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Mme Mathilde Panot interroge M. le ministre de l'intérieur sur l'état préoccupant des libertés associatives en France. À la suite de la publication de « l'enquête sur la répression des associations dans le cadre de la lutte contre l'islamisme » menée par l'Observatoire des libertés associatives,elle souhaite lui faire part de sa profonde inquiétude concernant l'état des libertés associatives. Le monde associatif connaît depuis 2017 et l'élection d'Emmanuel Macron une double crise. Il s'agit tout d'abord d'une crise financière : en octobre 2020, l'Observatoire des libertés associatives rendait un rapport dénonçant la précarisation des associations, avec la baisse des subventions aux associations de 1,7 % par an sur 10 ans, ou la suppression de 250 000 emplois aidés. Il s'agit ensuite d'une crise des libertés associatives . En effet , depuis le milieu des années 2010, on assiste à une intensification des entraves ou des attaques contre les actions associatives de la part de l'administration française ; et depuis deux ans, on note une accélération de ce phénomène. L'Observatoire des libertés associatives montre qu'une grande diversité d'associations sont menacées, qu'il s'agisse d'associations œuvrant dans les domaines du sport, de l'éducation populaire, de l'action sociale, de défense des locataires, de défense de l'environnement et celles défendant les droits des musulmans. Ces dernières font l'objet d'une répression telle de la part de l'administration française que l'Observatoire des libertés associatives parle, à ce propos, d'une véritable « chasse aux sorcières ». En effet, l'Observatoire fait état d'une vingtaine de cas d'entraves injustifiées depuis 2016, toutes en l'absence de bases juridiques sérieuses. L'intensification de la répression trouve comme justification idéologique la thèse d'un continuum répressif : on fait le lien entre défense des droits des musulmans et terrorisme. N'importe quelle association musulmane devient « présumée suspecte ». La loi confortant le respect des principes de la Républiques (loi dite « séparatisme »), promulguée en 2020, accentue encore plus les risques d'entraves sur les associations. La liste des motifs de dissolution des associations a été complétée, laissant une large marge de manœuvre au Gouvernement. Le « contrat d'engagement républicain » n'est pas sans poser de questions. Le décret sur ce contrat, publié le 1er janvier 2022 au Journal officiel, est une « déflagration silencieuse » dans le monde associatif. Ce contrat pourrait être l'instrument d'une mise au pas des associations, en octroyant un pouvoir discrétionnaire considérable à l'administration. La sanction est immédiate et non suspensive, en permettant la suspension des subventions publiques à une association considérée comme « non républicaine ». C'est la généralisation du contrôle de tous contre tous, car sont non seulement concernés les salariés mais aussi les bénévoles de l'association. Mme la députée se permet également d'interpeller M. le ministre quant à l'inefficacité de cette mesure. En effet, le contrat d'engagement républicain manque sa cible : les associations qui souhaiteraient réellement faire sécession de la république ne vont pas demander de subventions à l'État. Mme la députée rappelle qu'une association peut déjà être dissoute par la justice lorsqu'elle est fondée sur une cause ou en vue d'un objet illicite, contraire aux lois. Ce contrat va impacter toutes les associations faisant des demandes de subventions publiques. Pour paraphraser David Dufresne, on a à faire à un « monde associatif qui se tient sage ». Ainsi, plusieurs associations de défense de droit de l'environnement (dont Greenpeace, Les Amis de la Terre et France Nature Environnement) craignent de moins peser sur les politiques environnementales. Elles y voient une menace pour leur participation aux instances consultatives, leur capacité à agir en justice, mais aussi leur liberté d'action. En effet, certaines mobilisent des modes d'action incluant la désobéissance civile, la participation à des zones à défendre (ZAD) ou l'intrusion dans des zones sécurisées et s'estiment particulièrement exposées à des risques de sanctions. Avec l'entrée en application des différentes dispositions de la loi confortant le respect des principes de la Républiques, les entraves et la répression contre les associations risquent de s'accentuer, laissant crainte une véritable mise au pas du monde associatif. Cette logique de répression tous azimuts est dangereuse et contreproductive. Elle est dangereuse pour les libertés publiques et pour notre démocratie ; elle est contreproductive parce qu'elle risque de marginaliser certaines associations et de les faire disparaître. Elle lui demande de cesser cette politique fondée sur la répression et l'entrave du monde associatif et d'abroger les dispositions sur le contrat d'engagement républicain et l'extension des motifs de dissolution administrative présentes dans la loi confortant les principes de la République.
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