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Aurélien Taché
Question N° 39968 au Ministère de l’économie


Question soumise le 6 juillet 2021

M. Aurélien Taché alerte M. le ministre de l'économie, des finances et de la relance sur le nouvel élan qu'a donné la compétition de l'Euro de football à la pratique des paris sportifs, notamment en ligne, qui se développent de façon exponentielle depuis les ouvertures successives à la concurrence du secteur en 2010 et 2020, donnant lieu à de graves dérives. La concurrence entre les opérateurs conduit aujourd'hui à une véritable saturation de l'espace publicitaire aussi bien physique que numérique, dans les transports, à la télévision, via des émissions sponsorisées, sur les plateformes et les réseaux sociaux. La stratégie marketing dominante des plus gros opérateurs (Betclic, Winamax, Unibet et autres) s'est uniformisée de façon extrêmement problématique. Leurs publicités ciblent, en toute conscience, un public jeune, fragile et prompt à s'endetter dans l'espoir d'un gros gain. Selon l'Observatoire des jeux (ODJ), 70 % des parieurs auraient moins de 34 ans en France, et deux tiers des mises seraient pariées par des joueurs appartenant à des milieux sociaux modestes, ayant un niveau d'éducation et des revenus inférieurs à ceux des autres joueurs. La Cour des comptes pointe même que 31 % des 15-17 ans ont déjà parié sur le sport alors que selon le baromètre 2019 des jeux de hasard de Santé publique France, les paris sportifs représentent le risque le plus important sur le plan individuel et que la part des joueurs excessifs y est six fois plus importante que dans les jeux de loterie. Ces joueurs problématiques sont en majorité des hommes jeunes issus de milieux modestes : 60 % d'entre eux ont un revenu net inférieur à 1 100 euros et la quasi-totalité un niveau d'études inférieur au baccalauréat. Les opérateurs l'ont bien compris et voient dans ces cibles particulièrement fragiles une véritable poule aux œufs d'or ! Ils créent des addicts et capitalisent sur la misère sociale. Les codes des cités sont largement repris : musique urbaine, barre d'immeubles, tags, etc., sont les décors où sont mis en scène des jeunes issus des minorités. Peu représentés d'habitude dans les médias, ces jeunes se reconnaissent enfin dans ces publicités. Le recours à des influenceurs et autres figures populaires comme des rappeurs et même des journalistes sportifs stars font partie de cette même stratégie ciblée contribuant à donner l'illusion d'une « communauté » de parieurs et à banaliser l'idée que le pari ferait partie intégrante du sport. Alors que leur modèle économique dépend de leur perte d'argent, ces entreprises véhiculent l'idée que le pari serait la solution à leurs difficultés économiques et sociales. La dernière publicité de Winamax ne dit rien d'autre que cela : le pari sportif n'est plus seulement un moyen de partir en vacances au soleil, il permet de « mettre la daronne à l'abri » alors que, dans les quartiers populaires, certains joueurs accumulent jusqu'à 42 000 euros de dette, dilapident leur RSA ou sombrent dans le trafic de drogue pour s'en sortir face à leur addiction. Il n'y a pas que les joueurs, il y a aussi les familles qui subissent les conséquences quand ce sont justement les parents qui doivent assumer financièrement les dérives de leurs enfants. Alors que la jeunesse, notamment celle issue des milieux modestes et populaires, a été particulièrement impactée par la crise sanitaire et sociale dont les effets se font encore durement ressentir, on refuse de les laisser à la merci d'opérateurs de paris sportifs sans vergogne qui instrumentalisent leur passion pour le sport et leurs difficultés socio-économiques. La loi interdit les publicités pour les paris sportifs qui banalisent le jeu, l'associent à la réussite sociale et ont recours à des personnalités issues de l'univers des mineurs. C'est pourtant le cœur même de la stratégie de ces entreprises qui flirtent avec les règles légales et piétinent toute déontologie et toute morale. Une action forte des pouvoirs publics est urgente. Aussi, il lui demande comment le Gouvernement compte agir pour faire preuve de la plus grande vigilance et de la plus grande fermeté face à ces abus et quelles sont les solutions envisagées pour mettre en place rapidement des mesures adaptées et nécessaires en matière de renforcement de la prévention et d'encadrement, notamment en matière de volume et d'horaires, de ces publicités.

Réponse émise le 28 décembre 2021

La politique de l'État en matière de jeux d'argent et de hasard, telle que la définit l'article L. 320-3 du code de la sécurité intérieure (CSI), a pour objectif constant de limiter et d'encadrer l'offre et la consommation des jeux et d'en contrôler l'exploitation, afin notamment de prévenir le jeu excessif ou pathologique et protéger les mineurs. Pour garantir le respect de cet objectif, l'ordonnance n° 2019-1015 du 2 octobre 2019 réformant la régulation des jeux d'argent et de hasard a, d'une part, rénové le cadre légal des jeux d'argent et de hasard en France et, d'autre part, regroupé les différentes missions de régulation au sein de l'autorité nationale des jeux (ANJ), nouvelle autorité de régulation mise en place en juin 2020 et dotée de pouvoirs renforcés. En premier lieu, l'encadrement des communications commerciales des opérateurs et le dispositif de prévention du jeu excessif et pathologique ont été récemment renforcés. Les publicités des opérateurs doivent ainsi être assorties d'un message de mise en garde contre le jeu excessif ou pathologique ainsi que d'un message faisant référence au système d'information et d'assistance prévu à l'article 29 de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne. Ce message doit figurer sur chaque support publicitaire ou promotionnel et contenir notamment le numéro du service de communication en ligne du dispositif public d'aide aux joueurs mis en place sous la responsabilité de l'agence nationale de santé publique. Certaines communications commerciales sont interdites, notamment : celles incitant à une pratique de jeu excessive, banalisant ce type de pratique ; celles contenant des déclarations infondées sur les chances qu'ont les joueurs de gagner ou les gains qu'ils peuvent espérer ; celles suggérant que jouer peut être une solution face à des difficultés personnelles, professionnelles, sociales ou psychologiques. Les opérateurs de jeux sont en outre tenus de prévenir les comportements de jeu excessif ou pathologique par la mise en place de dispositifs de modération, d'auto-exclusion et d'auto-limitation des dépôts et des mises. Plus encore, le IX de l'article 34 de la loi du 12 mai 2010 prévoit qu'ils identifient les personnes dont le jeu est excessif ou pathologique et les accompagnent en vue de modérer leur pratique, dans le respect de l'arrêté de 9 avril 2021, pris sur proposition de l'autorité nationale des jeux (ANJ), définissant le cadre de référence pour la prévention du jeu excessif ou pathologique et la protection des mineurs. En second lieu, l'autorité nationale des jeux (ANJ) a été dotée d'importants pouvoirs pour exercer ses missions. L'autorité nationale des jeux (ANJ) peut ainsi exiger le retrait d'une communication commerciale comportant une incitation excessive au jeu et mener des contrôles sur place. En outre, tous les opérateurs de jeux sont tenus de lui soumettre pour approbation leur stratégie promotionnelle ainsi que leur plan d'action en matière de prévention du jeu excessif et de protection des mineurs. À ce titre, au regard des dérives en matière de surenchère publicitaire constatées lors de l'Euro de Football et sur lesquelles vous appelez l'attention du Gouvernement, l'autorité nationale des jeux (ANJ) a réuni les opérateurs de paris sportifs en juillet 2021 pour faire un bilan intermédiaire de la mise en œuvre de leurs stratégies promotionnelles telles qu'approuvées par le collège de l'autorité nationale des jeux (ANJ) en janvier 2021. L'Autorité a annoncé qu'elle pourrait engager, le cas échéant, des procédures de sanction en cas de non-conformité de ces stratégies publicitaires au cadre légal. Le collège de l'autorité nationale des jeux (ANJ) est en effet habilité à poursuivre devant la commission des sanctions de cette autorité les opérateurs de jeux ou de paris dont les comportements sont susceptibles de constituer les manquements aux dispositions législatives ou réglementaires applicables à leur activité, notamment en matière de publicité. Parallèlement, l'autorité nationale des jeux (ANJ) a lancé une consultation des parties prenantes en septembre 2021 sur le thème de la publicité, dans l'objectif d'adresser éventuellement des recommandations aux acteurs. Elle a aussi engagé avec l'autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) une stratégie pour décliner les prescriptions règlementaires en recommandations concrètes pour les opérateurs et diffuser d'ici la fin de l'année des lignes directrices précises et opérationnelles sur la publicité. Par ailleurs, depuis le 31 décembre 2020, a été confiée à l'autorité nationale des jeux (ANJ) la gestion du fichier – initialement tenu par le ministère de l'intérieur - des interdictions volontaires de jeux (sites de paris sportifs, jeux de la Française des jeux ou du PMU réalisés en ligne ou en points de vente avec un compte joueur, etc.), lequel apparait comme une réponse possible au mécanisme d'addiction. Les modalités d'inscription au fichier ont été simplifiées, celle-ci pouvant désormais se faire entièrement en ligne, associée à des délais d'inscription réduits. La mesure d'interdiction prend fin à l'expiration d'une durée de trois ans renouvelable tacitement sur demande écrite et expresse de son bénéficiaire. Afin de prendre en compte le phénomène de « ciblage » privilégié d'un public jeune par les publicités, l'autorité nationale des jeux (ANJ) conduit en outre à leur destination ainsi qu'à celle de leur entourage familial, des actions d'information et de sensibilisation sur les réseaux sociaux (directement ou relayées par des influenceurs). La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) fait preuve d'une vigilance renforcée en 2021 dans le secteur des jeux et paris sportifs. La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) du ministère de l'économie, des finances et la relance, est chargée de veiller au respect des dispositifs de protection des consommateurs, d'assurer la transparence des relations commerciales entre consommateurs et professionnels et de prévenir et sanctionner les pratiques commerciales trompeuses et/ou agressives en matière de jeux d'argent. Au regard de la multiplication de sites internet proposant des pronostics sportifs, les services d'enquête de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) déploient actuellement, en étroite coordination avec les services de l'autorité nationale des jeux (ANJ), des contrôles de l'activité de ces sites. Ces investigations ont pour objet de rechercher et de constater d'éventuelles pratiques commerciales trompeuses, notamment celles, réputées trompeuses en toutes circonstances, ayant pour objet « d'affirmer d'un produit ou d'un service qu'il augmente les chances de gagner aux jeux d'argent et de hasard »), ainsi que les prestations de services "à la boule de neige" (marketing de réseau ou pyramidal conditionnant l'accès à la prestation au recrutement de nouveaux membres) qui sont interdites respectivement par les articles L. 121-4, 11° et L. 121-15 du code de la consommation. Les manquements et infractions constatées donneront lieu aux suites appropriées. Par ailleurs, les agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) sont habilités à rechercher et constater les infractions au principe d'interdiction générale des jeux d'argent et de hasard (article L. 324-15 du code de la sécurité intérieure). Les résultats de l'ensemble de ces actions nécessiteront ainsi d'être analysés dans le temps, avant d'envisager, le cas échéant, de nouveaux axes de réforme, notamment en ce qui concerne la publicité.

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