement industriel à la suite d'un contrôle fiscal qui se traduit par un alourdissement des impositions locales. En effet, il résulte de ces différences de méthode d'évaluation un niveau d'imposition des établissements industriels en général supérieur à celui des locaux professionnels. La requalification d'un local professionnel en établissement industriel peut donc entraîner un ressaut d'imposition, même si ce phénomène a vocation à s'atténuer avec la révision des valeurs locatives des locaux professionnels mise en œuvre depuis le 1er janvier 2017. En effet, l'extinction progressive des dispositifs d'atténuation mis en place à compter de cette révision a vocation à inverser cette tendance, la révision ayant permis de rapprocher la valeur locative résultant de la méthode des tarifs de la réalité du marché. Face notamment aux difficultés d'appréciation du « rôle prépondérant des installations techniques, matériels et outillage », la loi de finances pour 2018 a exclu l'utilisation de la méthode comptable pour les entreprises artisanales à compter de 2019 (CGI, art. 1499-00 A, issu de l'article 103 de la loi n° 2017-1837 de finances pour 2018). Elle a également prévu que le Gouvernement remette au Parlement un rapport permettant de l'éclairer sur les différentes modalités d'imposition des immobilisations industrielles, les requalifications, les demandes contentieuses et l'impact pour les entreprises et les collectivités territoriales. À l'issue des travaux et de la concertation menés dans le cadre d'un groupe de travail associant l'administration fiscale, les organisations professionnelles et les collectivités territoriales, ce rapport a été remis au Parlement. À partir de ce rapport, le Gouvernement a proposé, dans le cadre de la loi de finances pour 2019, d'instituer plusieurs mesures relatives aux modalités de qualification des locaux industriels et d'évaluation de leurs valeurs locatives. L'article 156 de loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 légalise ainsi la définition des établissements industriels au sens foncier qui a été dégagée par la jurisprudence du Conseil d'État. En outre, à compter de 2020, il exclut de cette catégorie les bâtiments et terrains qui disposent d'installations techniques, matériels et outillages présents dans le local d'une valeur inférieure à 500 000 euros, appréciée sur trois années, et ce quelle que soit la nature de l'activité exercée. Le local sera alors qualifié de local professionnel au sens de l'article 1498 du CGI et sera soit évalué par la méthode des tarifs dans une des catégories dévolues aux locaux industriels ou par voie d'appréciation directe si le local présente des caractéristiques exceptionnelles. Par ailleurs, à compter de 2019, lorsque la valeur locative d'un local industriel ou professionnel évoluera de plus de 30 % consécutivement à un changement d'affectation ou à un changement de méthode d'évaluation, cette variation sera prise en compte progressivement, sur une période de sept ans. Cette mesure permettra d'accompagner les entreprises qui poursuivent leur développement économique en lissant dans le temps les effets résultant, en matière de fiscalité directe locale, de la hausse de la valeur locative. Elle permettra également, en cas de baisse des valeurs locatives, de lisser dans le temps la baisse des ressources des collectivités territoriales.
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