Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Agnès Thill
Question N° 41308 au Ministère de l’agriculture


Question soumise le 28 septembre 2021

Mme Agnès Thill interroge M. le ministre de l'économie, des finances et de la relance sur les exportations de grumes à l'international. La reprise économique post-covid et la forte demande en matière de construction ont entraîné une augmentation fulgurante des exportations du bois français vers la Chine et les États-Unis d'Amérique, au détriment du marché intérieur et local, impactant et inquiétant profondément la filière française du bois. Cette situation est exacerbée par des conflits commerciaux et par un contexte de dégradation des conditions climatiques dans ces régions du monde. La Fédération nationale du bois, dans un communiqué de presse du 25 août 2021, fait état de ces exportations croissantes que l'on constate et que l'on peut aisément qualifier d'hémorragiques. Pour le chêne, les expéditions pour juillet 2021 sont de 47 181 m3 soit le plus haut niveau mensuel jamais atteint. (source douanes chinoises.) Sur 7 mois, de janvier à juillet 2021, les expéditions s'élèvent à 270 310 m3 contre 215 491 m3 en 2020, soit une progression de + 25,4 %. Il faut ajouter à cela les exportations vers d'autres pays que la Chine. Pour les résineux, les expéditions de grumes de résineux sans aucune transformation pour juillet 2021 sont de 79 422 m3 soit également le plus haut niveau mensuel jamais atteint pour cette destination. Sur 7 mois, de janvier à juillet 2021, les expéditions s'élèvent à 426 322 m3 contre 269 287 m3 en 2020 soit une progression de + 58,3 %. Concernant les hêtres : leur expédition à destination de la Chine pour juillet 2021 est de 5 931 m3. Sur 7 mois, de janvier à juillet 2021, les expéditions s'élèvent à 92 458 m3 contre 39 701 m3 en 2020 soit une progression de 132,88 %. Ces chiffres doivent inquiéter les acteurs publics car il s'agit d'une véritable hémorragie que la filière française subit. En effet, les acteurs de la profession ne parviennent plus à se fournir et se trouvent contraints de se tourner vers l'Allemagne, l'Autriche ou les pays scandinaves. La France fait face à une pénurie alarmante alors que les besoins nationaux sont croissants et que le pays dispose de trois milliards d'arbre et d'une surface territoriale à 30 % occupée par les forêts. En 2020, une maison sur 10 a été construite avec du bois, mais du bois non originaire de France. Cet état alarmant va s'aggraver car, à partir de 2022, toutes les nouvelles constructions devront intégrer du bois. La France va donc faire face à un besoin urgent de bois l'incitant à se fournir à l'étranger alors qu'elle dispose de toutes les ressources nécessaires sur son territoire. Le pays est donc en passe de passer à côté d'une des étapes fondamentales de sa transition énergétique et de sa politique écologique. Aussi, elle lui demande quelles mesures concrètes sont envisagées afin de protéger la filière française du bois et afin d'inciter les grands constructeurs français à se fournir auprès de cette filière.

Réponse émise le 1er février 2022

La demande nationale comme internationale en produits transformés à base de chêne est actuellement –et probablement durablement– bien orientée, soutenue par les plans de relance mis en œuvre au niveau national, européen ainsi qu'aux États-Unis, lesquels favorisent en particulier la reprise dans le secteur de la construction et de l'aménagement, constituant le principal débouché de la filière forêt-bois. À cet égard, le nombre de mises en chantier en France bondit : + 7,6 % par rapport aux trois mois précédents et + 5,7 % au cours des douze derniers mois. Parallèlement à l'organisation de la filière forêt-bois, le niveau des exportations de grumes de chêne français est reparti à la hausse, après une année 2020 marquée par la crise covid-19. Une hausse de + 16 % est observée sur les quatre premiers mois de l'année 2021, notamment à destination de la Chine (+ 29 %), pour in fine dépasser le volume moyen de grumes de chêne exporté de janvier à avril sur les dix dernières années, et dépasser le niveau exceptionnel d'export de grumes de chêne observée sur la période 2015-2019. Cette situation confirme donc le renforcement de ce mouvement de « fuite » de grumes de chêne qui s'est engagé depuis 2014. Ce flux important de la ressource nationale vers les pays tiers a appelé rapidement le Gouvernement à la vigilance et à mettre à l'étude les actions qu'il était possible d'entreprendre. Plusieurs réunions se sont tenues ces derniers mois, à l'initiative du ministère de l'agriculture et de l'alimentation ou au sein de l'interprofession, avec les représentants professionnels de la filière forêt-bois. Ces réunions ont permis de partager le diagnostic, de conforter le besoin de solidarité au sein de la filière et d'identifier les actions que chaque organisation professionnelle de l'amont pouvait conduire à son niveau pour répondre aux besoins exprimés par les entreprises de première transformation de bois. Ainsi, à l'issue d'une réunion en date du 21 juin 2021, un plan d'actions a pu être consolidé, sur la base des propositions des organisations professionnelles et des actions que l'État peut légalement entreprendre : - les initiatives favorisant la transformation industrielle du bois d'œuvre sur le territoire de l'Union européenne (UE) afin d'optimiser le bénéfice de son stockage de carbone continueront à être encouragées conformément à l'article 54 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets. Dans ce contexte, le principe du label UE des ventes de bois, qui donne la priorité aux acheteurs s'engageant à transformer ou faire transformer les bois dans l'UE, est plus que jamais nécessaire et va naturellement se poursuivre pour le chêne en forêts publiques. De leur côté, les organisations professionnelles de la forêt privée se sont engagées à expliquer cette modalité de vente aux propriétaires privés, et les experts forestiers de France ont organisé leur première vente nationale sous label UE le 13 juillet, opération qui a rencontré un franc succès et qui devrait être renouvelée dans les mois qui viennent ; - l'État a demandé à son opérateur, l'office national des forêts (ONF), d'amplifier ses efforts en matière de contractualisation, notamment du bois d'œuvre de chêne, sur la durée du contrat État-ONF 2021-2025 validé le 2 juillet par le conseil d'administration de l'ONF et d'augmenter, dans le respect des documents d'aménagement, le volume de bois mobilisé lorsque des difficultés d'approvisionnement sont identifiées ; - une mission vient également d'être confiée au conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux pour appuyer la filière dans un véritable développement de la contractualisation, qui apparaît comme le levier majeur, à termes pour sécuriser l'approvisionnement de ce secteur industriel ; - la Commission européenne a été saisie par les autorités françaises pour l'informer de la situation, dont il résulte une anomalie économique, patrimoniale et écologique, et l'inviter à étudier et prendre les mesures les plus appropriées au regard du droit européen, y compris en termes de restriction à l'exportation de grumes de chêne. Des mesures de sauvegarde au titre de sa compétence commerciale, devraient être étudier rapidement de façon à éviter une fuite non contrôlée des ressources forestières ; - les parlementaires avec le soutien du Gouvernement ont introduit dans le projet de loi climat et résilience une disposition visant à encadrer la profession d'exploitant forestier exportateur. Les services du ministère de l'agriculture et de l'alimentation ont engagé sans attendre l'élaboration du projet de décret qui contiendra les modalités de mise en œuvre de cette nouvelle disposition ; - enfin, l'interprofession forêt-bois se doit de consolider son observatoire du marché du bois pour gagner en compréhension et en réactivité face à des situations de crise comme celle actuellement. Des indicateurs plus réactifs ou portant sur l'état de stock dans les entreprises vont notamment être mis en place. La mise en œuvre de ce plan d'action va faire l'objet d'un suivi régulier notamment à l'approche des ventes d'automne, qui sont les ventes plus importantes de l'année pour le chêne. Par ailleurs, afin de répondre aux enjeux de souveraineté qui se posent au niveau de la filière forêt-bois, notamment dans le contexte climatique, le Gouvernement a décidé de lancer cet automne des assises de la forêt et du bois, organisées sous l'égide des ministères de l'agriculture, de l'industrie et de la transition écologique. Ces travaux devront aboutir à des propositions opérationnelles et engager toutes les parties d'ici quelques semaines. Son soutien aux efforts consentis par les professionnels de la filière va également être renforcé, à la condition qu'ils contribuent à décloisonner l'amont et l'aval de la filière. Ainsi 100 millions d'euros (M€) supplémentaires seront déployés dans le cadre de France Relance, en complément des 200 M€ d'euros déjà en place. Enfin, la filière forêt-bois bois sera concerné par le futur plan d'investissement « Pour bâtir la France de 2030 » annoncé par le Président de la République.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.