Mme Emmanuelle Ménard attire l'attention de M. le Premier ministre sur la décoration de la légion d'honneur reçue par M. Patrick Titiun. Le 21 juin 2021, la Cour européenne des droits de l'Homme, faisant suite au scandale provoqué par l'acceptation d'un doctorat honoris causa de l'université d'Istanbul par le président de la cour en septembre 2020, a adopté une nouvelle version de sa « Résolution sur l'éthique judiciaire » afin de répondre aux problèmes déontologiques en son sein. Parmi les nouvelles règles adoptées figure, pour les magistrats, l'interdiction d'accepter toute « décoration ou distinction pendant l'exercice de leurs fonctions de juge de la Cour ». Le 13 octobre 2021, M. le Président de la République a rappelé, lors d'un entretien avec M. Robert Spano, le soutien indéfectible de la France à la Cour européenne des droits de l'homme. À cette occasion, M. Patrick Titiun, chef de cabinet du président de la Cour européenne, a accepté de recevoir les insignes d'officier de la légion d'honneur. L'acceptation d'une telle décoration pose problème, compte tenu de la responsabilité considérable du chef de cabinet du président de la Cour européenne sur le fonctionnement de celle-ci, s'agissant en particulier de la gestion des affaires les plus politiques. C'est en effet le chef de cabinet du président de la CEDH qui est le véritable pilote de la direction politique de la Cour. Il a également été fait état d'une rencontre privée entre M. le Président de la République et M. Patrick Titiun peu avant l'élection présidentielle de 2017. Or, si celle-ci était confirmée, elle serait particulièrement équivoque, une telle entrevue n'étant pas dans les pratiques habituelles de la Cour. En effet et selon le principe accepté de réciprocité, il semblerait peu probable que la France considère comme acceptable que M. Titiun fréquente les présidents turc, azeri ou albanais et qu'il reçoive de leurs mains de hautes décorations. Elle lui demande donc quel service M. Titiun a rendu au Gouvernement dans l'exercice de sa fonction à la CEDH pour mériter une telle décoration et souhaite des précisions pour savoir si un tel entretien entre M. Titiun et l'actuel Président de la République française a effectivement eu lieu et quel en a été l'objet.
Les mérites de M Titiun ont été reconnus depuis longtemps puisque avant d'être promu au grade d'officier de la légion d'honneur par décret du 13 juillet 2021, il avait été fait chevalier de la Légion d'honneur par un décret du 31 décembre 2006. Ces décorations sont venues récompenser le parcours exemplaire d'un haut fonctionnaire au service des valeurs de l'Etat de droit, de la démocratie et des droits de l'homme que promeut la France comme le Conseil de l'Europe. Magistrat de l'ordre judiciaire à l'origine, M. Titiun a mis, à partir de 1994, son expertise juridique au service du Conseil de l'Europe, au sein duquel il a œuvré en tant que conseiller de programme d'assistance et de coopération avec les pays d'Europe centrale et orientale, puis conseiller juridique à la Direction Générale des Affaires Juridiques du Conseil de l'Europe et Chef du Bureau des Traités du Conseil de l'Europe. Il exerce les fonctions de chef de cabinet du Président de la Cour européenne des droits de l'homme depuis 2007 et a ainsi travaillé avec tous les Présidents de Cour depuis (Jean-Paul Costa, Sir Nicolas Bratza, Dean Spielmann, Guido Raimondi, Linos-Alexandre Sicilianos puis Robert Spano depuis mai 2020). En tant que chef de cabinet, M. Titiun n'exerce aucun rôle de nature juridictionnelle et n'est aucunement soumis à l'impossibilité d'accepter toute décoration ou distinction qui s'applique aux juges de la Cour pendant l'exercice de leurs fonctions, conformément à la résolution sur l'éthique judiciaire adoptée le 21 juin 2021. Quant au pilotage de la direction politique de la Cour, elle est assurée par le Président de la Cour lui-même assisté de ses deux vice-présidents. M. Titiun a un rôle moins politique et n'est pas en charge du fonctionnement de la Cour, qui relève du Greffe. Il a notamment à gérer l'agenda du Président et l'organisation des visites officielles à la Cour, jouant un rôle important dans la diffusion des valeurs et principes que défend la Cour. M. Titiun a aussi particulièrement œuvré pour le renforcement des relations entre les Hautes juridictions françaises et la Cour européenne des droits de l'homme conformément au principe de subsidiarité qui vient d'être consacré par l'entrée en vigueur du Protocole 15, et a toujours agi en faveur de l'usage de la langue française eu sein de la Cour. La remise des insignes d'officier de la légion d'honneur est ainsi venue souligner la cohérence et l'exemplarité du parcours de M. Titiun au sein des institutions du Conseil de l'Europe ainsi que son dévouement et son engagement au service de l'Europe et des idéaux qu'elle porte. D'autres hauts fonctionnaires du Conseil de l'Europe ont vu leurs mérites récompensés par la légion d'honneur.
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