Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Hubert Julien-Laferrière
Question N° 42968 au Ministère de l’europe


Question soumise le 7 décembre 2021

M. Hubert Julien-Laferrière alerte M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur la situation de l'ancienne ministre Mme Reckya Madougou, prisonnière d'opinion depuis plus de 8 mois au Bénin. Voilà plusieurs mois que le pouvoir béninois enferme les opposants au président Patrice Talon. Après avoir vu sa candidature à l'élection présidentielle du 11 avril 2021 injustement refusée par la Cour constitutionnelle, Mme Reckya Madougou a été arrêtée et transférée à la brigade économique et financière de Cotonou où elle est accusée d’ « association de malfaiteurs et financement du terrorisme », une accusation qui ne repose que sur un seul témoignage. Outre ses conditions de détention humiliantes et indignes, un de ses avocats français, Mario Stasi, pointe un dossier vide qui ne peut conduire qu'à un non-lieu. Antoine Vey quant à lui y ajoute une mainmise du pouvoir sur tout le processus car, selon lui, si l'appareil judiciaire juge ce dossier selon des standards conformes aux engagements internationaux du Bénin, Reckya Madougou devrait être innocentée et libérée. Malheureusement, la situation de Reckya Madougou n'est pas une situation isolée et plusieurs dizaines d'opposants politiques à M. Patrice Talon se sont fait arrêter dans la foulée du scrutin présidentiel du 11 avril 2021, à l'instar du professeur Joël Aïvo. D'autres sont aujourd'hui en exil en France, comme le juge Batamoussi, en charge du dossier de l'opposante béninoise à la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (CRIET). Des associations comme Amnesty international, Freedom house, le groupe de réflexion ouest-africain Afrikajom center ont dénoncé la détérioration des droits humains au Bénin, pays autrefois réputé pour ses valeurs démocratiques. Dans son rapport de 2020 sur la démocratie dans le monde, l'Economist intelligence unit pointait les reculs que connaît le pays depuis plusieurs années en matière de respect des droits humains. Depuis le 14 octobre 2021, le Bénin a rejoint le Conseil des droits de l'homme des Nations unies, mais le Conseil d'État français l'exclut de la liste des pays dits « sûrs ». Le pays se retrouve donc dans une situation particulière avec une centaine d'opposants politiques détenus dans des conditions indignes dans ses prisons. À la suite de l'élection, Amnesty International appelait « les autorités à saisir cette opportunité pour mettre fin au harcèlement judiciaire de certains militants et journalistes et à garantir à la vingtaine au moins de militants et de membres de l'opposition, arrêtés dans le contexte de l'élection présidentielle d'avril 2021, leur droit à un procès juste et équitable, à recevoir des visites de leurs familles à intervalles réguliers et à avoir accès confidentiel à des avocats ». Les accusations de terrorisme qui visent Mme Reckya Madougou servent simplement à réduire à son plus strict minimum la liberté d'expression au Bénin. Dans ce cadre, il lui demande quelle est la position de la France au regard de cette situation et si le pays ne peut pas faire entendre sa voix pour que le Bénin puisse mettre en place un traitement équitable de ses prisonniers politiques et ainsi rester l'État démocratique qu'il est depuis de nombreuses années.

Réponse émise le 1er mars 2022

À l'approche de l'élection présidentielle béninoise, l'Union européenne (UE) avait appelé « l'ensemble des acteurs politiques, institutionnels et de la société civile, à privilégier le dialogue, à rejeter toute violence et à respecter les règles de droit et les libertés fondamentales. » Elle réaffirmait « à cet égard, son attachement au droit à un procès équitable pour tous les justiciables. » La France, en tant qu'État membre de l'UE, a souscrit pleinement à ce message. Nous avons appris avec préoccupation la condamnation de Mme Reckya Madougou, ainsi que celle du professeur Joël Aïvo, par la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme, respectivement à vingt ans et à dix ans de réclusion (7 et 10 décembre 2021). Mme Reckya Madougou et M. Joël Aïvo, qui avaient tenté de se présenter à l'élection présidentielle, avaient été arrêtés en mars et en avril 2021. Nos préoccupations sur le sort de M. Joël Aïvo et Mme Reckya Madougou ont été portées à la connaissance des autorités béninoises, notamment lors de la visite du président Talon en France, au mois de novembre 2021. La France est pleinement attachée au principe d'indépendance de la justice, mais également au droit de toute personne à être jugée équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable. Au-delà du cas de ces deux personnalités, la France encourage les autorités béninoises à favoriser le dialogue afin de rétablir un climat apaisé, y compris par la libération des personnes incarcérées au cours du processus électoral. Nous continuons de suivre la situation de près, en lien avec nos partenaires, notamment européens.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.