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Éric Alauzet
Question N° 4434 au Ministère de l’économie


Question soumise le 9 janvier 2018

M. Éric Alauzet rappelle à M. le ministre de l'économie et des finances que le PLF 2018 affecte les acteurs de la finance solidaire au risque de ralentir considérablement la croissance de ce secteur dynamique et socialement utile. La finance solidaire s'est considérablement développée au cours des dernières années. Dans un contexte économique et financier agité, la croissance du secteur est frappante : en 10 ans, le volume des encours d'épargne solidaire a été multiplié par 8 et le nombre d'épargnants par 3. En 2016, la finance solidaire engrangeait encore 1,3 milliard d'euros pour atteindre un total de 10 milliards d'euros d'encours, soit 0,21 % du patrimoine financier des ménages. Sur cette même année, la finance solidaire aurait permis la création de 49 000 emplois, 5 500 relogements, et le passage de 20 000 foyers à l'électricité renouvelable. La santé du secteur reflète la volonté des français de concilier développement économique et bien-être socio-environnemental. Produit d'une prise de conscience responsable et citoyenne, le développement de la finance solidaire porte l'action sociale et environnementale essentielle à l'avènement d'une France moderne. Il complète et, parfois, relaie l'aide de l'État au bénéfice des citoyens les plus vulnérables. Conscient du potentiel du secteur, le Président Emmanuel Macron avait fait de son développement un des objectifs de son programme : « Demain, nous développerons de nouvelles synergies entre trois acteurs dynamiques : les philanthropes qui donnent pour soutenir l'intérêt général ; les acteurs de l'ESS qui entreprennent au service du bien commun, et les fonds qui investissent dans des entreprises soucieuses de leur impact global ». Pourtant, en supprimant l'ISF, afin de redynamiser l'investissement dans les entreprises françaises, le Gouvernement a aussi ôté à la finance solidaire un des leviers qui a activement favorisé son développement. En effet, les entreprises solidaires d'utilité sociale (ESUS) bénéficiaient du dispositif d'ISF-PME par lequel leurs actionnaires pouvaient imputer sur leur ISF 50 % du montant des souscriptions réalisées au capital de l'ESUS. De plus, les titres détenus au capital des entreprises solidaires exerçant une activité immobilière sont imposables à l'IFI. Ainsi, les foncières du logement social (Habitat et Humanisme, SOLIFAP, Caritas Habitat) sont les premières touchées par la réforme. Elles pourraient voir les investissements décroître ou ralentir limitant alors la capacité de ces acteurs à se financer. La réduction du volume des fonds propres entraînera un ralentissement de l'investissement de ces acteurs. Ce problème a été souligné par M. le député et plusieurs de ses collègues lors des discussions du projet de loi de finances pour 2018. Le ministre de l'économie et des finances avait alors affirmé sa volonté d'y trouver une solution appropriée. Cependant, alors que le collectif budgétaire est terminé, les acteurs de la finance solidaire restent dans l'incertitude. Le report de l'avantage accordé aux ESUS de l'ISF à l'IFI demandé par les acteurs du secteur n'a pas été acté et aucune autre mesure de soutien n'est venue remplacer cette spécificité dont le coût pour l'État était d'environ 10 millions d'euros par an. Il souhaiterait connaître les mesures qui vont être prises pour soutenir les acteurs de la finance solidaire, conformément à l'engagement du Président de la République, et les échéances selon lesquelles elles seront prises. Plus particulièrement, il lui demande de prendre en compte la situation des foncières du logement social qui sont les plus touchées par les réformes du projet de loi de finances et dont le ralentissement de l'action pourrait avoir un impact social significatif. Si l'objectif de la suppression de l'ISF et de l'instauration de l'IFI devait être neutre fiscalement, ce n'est pas cas pour ce secteur qui sort affaibli de cette réforme.

Réponse émise le 29 septembre 2020

L'article 31 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 a supprimé l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et instauré un nouvel impôt sur la fortune immobilière (IFI), dont l'assiette est limitée aux biens et droits immobiliers. Dès lors que le patrimoine financier, particulièrement les parts des petites et moyennes entreprises (PME), n'est pas inclus dans l'assiette de ce nouvel impôt, les avantages fiscaux réservés en matière d'ISF à la souscription au capital de PME, en particulier la réduction « ISF-PME », perdent leur objet. Cela étant, la doctrine admet que soient exclues de l'assiette de l'IFI les parts ou actions reçues en contrepartie de souscriptions au capital d'entreprises solidaires d'utilité sociale, au sens de l'article L. 3332-17-1 du code du travail, et qui sont agréées comme telles par l'autorité administrative (BOI PAT IFI 20-20-20-20 §250). L'essentiel du secteur des entreprises solidaires exerçant une activité immobilière continue ainsi à bénéficier de la même tolérance que lorsque l'ISF était en vigueur. En outre, la suppression de l'ISF doit conduire à libérer, pour les anciens redevables de celui-ci, des capacités de financement nouvelles qui ont vocation à être investies dans l'économie, notamment dans l'économie sociale et solidaire. Par ailleurs, la réduction d'impôt sur le revenu en faveur de la souscription au capital des PME, dite réduction « Madelin », demeure applicable. Les anciens redevables de l'ISF qui bénéficiaient de la réduction « ISF-PME » peuvent donc amenés à se reporter sur ce dispositif. Pour accompagner ce report, le Parlement a décidé, lors de l'examen des lois de finances pour 2018 puis pour 2019, de porter de 18 à 25 % le taux de la réduction « Madelin », à titre temporaire pour les versements réalisés jusqu'au 31 décembre 2020 en vertu de l'article 199 terdecies-0 A du code général des impôts (CGI), modifié par l'article 137 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020. Dès lors que ce dispositif constitue une aide d'État au sens du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, l'augmentation du taux de la réduction d'impôt était subordonnée à l'autorisation de la Commission européenne, laquelle est intervenue le 26 juin 2020. Ainsi, en application de l'article 2 du décret n° 2020-1014 du 7 août 2020 fixant la date d'entrée en vigueur de certaines dispositions relatives à la réduction d'impôt pour souscription en numéraire au capital des petites et moyennes entreprises, l'augmentation du taux de la réduction d'impôt s'applique aux versements effectués à compter du 10 août 2020. Aux termes de l'article 199 terdecies-0 AA du CGI, les entreprises solidaires d'utilité sociale (ESUS) bénéficieront, au même titre que les autres PME, de cette hausse de l'avantage fiscal. Ainsi, les souscriptions en numéraire au capital d'ESUS exerçant une activité financière ou immobilière sont, contrairement aux autres PME, éligibles à l'avantage fiscal, sous réserve, pour les activités immobilières, qu'elles aient effectivement une vocation sociale, ainsi que l'a souhaité le Parlement en adoptant l'article 75 de la loi du 30 décembre 2017 de finances pour 2018. Par ailleurs, l'article 157 de la loi de finances pour 2020 a instauré, à compter du 1er janvier 2020, une nouvelle réduction d'impôt pour les investissements réalisés dans les foncières solidaires. Cette nouvelle réduction d'impôt est codifiée à l'article 199 terdecies-0 AB du CGI. Partant, les réformes fiscales réalisées par le Gouvernement ont créé, avec la suppression de l'ISF et l'institution d'un prélèvement forfaitaire unique sur les revenus mobiliers, un contexte favorable à l'investissement des ménages, sans remettre en cause les avantages spécifiques dont bénéficient à cet égard les entreprises solidaires.

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