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Valérie Gomez-Bassac
Question N° 42362 au Ministère de l’économie


Question soumise le 9 novembre 2021

Mme Valérie Gomez-Bassac appelle l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la relance sur la situation exceptionnelle de pénurie de matériaux, de main d'œuvre et de hausse des prix des matières premières, à laquelle doit faire face les entreprises du BTP. La Fédération française du bâtiment exprime les inquiétudes des acteurs du secteur qui, en dépit des bonnes pratiques en matière d'indexation des marchés publics et du gel des pénalités dès lors qu'un retard à la livraison s'explique par des difficultés d'approvisionnement, s'inquiètent de la pénurie de matériaux, de main d'œuvre et la hausse des prix des matières premières. Aussi, la Fédération française du bâtiment propose des mesures afin d'accompagner dans cette crise les entreprises saines jusqu'alors, aux carnets de commandes pleins, mais dans l'incapacité de réaliser des chantiers à perte : le droit à remboursement immédiat du carry back. En effet, le choc de prix relevé sur la plupart des matériaux de construction se traduit par une forte augmentation du besoin en fonds de roulement (BFR) pour les entreprises de BTP, d'autant qu'il s'accompagne d'un indispensable mouvement de stockage compte tenu des difficultés d'approvisionnement rencontrées. Le redressement récent des trésoreries des entreprises du bâtiment, notamment grâce aux PGE souscrits, va donc se trouver absorbé, puis compromis par la hausse des coûts. Cela se traduira aussi par une dégradation des bilans, grevés par des chantiers systématiquement en perte ou sans marge. Pour limiter l'impact immédiat sur les trésoreries, la Fédération française du bâtiment propose d'étendre le droit à remboursement anticipé de la dépense de carry back aux entreprises dont la clôture des comptes intervient jusqu'à fin mars 2022. La mécanique générale du carry back ou « report en arrière des déficits » consiste à reporter sur l'exercice N-1 bénéficiaire le résultat déficitaire de l'année N. Il s'en dégage un trop versé d'impôt sur les sociétés (IS) au titre de l'exercice N-1, qui permet de générer une créance d'IS mobilisable (ou anticipée) en N. Il s'agit en réalité d'un simple effet de trésorerie pour l'entreprise comme pour l'État puisqu'à défaut, ce déficit de l'exercice N viendra abaisser l'IS dû en N+1. Le droit à remboursement anticipé de la dépense de carry back avait été ouvert, à titre exceptionnel, pour toutes les entreprises, dans la troisième loi de finances rectificative pour 2020. La loi de finances rectificative pour 2021 a assoupli la possibilité de report en arrière, sur les bénéfices constatés au titre des trois exercices précédents et sans autre plafonnement, pour le déficit constaté au titre du premier exercice clos à compter du 30 juin 2020 et jusqu'au 30 juin 2021. Malheureusement, cette demande d'extension aux exercices clos jusqu'au 30 septembre 2021 assorti du remboursement anticipé de la créance de carry back n'a pas été suivi d'effet. Or dans le contexte de tension décrit plus haut, Mme la députée plaide désormais pour que le PLF2022 prolonge ce dispositif jusqu'aux exercices clos au 31 mars 2022 avec le remboursement anticipé de ladite créance. Cette mesure soutiendrait les entreprises et éviterait à court et moyen termes un éventuel engorgement au niveau de la médiation dans les tribunaux. Elle permettrait également d'établir une solidarité et une réponse envers une problématique financière sensible pour laquelle on sait à quel point les artisans et entrepreneurs du BTP ne viennent pas solliciter une quelconque aide, les menant, parfois, dans des situations dramatiques. Le carry back, qui n'est qu'un report et non une ligne budgétaire supplémentaire, viendrait montrer le soutien de l'État auprès du BTP, secteur économique majeur pour le pays. Par conséquent, elle souhaite connaître les dispositions que compte prendre le Gouvernement en faveur de cette proposition qui permettrait aux entreprises du BTP de surmonter la crise actuelle consécutive à la pénurie de matériaux, de main d'œuvre et de hausse des prix des matières premières.

Réponse émise le 15 février 2022

En application des dispositions de l'article 220 quinquies du code général des impôts (CGI), le déficit constaté par une entreprise soumise à l'impôt sur les sociétés peut, sur option et dans la limite d'un montant d'un million d'euros, être imputé sur la fraction du bénéfice de l'exercice précédent, qui n'a pas été distribuée, qui n'a pas fait l'objet d'une exonération et qui n'a pas donné lieu à un impôt payé au moyen de crédits d'impôt. Afin d'accompagner les entreprises dans le contexte actuel de crise sanitaire et économique, le Gouvernement a d'ores et déjà mis en place plusieurs assouplissements des règles encadrant le dispositif de report en arrière des déficits. Dès l'année 2020, le Gouvernement a proposé une mesure de soutien d'urgence afin que les entreprises puissent mobiliser leurs créances de report en arrière pour améliorer leur trésorerie. L'article 5 de la loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020 a ainsi instauré un dispositif temporaire de remboursement immédiat des créances nées du report en arrière des déficits. Ce dispositif a permis aux entreprises de demander, au plus tard à la date limite de dépôt de la déclaration de résultats de l'exercice clos au 31 décembre 2020, le remboursement immédiat du solde des créances constatées au titre des exercices 2015 à 2019 ainsi que des créances nées du report en arrière des déficits constatés au titre d'exercices clos en 2020. De plus, l'article 19 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 a étendu aux entreprises soumises à une procédure de conciliation ouverte en application de l'article L.611-4 et suivants du code de commerce le mécanisme de remboursement immédiat des créances de report en arrière des déficits qu'elles détiennent sur l'État, jusque là réservé aux entreprises faisant l'objet d'une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaires. Cette mesure, pérenne, permet aux entreprises en difficulté de mobiliser immédiatement leurs stocks de créances de report en arrière. En outre, afin d'accompagner la reprise de nos entreprises et de leur permettre de renforcer leurs capitaux propres, l'article 1er de la loi n° 2021-953 du 19 juillet 2021 de finances rectificative de 2021 a temporairement renforcé le dispositif de report en arrière des déficits en autorisant l'imputation, sans limitation de montant, du déficit constaté au titre du premier exercice déficitaire clos à compter du 30 juin 2020 et jusqu'au 30 juin 2021 sur la fraction, déterminée dans les conditions de droit commun, des bénéfices constatés au titre des trois exercices précédents. Ce dernier dispositif ne constitue pas une mesure de trésorerie. En effet, les dispositions de l'article 5 de la loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020 relatives au remboursement immédiat des créances de report en arrière ne s'appliquent pas à la créance constatée en application de l'article 1er de la première loi de finances rectificative pour 2021. Cette créance n'est donc utilisable que dans les conditions de droit commun. Le dispositif adopté dans le cadre de la première loi de finances rectificative pour 2021 vise à accélérer la reprise en permettant aux entreprises de rétablir rapidement leurs fonds propres. L'objectif de cet aménagement était de permettre aux entreprises profitables avant la crise de renforcer significativement leurs fonds propres, en accélérant la constatation de l'effet fiscal de leurs pertes, et en contribuant ainsi à assainir leur situation financière dès la sortie de crise. Enfin, outre les mesures déjà évoquées d'assouplissement du dispositif de report en arrière des déficits, les entreprises du secteur du BTP ont, comme d'autres, pu bénéficier des autres mécanismes d'aides tels que les dispositifs de prêts garantis par l'Etat ou de prêts bonifiés et avances remboursables. Dans ce contexte, le Gouvernement n'est pas favorable à l'adoption d'un nouveau dispositif de remboursement immédiat des créances de report en arrière des déficits, qui comporterait un coût particulièrement significatif pour le budget de l'État. En effet, un tel dispositif permettrait aux entreprises de demander le remboursement anticipé de la créance constatée en application de l'article 1er de la LFR pour 2021 qui, pour rappel, a conduit à déplafonner temporairement mais substantiellement le dispositif de report en arrière. D'une manière plus générale, les entreprises qui connaissent des difficultés de trésorerie ont la possibilité de mobiliser la créance de report en arrière de déficits nés durant la crise économique, et dont le montant aura été significativement augmenté par l'effet de l'article 1er de la loi de finances rectificative pour 2021, pour obtenir des crédits bancaires. En tout état de cause, le bénéfice d'un tel dispositif de remboursement anticipé ne pourrait, en droit comme en équité, être accordé qu'aux seules entreprises du secteur du BTP. Une telle mesure, qui présenterait un caractère sélectif, conduirait à une différence de traitement injustifiée de nature à mettre en cause sa robustesse sur le plan constitutionnel et au regard de la réglementation européenne des aides d'Etat. Ainsi, le Gouvernement, qui a donc déjà très largement assoupli les conditions d'application du mécanisme de report en arrière des déficits afin de permettre aux entreprises touchées par les conséquences de la crise sanitaire de bénéficier de ce dispositif, n'est à ce jour pas favorable à l'adoption d'un nouvel assouplissement du dispositif.

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