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Fabien Matras
Question N° 42651 au Ministère de l’économie


Question soumise le 23 novembre 2021

M. Fabien Matras attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la relance sur la nécessité de renforcer la fiabilité des appellations indiquant une fabrication française telles que le label « Made in France ». Il ressort d'un sondage Ifop de juillet 2018 que trois quarts des Français seraient prêts à payer plus cher pour acheter un produit fabriqué en France. Cette tendance s'est accentuée à la suite de l'épidémie de covid-19 et de la prise de conscience collective du besoin de retrouver une certaine indépendance nationale de l'industrie de production. Afin de disposer de la mention « Made in France », toutes les étapes de manufacture d'un produit ne doivent pas nécessairement avoir été effectuées exclusivement en France, mais une partie significative de la fabrication de ce produit doit tout de même avoir été réalisée au sein du pays. Il résulte toutefois de l'article 60 alinéa 2 du code des douanes de l'Union européenne qu'un produit peut également être porteur de cette mention lorsqu'il a subi en France sa dernière « transformation substantielle, économiquement justifiée, effectuée dans une entreprise équipée à cet effet et ayant abouti à la fabrication d'un produit nouveau ou correspondant à un stade de fabrication important ». L'article 34 du règlement délégué (UE) n° 2015/2446 de la Commission du 28 juillet 2015 précise lui que certaines opérations minimales, telles que la simple réunion de parties de produits en vue de constituer un produit complet, ne doivent jamais être considérées comme des transformations substantielles, économiquement justifiées, conférant l'origine. Ainsi, lorsqu'une marchandise est issue de matériaux provenant de plus d'un pays, le pays d'origine de cette marchandise est celui dont est originaire la majeure partie de ces matériaux, déterminée sur la base de la valeur économique. Les articles L. 441-1 et L. 511-11 du code de la consommation permettent ainsi aux agents de la Direction générale de la concurrence de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) de contrôler la véracité de toutes mentions, notamment le marquage d'origine, figurant sur l'étiquetage des marchandises commercialisées sur le territoire national. Pourtant, il est régulièrement constaté par les producteurs français que de nombreux produits réussissent à se maintenir sur le marché national avec la signalétique « Made in France » alors que leur processus de production se réalise quasi-exclusivement à l'étranger avec des matériaux importés de pays hors de l'Union européenne. Ainsi, il demande au Gouvernement si des mesures visant à mieux contrôler l'exploitation du label « Made in France » sont actuellement à l'étude afin d'assurer une protection plus adéquate des entreprises françaises ainsi qu'une meilleure garantie de fiabilité pour les consommateurs.

Réponse émise le 26 avril 2022

La mention « fabriqué en France » est un marquage d'origine destiné à valoriser un produit. Ce marquage de l'origine est facultatif (à l'exception des fruits et légumes, de l'huile d'olive, des produits de la pêche, de la viande et des produits cosmétiques sous certaines conditions). Une telle mention sert ainsi à mettre en avant l'origine nationale du produit et répond à la demande des consommateurs, de plus en plus sensibles à la question de la relocalisation de l'industrie française, notamment depuis la crise sanitaire. Un tel marquage, bien que facultatif, ne doit pas être trompeur. S'il l'est, le professionnel encourt les peines prévues aux articles L. 441-1 et L. 121-2 du code de la consommation. A cet égard, afin de permettre de mieux appréhender les pratiques commerciales trompeuses liées à une indication relative à l'origine d'un produit, l'article L. 121-2 du code de la consommation a récemment été modifié par la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021, dite « loi Climat ». Cet article contient désormais une référence explicite aux règles douanières, que rappelle l'auteur de la question. De fait, c'est l'absence de conformité à ces règles qui déterminera si la mention relative à l'origine est trompeuse. L'article 4 de la loi Climat a ainsi ajouté au b) du 2° de l'article L. 121-2, après le terme origine, les mots : « notamment au regard des règles justifiant l'apposition des mentions "fabriqué en France"ou"origine France" ou de toute mention, signe ou symbole équivalent, au sens du code des douanes de l'Union sur l'origine non préférentielles des produits ». Sur le fondement de ces dispositions du code de la consommation, des contrôles sont régulièrement effectués par la direction générale de la consommation, de la concurrence et de la répressions des fraudes (DGCCRF), relatifs au marquage de l'origine des produits, que ce soit pour les produits alimentaires, comme pour les produits non alimentaires (jouets, meubles, textiles…). Compte tenu de l'importance du secteur agroalimentaire, les contrôles portant sur l'origine sont pérennes et donnent lieu à des suites contentieuses. Ainsi, en 2019, un professionnel a été condamné pour francisation de champignons provenant de Pologne et de Belgique (amendes de 12 000 € pour tromperie et de 4 200 € pour défaut de traçabilité). En 2021, sur le MIN de Rungis, un grossiste a été poursuivi pour le même type de pratiques. Il vendait des champignons achetés en Pologne avec une référence directe à l'origine française de ses produits. L'ampleur supposée de cette fraude (jusqu'à trois camions complets de 38 tonnes par jour) a conduit les services de la CCRF à monter une opération de contrôle de grande envergure qui a permis d'apporter les preuves directes de la pratique de ré-étiquetage des colis provenant de Pologne. De même, en 2019, les pratiques de francisation de 15 000 tonnes de kiwis ont abouti à la condamnation de deux entreprises par le tribunal correctionnel de Valence. La première s'est vue infliger une amende de 40 000 € la seconde, 50 000 €. Les responsables de ces sociétés ont été sanctionnés par des amendes complémentaires d'un montant de 15 000 € dont 8 000 € avec sursis, pour l'un et de 20 000 € dont 10 000 € avec sursis, pour l'autre. Concernant les produits non alimentaires, dans certains secteurs, comme par exemple les cosmétiques. les allégations relatives à l'origine, sont régulièrement contrôlées. Toutefois, compte tenu de la montée en puissance du sujet « made in France », la DGCCRF a décidé, en octobre 2019, de lancer une vaste enquête nationale qui s'est achevée fin 2020. Cette enquête a été ciblée sur certains secteurs (horlogerie, bijouterie, meubles, textiles), mais elle a ensuite été élargie à certains produits liés à la crise sanitaires : masques et gels hydro-alcooliques. La mobilisation des services de la DGCCRF a été très importante : cette enquête a été menée dans 49 départements de 10 régions différentes et auprès de 686 établissements (y compris des sites de vente en ligne). Au total, 1316 actions de contrôle ont été effectuées donnant lieu à la mise en œuvre de 105 suites, dont 77 avertissements, 21 injonctions de mise en conformité, 2 procès-verbaux administratifs et 8 procès-verbaux pénaux pour pratique commerciale trompeuse sur l'origine des produits. Cette enquête s'est poursuivie en 2021. Ainsi, au 30 septembre 2021, 708 établissements ont été visités dont 115 ont révélé une anomalie. Ces contrôles ont, d'ores et déjà, donné lieu à 65 avertissements, 37 mesures de police administrative, 11 procès-verbaux pénaux et 3 procès-verbaux administratifs. Les secteurs concernés par cette enquête sont notamment le textile (dont habillement et linge de maison), l'ameublement, les produits cosmétiques, la lunetterie, les jouets et la bijouterie fantaisie. En outre, il faut mentionner l'action du service national d'enquête de la DGCCRF, qui a enquêté en 2021 sur un importateur de masques provenant de Chine. Ces masques étaient ensuite uniquement reconditionnés en France dans des boîtes présentant la mention « Made in France ». Il avait d'ailleurs réussi à convaincre un grossiste de lui passer une commande de 17 millions de masques fabriqués en France pour le compte de santé publique France. Cela permettait au professionnel de vendre les masques présentés comme étant de fabrication française, ce qui constituait un argument de vente et lui permettait de pratiquer des prix corrélés à cette origine trompeuse. Le bénéfice illicite issu de ces pratiques frauduleuses se chiffre à plusieurs millions d'euros. Une procédure pour pratique commerciale trompeuse est en cours. En outre, les masques ont été consignés. Comme précisé précédemment, la mention « made in France » est un marquage facultatif qui ne peut être apposé qu'à la condition de respecter les règles du code des douanes de l'Union. Pour vérifier la conformité à ces règles, les entreprises ont la possibilité de solliciter un avis de la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI), via la procédure IMF ou « information sur le made in France ». Il ne s'agit que d'un avis et non pas d'un label ou certificat attestant de la conformité de la pratique. En effet, il n'est pas possible, pour les pouvoirs publics, de créer une certification ou un label officiel de conformité à règles sur l'origine. Une telle initiative publique serait certainement considérée par la Commission européenne et la Cour de justice de l'Union européenne comme un obstacle non tarifaire aux échanges, susceptible de constituer un manquement aux règles de l'Union européenne en matière de commerce. En revanche, un tel logo vient d'être créé par un acteur privé, France Industrie. Cette organisation professionnelle a présenté ce nouveau logo lors du salon du Made In France Expo, le 11 novembre. Ce logo est disponible, en accès libre sur le site internet de France Industrie à condition d'accepter un règlement d'usage. Il pourra être apposé sur tous les produits fabriqués en France, conformes aux règles du code des douanes de l'Union européenne. Dans la mesure où ce logo est créé et financé par un acteur privé (France Industrie) et non par l'Etat, il est conforme au droit européen. Son utilisation pourra être contrôlée par la DGCCRF. Les signalements quant à un mauvais usage de ce logo pourront être déposés sur le site de la DGCCRF : Signal Conso (https://signal.conso.gouv.fr). L'action de la DGCCRF, conjuguée à celle du service des douanes, en matière de contrôle du « made in France » est donc de nature à assurer une protection adéquate des entreprises françaises et la confiance des consommateurs. Elle a d'ailleurs récemment participé, là encore en collaboration avec la direction des douanes, au salon du « Made in France » et organisé une conférence intitulée « l'Etat au service du made in France ». De nombreuses informations sur le « made in France » sont disponibles sur son site Internet, de même que sur celui de la DGDDI.

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