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Franck Marlin
Question N° 4092 au Ministère de l'agriculture


Question soumise le 26 décembre 2017

M. Franck Marlin alerte M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur le devenir de l'agriculture française. Déjà confronté à une conjoncture économique très difficile, ces six derniers mois ont encore plus profondément bouleversé le monde agricole. La décision de la France d'opérer un transfert supplémentaire de 4,2 %, du premier vers le second pilier de la PAC, la suppression de la réduction de 7 points de la MSA que les agriculteurs avaient obtenue de longue lutte, la non mise en place de l'épargne de précaution dans le projet de loi de finances pour 2018, la décision de supprimer le glyphosate en France sous 3 ans alors que l'Europe l'a réhomologué démocratiquement pour 5 ans, le spectre d'une renationalisation de la PAC, les accords du CETA et du MERCOSUR qui vont ouvrir les frontières françaises et accroître, une fois de plus, les distorsions de concurrence : voilà autant de sujets qui impactent très négativement l'agriculture et qui cristallisent la colère du monde agricole. À cela, il faut également ajouter les conclusions des États généraux de l'alimentation qui risquent de remettre en cause le modèle de production français, sans apporter de garanties aux consommateurs. Plus que jamais, il faut rappeler que l'agriculture française est la plus saine et la plus sûre du monde. Un exemple : 46 molécules sont interdites en France alors même qu'elles sont autorisées en Europe. Ainsi, l'agriculture française n'est pas sur un pied d'égalité avec ses voisins européens. Il faut mettre un terme, dans les plus brefs délais, à toutes ces distorsions de concurrence. Il faut saluer et accompagner les efforts que les agriculteurs déploient et les mutations importantes qu'ils ont initiées depuis 10 ans. Aujourd'hui, ils ne sont qu'accablés à chaque nouvelle décision gouvernementale. À l'heure où la confiance du monde agricole à l'égard du Gouvernement est profondément altérée, comme l'a exprimé la profession en manifestant le 19 décembre 2017 à Paris, il lui demande quelles mesures seront enfin mises en œuvre pour mettre un terme aux distorsions de concurrence précitées et pour sauver l'agriculture française.

Réponse émise le 14 août 2018

Conscient des défis que doit relever l'agriculture française, le Président de la République a souhaité organiser, dès les premiers mois de son mandat, les états généraux de l'alimentation (EGA) avec pour objectif d'engager une transformation profonde de l'agriculture de nature à permettre aux producteurs de vivre de leur activité par des revenus appropriés et aux consommateurs de bénéficier d'une alimentation saine, sûre et durable. Le Gouvernement est mobilisé pour mettre en œuvre les recommandations issues des EGA, déclinées dans la feuille de route présentée par le Premier ministre le 21 décembre 2017. D'ores et déjà, plusieurs mesures ont été lancées : mise en place d'outils pour redonner du revenu aux producteurs et des marges pour l'investissement et l'innovation aux industriels ; construction de plans de filière pour impliquer tous les acteurs de l'amont à l'aval dans une montée en gamme de notre alimentation, grand plan d'investissement, réforme de la fiscalité agricole, programme Ambition Bio 2022 pour accélérer les conversions et structurer l'offre, plan d'action bioéconomie, plan Ecophyto2+ pour réduire l'utilisation des produits phytosanitaire. Le projet de loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous constitue le volet législatif de cette feuille de route. Il vise -notamment mais pas seulement- à rééquilibrer, et donc apaiser, les relations commerciales en leur fixant un cadre rénové qui mette fin à la loi du plus fort et à la guerre des prix toujours plus bas. L'objectif est de relancer la création de valeur et de mieux la répartir au sein des filières, au bénéfice des maillons les plus faibles, producteurs mais aussi parfois industries agroalimentaires. Chaque opérateur devra s'emparer de ces outils, en s'appuyant sur les organisations actuelles comme les interprofessions. Le secteur de la production doit ainsi se regrouper en organisation de producteurs efficaces afin de pouvoir peser dans les relations commerciales avec leurs acheteurs. Face à la concurrence des partenaires commerciaux, l'agriculture française doit prendre le chemin de la meilleure valorisation et de la montée en gamme. C'est l'une des orientations importantes des plans de filière qui visent à proposer, là où c'est nécessaire, une meilleure segmentation du marché et à favoriser la création de valeur ajoutée, au bénéfice des producteurs. Cette montée en gamme concerne tant la qualité des produits que la capacité à répondre aux attentes sociétales, notamment en termes de réduction de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques ou des médicaments vétérinaires, ou de respect du bien-être animal. La capacité à répondre aux attentes du consommateur d'aujourd'hui et de demain est l'un des leviers de la compétitivité de la filière agricole et alimentaire française, dont le haut niveau de sécurité sanitaire est reconnu et recherché par les partenaires. L'origine des aliments est également l'un des éléments de la décision d'achat et il paraît important de pouvoir répondre à cette attente en adaptant la réglementation. Le ministère de l'agriculture et de l'alimentation portera une initiative au niveau européen pour améliorer les obligations en matière d'indications de l'origine des ingrédients, dans la droite ligne de l'expérimentation en cours au niveau français. Le grand plan d'investissement permettra d'accompagner cette transformation. Enfin, les accords de libre échange sont pour certaines filières agricoles synonymes d'opportunités : le CETA a ainsi permis un meilleur accès au marché canadien pour les entreprises françaises, notamment pour les fromages avec l'obtention d'un contingent total de 18 500 tonnes. La protection de 175 indications géographiques, dont 42 françaises, a également été obtenue. Cette protection des indications géographiques permet de garantir le lien entre les territoires et les productions et de défendre le modèle agricole français et européen. Mais ces accords peuvent également fragiliser certaines filières sensibles. Le Gouvernement français est ainsi pleinement mobilisé pour assurer la défense des intérêts français et ainsi garantir la préservation du dynamisme économique des territoires. La France, soutenue par d'autres États membres, considère ainsi que la conclusion de l'accord entre l'Union européenne (UE) et les pays du Mercosur, qui n'a à ce jour pas abouti et ce, malgré les diverses échéances annoncées en 2018, est tributaire de l'équilibre entre l'ouverture du marché et la protection des filières sensibles agricoles dans la négociation, en particulier, le bœuf, l'éthanol, le sucre et les volailles. Il reste du travail à mener pour atteindre le stade final de cette négociation. Le Mercosur devra démontrer qu'il peut proposer à l'UE un accord protecteur de ses sensibilités et synonyme d'avancées pour les secteurs agricoles offensifs. Le Gouvernement sera attentif jusqu'à la conclusion pour préserver les intérêts des filières agricoles françaises. En cohérence avec les actions décidées dans le cadre du plan d'action sur la mise en œuvre du CETA, le Gouvernement fait valoir que les concessions tarifaires sur les produits sensibles dans les accords de libre-échange doivent s'inscrire dans les limites d'une « enveloppe globale », permettant de définir ce qui est soutenable pour les filières au regard du marché, à l'échelle de l'ensemble des négociations en cours ou à venir (Australie, Nouvelle-Zélande, Mexique…). Il se mobilise également pour l'ajout de mesures permettant de rétablir des conditions de concurrence équitables entre les producteurs français et ceux des pays du Mercosur (mécanisme de sauvegarde et conditions non tarifaires liées aux modes de production). Ainsi, le Gouvernement français est attaché à ce que, dans une économie ouverte, source d'opportunités pour les secteurs d'activité, les accords commerciaux préservent les intérêts des filières sensibles et ne permettent pas l'importation de produits qui ne respecteraient pas les exigences européennes, notamment en matière sanitaire, phytosanitaire et environnementale. Ainsi, afin d'assurer une mise en œuvre exemplaire du CETA, le Gouvernement a installé une commission d'experts indépendants pour mesurer l'impact de l'accord sur l'environnement, le climat et la santé. Suite aux recommandations de cette commission, le Gouvernement a adopté le 25 octobre 2017 un plan d'action. Ce plan permettra d'assurer un suivi de l'impact économique de l'accord sur les filières agricoles et de renforcer la traçabilité des produits importés au travers de programmes d'audit sanitaire et phytosanitaire. Le plan d'action vise en outre à vérifier que l'application du CETA, dont la lettre respecte strictement les choix de société du consommateur européen, est effectivement conforme aux préférences collectives françaises. Par ailleurs, le plan d'action rappelle que le principe selon lequel tout produit qui entre dans l'UE doit respecter les règles du marché intérieur, en particulier les normes sanitaires et phytosanitaires, est pour la France non-négociable. Il vise également à améliorer la prise en compte des enjeux sanitaires et de développement durable dans l'ensemble des accords commerciaux afin d'assurer une meilleure cohérence entre la politique commerciale et le modèle de production agricole français, sûr pour le consommateur et engagé dans une transition écologique.

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