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Sophie Beaudouin-Hubiere
Question N° 42999 au Ministère de l’agriculture


Question soumise le 14 décembre 2021

Mme Sophie Beaudouin-Hubiere attire l'attention de Mme la ministre de la transition écologique sur la hausse du coût des engrais azotés. En effet, le prix des engrais azotés a été multiplié par trois depuis le mois d'octobre 2021, ce qui entraîne un surcoût de l'ordre de 300 euros par hectare. Cette situation risque d'avoir des conséquences dramatiques sur la production agricole et alimentaire, tant au niveau national qu'au niveau mondial, aussi bien sur les rendements que sur les assolements. Il convient donc que les mesures temporaires de soutien direct à l'industrie des engrais soient mises en œuvre (prix du gaz plafonné pour ce secteur, comme c'est le cas pour les particuliers, prix des engrais soutenu par l'État). En dernier ressort, les agriculteurs les plus exposés pourraient bénéficier de soutiens directs, avec des chèques engrais, par exemple. Il convient aussi de s'attaquer à cette question sur le long terme, en mettant en place des mesures de développement de la production nationale d'engrais et en favorisant l'autonomie des exploitations. Elle lui demande ses intentions à ce sujet.

Réponse émise le 15 février 2022

La reprise économique mondiale entamée fin 2020, permise par la fin des mesures sanitaires restrictives de la crise du covid-19 dans la plupart des pays, se traduit par une forte demande et une hausse des prix mondiaux de l'ensemble des matières premières et notamment de l'énergie. Les prix des engrais azotés ont augmenté dès le premier semestre 2021, mais cette hausse s'est fortement accélérée à partir de l'été, de près d'un facteur trois entre janvier et novembre 2021. L'augmentation initiale est liée à la reprise économique mondiale, qui se manifeste notamment par une très forte demande en engrais en Chine et en Inde, mais aussi chez tous les autres grands producteurs agricoles en Europe ou en Amérique. L'accélération de la hausse à l'été 2021 est liée à la flambée des prix du gaz naturel à cette époque. Le coût de production des engrais azotés minéraux est directement lié au coût du gaz : le prix du méthane représente environ 70 % du prix de ces engrais. La France est importatrice d'engrais azotés : les besoins nationaux en engrais azotés d'origine minérale sont couverts à hauteur de 33 % par la production française et de 29 % par des pays de l'Union européenne (UE) (Belgique, Pays Bas, Roumanie, Pologne). Les 38 % restant proviennent de pays tiers, principalement la Russie, les États-Unis, l'Égypte, l'Algérie et Trinité-et-Tobago, surtout sous forme d'urée et de solutions azotées. Avec la disparition de plusieurs usines en France depuis 2007, la dépendance aux importations des pays tiers a plus que doublé en 15 ans. Tous les fabricants d'engrais européens dépendent des importations de gaz, dont l'UE est très déficitaire. Face à la hausse des prix du gaz et au ralentissement de la demande due aux niveaux de prix élevés, ces fabricants ont ralenti leur production, certaines usines ont même été arrêtées dans certains pays voisins, ce qui contribue à la diminution de l'offre et à la hausse des prix. La hausse des prix entraîne une position d'attentisme des agriculteurs sur leurs achats d'engrais d'automne. Les besoins pour les apports d'engrais à réaliser au premier semestre 2022 ne seraient couverts qu'à 60 % contre une moyenne de 80 % à habituellement à cette époque de l'année. Le risque de pénurie n'est pas avéré actuellement mais pourrait devenir prégnant si l'attentisme se prolongeait début 2022. En effet, le marché des engrais azotés fonctionne en flux tendu avec des stocks faibles du fait de la dangerosité de ces produits. La forte hausse du prix des engrais a des conséquences directes sur les coûts de production des agriculteurs et plus particulièrement les producteurs des cultures fortement consommatrices d'engrais azotés comme les céréales ou le colza. Toutefois, la hausse générale du prix des matières premières et de la demande alimentaire mondiale se traduit aussi par une hausse des prix de céréales et des oléagineux qui ont atteint des records historiques. Cette hausse amoindrit donc l'effet négatif de l'augmentation des charges en engrais, mais ne permet pas aux producteurs de grandes cultures de profiter de l'embellie des prix des produits agricoles après plusieurs années de cours relativement bas. Le ministre de l'agriculture et de l'alimentation est fortement mobilisé pour trouver des solutions en concertation avec les organisations professionnelles agricoles et celles du secteur des engrais. Deux réunions avec l'ensemble de ces organisations ont été organisées les 3 et 26 novembre 2021 pour étudier tous les leviers mobilisables. Les moyens d'action sur le prix du gaz, fixés par la conjoncture mondiale et certains facteurs géopolitiques, sont quasi inexistants. Les importations d'engrais azotés dans l'UE sont frappées de droits de douanes ad valorem à hauteur de 6,5 % et, depuis 2019, de droits antidumping fixes pour les importations en provenance de Russie, des États-Unis et de Trinité-et-Tobago, qui se situent entre 20 et 40 euros par tonne selon les origines. Même si ces montants sont nettement inférieurs à l'ampleur de la hausse actuelle du prix des engrais, la suspension temporaire de ces droits pourrait détendre partiellement le marché et favoriser l'approvisionnement des agriculteurs. Aussi le ministre de l'agriculture et de l'alimentation, avec d'autres ministres européens, a porté une demande auprès de la Commission européenne, lors du conseil agricole du 11 novembre 2021, pour étudier la question de ces tarifs douaniers. La Commission étudie l'opportunité de lancer une enquête pour déterminer l'impact de ces droits. Sur la question de l'organisation des livraisons début 2022, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation a confié à Intercéréales, l'interprofession reconnue de la filière céréalière, la mission de rassembler auprès de tous les acteurs toutes les informations sur la localisation fine des disponibilités et de la demande et sur le calendrier prévisible des flux. Le sujet est, par ailleurs partagé, avec le ministre délégué chargé des transports, pour étudier les mesures réglementaires qui pourraient être prises temporairement pour faciliter les flux de livraisons d'engrais. À plus long terme des réflexions sont engagées pour augmenter la résilience de l'agriculture française. En premier lieu, l'amélioration de la fertilisation azotée passe par des leviers agronomiques comme l'optimisation des apports par le développement des outils d'aide à la décision ou les équipements pour l'agriculture de précision ou encore par la sélection de variétés moins demandeuses d'azote. La substitution des engrais minéraux par des engrais organiques, dont l'offre nationale est abondante, permet aussi de réduire la dépendance française. L'État a d'ailleurs soutenu les investissements dans du matériel d'épandage de précision, dans les exploitations agricoles avec le volet agricole du plan France Relance. Enfin des recherches, et des expérimentations sont en cours sur la modification des procédés industriels de fabrication des engrais en vue de remplacer le gaz naturel par l'hydrogène et moins dépendre des importations. L'État s'est résolument engagé dans cette direction avec l'objectif de devenir un des leaders de la production d'hydrogène vert inscrit dans le plan France 2030.

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