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Nathalie Elimas
Question N° 4005 au Ministère de la justice


Question soumise le 19 décembre 2017

Mme Nathalie Elimas interroge Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la gestion du retour des familles françaises implantées dans la zone irako-syrienne, que le ministère de l'intérieur évaluait encore à 1 300 personnes (700 adultes et 500 enfants) en novembre 2017. Concernant les 303 retours recensés à cette même date, elle relève que 134 Français ont été placés en rétention et 39 sous contrôle judiciaire. 130 personnes relèvent donc d'un régime de liberté ou de semi-liberté (2 non-lieu, 69 remises en liberté, 59 mineurs placés auprès de l'aide sociale à l'enfance). Or, un grand nombre d'entre elles et notamment des adolescents soldats ayant commis des atrocités sur place ou des femmes endoctrinées ayant quitté délibérément la France et dont les regrets exprimés portent à discussion, présentent une réelle menace pour le pays. En conséquence, elle souhaiterait connaître les intentions du Gouvernement quant aux suites judiciaires et aux dispositifs d'accompagnement psychologique prévus.

Réponse émise le 3 juillet 2018

Afin de répondre efficacement à la menace représentée par les jihadistes français de retour sur le territoire national après un séjour en zone irako-syrienne, est mis en œuvre un principe de judiciarisation systématique de leur situation par l'autorité judiciaire à leur arrivée sur le territoire national. Cette politique pénale se traduit par l'engagement immédiat par le parquet de Paris de poursuites du chef d'association de malfaiteurs terroriste ayant ou ayant eu pour objet la préparation d'un ou plusieurs crimes d'atteintes aux personnes. Cette infraction, réprimée d'une peine de 20 ans de réclusion criminelle s'agissant des faits commis avant la loi du 21 juillet 2016 et de 30 ans de réclusion criminelle pour les faits commis postérieurement, permet d'engager des poursuites à l'encontre de tout ressortissant français ayant été en relation avec une organisation terroriste, en France comme à l'étranger. En pratique, cette politique de judiciarisation systématique se traduit soit par le placement en garde-à-vue des individus, soit par l'exécution des mandats d'arrêt susceptibles de les viser, dans le cadre d'une enquête menée sous la direction du parquet de Paris ou d'une information judiciaire conduite par des juges d'instruction antiterroristes. Tous les ressortissants français de retour de la zone irako-syrienne, qu'ils soient hommes ou femmes, ont ainsi vocation, dès lors que les éléments probatoires sont réunis, à faire l'objet de poursuites judiciaires sous une qualification terroriste et à être placés, dès leur arrivée sur le territoire national, sous une mesure de contrainte adaptée à leur situation (placement en garde à vue puis en détention provisoire dans la majorité des situations). Les personnes détenues pour ce type de faits sont orientées dans des quartiers d'évaluation de la radicalisation (QER) afin d'évaluer leur dangerosité. Cette évaluation rigoureuse permet de dresser une synthèse pluridisciplinaire sur le niveau de risque du détenu et son positionnement par rapport aux faits reprochés pour proposer une orientation au magistrat. S'agissant des situations des personnes qui seraient suivies en milieu ouvert au titre d'une mise en examen pour actes de terrorisme, un protocole sur la mise en œuvre des contrôles judiciaires prononcés contre des personnes mises en examen pour des faits de nature terroriste a été conclu le 28 décembre 2015 entre la Chancellerie et la juridiction parisienne spécialisée afin de garantir une forte réactivité des services saisis de ces mesures et une prise en charge spécifique par les services pénitentiaires d'insertion et de probation. Concernant la prise en charge des mineurs de retour de zone de conflit, celle-ci varie en fonction de leur âge et des situations très variables qu'ils sont susceptibles de présenter. Dans leur grande majorité, les enfants de jihadistes présentent un niveau de traumatisme et de fragilité psychologique extrême qui impose de recourir à une évaluation transdisciplinaire rigoureuse. L'action judiciaire à leur égard s'inscrit dans le cadre du dispositif interministériel, mobilisant sous l'autorité du chef de l'Etat et du gouvernement, l'ensemble des ministères concernés par les problématiques posées. Ce dispositif est présenté dans l'instruction diffusée par le Premier Ministre le 23 février 2018, révisant l'instruction interministérielle du 23 mars 2017. Quel que soit leur âge, tous sont judiciarisés sur le terrain civil en ce sens qu'ils ont tous vocation à être présentés à un juge des enfants dans le cadre d'une procédure d'assistance éducative. Le dispositif interministériel prévoit l'organisation d'un bilan somatique et médico-psychologique complet et la scolarisation en vue de permettre la réinsertion de l'ensemble des mineurs concernés. En parallèle de cette prise en charge éducative systématique, de nature civile, lorsqu'il est démontré qu'ils auraient pu participer aux entraînements, aux combats, voire aux exactions, les mineurs de plus de 13 ans peuvent faire l'objet d'un traitement pénal devant la juridiction spécialisée, et d'une décision soit d'incarcération préventive soit de suivi au titre d'une mesure de milieu ouvert confiée à la protection judiciaire de la jeunesse, mesure qui peut être concomitante aux mesures de protection de l'enfance précitées.

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