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Mme Mathilde Panot interroge Mme la ministre de la transition écologique au sujet des émissions préoccupantes de particules de dioxines produites par l'incinérateur de déchets « Ivry - Paris XIII » géré par le Syctom (Syndicat mixte central de traitement des ordures ménagères) et exploité par Suez. En 2021, le collectif 3R a mandaté les chercheurs de la fondation ToxicoWatch pour détecter la présence de dioxines autour de l'incinérateur d'Ivry-Paris XIII, qui traite jusqu'à 700 000 tonnes d'ordures ménagères par an dans l'un des endroits les plus densément peuplés et pollués d'Île-de-France. Les habitants d'Ivry-sur-Seine, Charenton-le-Pont et Gentilly sont quatre à cinq fois plus exposés à ce que l'Observatoire régional de la santé nomme « point noir environnemental » (exposition à plus de trois pollutions et nuisances combinée à une forte proportion de ménages aux revenus modestes). Leur rapport révèle sur ces territoires des concentrations de dioxines parmi les plus élevées des études de biosurveillance menées près des incinérateurs d'Europe par ToxicoWatch. Les dioxines font partie des polluants organiques persistants, sont toxiques même à des doses infimes (ce sont notamment des perturbateurs endocriniens) et contaminent l'environnement durant plusieurs décennies en s'accumulant dans la chaîne alimentaire, selon l'OMS. Les études de ToxicoWatch ont été réalisées à partir d'œufs de poules élevées en plein air, des arbres (résineux, oliviers) et des mousses dans les communes d'Ivry-sur-Seine, Alfortville, Charenton-le-Pont et Paris. Les taux de dioxines présents dans les œufs dépassent pour la plupart les valeurs limites réglementaires européennes ; sur certains œufs, ce dépassement est dix fois supérieur aux limites. « S'ils avaient été produits pour être mis sur le marché européen, ils devraient en être retirés », indique Abel Arkenbout, auteur de l'étude. Son alerte est confirmée par l'ARS, qui préconise dans son communiqué de presse du 12 février 2022 de ne pas consommer les œufs et produits animaux de ce territoire. Des travaux scientifiques récents indiquent que ces émissions de dioxines seraient fortement émises lors des phases d'arrêt et de redémarrage des incinérateurs. Or selon le collectif 3R, les incidents sérieux ne sont pas rares sur l'incinérateur d'Ivry-Paris XIII, construit en 1969 et actuellement en cours de reconstruction. Le communiqué de presse du Syctom en date du 7 février 2022 écarte les résultats de l'étude ToxicoWatch, en présentant ceux effectués dans le cadre de la réglementation, indiquant que les rejets de dioxines sont « très inférieurs » aux limites réglementaires, qu'il s'agisse de données recueillies sur les cheminées ou dans l'axe des vents dominants. Mme la députée, ainsi que les membres du collectif 3R, ne sont toutefois pas convaincus par ces arguments. Tout d'abord, la méthodologie retenue par le Syctom pourrait conduire à minorer les résultats de ces taux de prélèvements, entraînant un biais dans les résultats produits. En effet, les données recueillies se basent sur la direction et la vitesse moyenne des vents, soit les vents dits dominants. Or « en très peu de temps, quelques heures ou même quelques minutes, des nuages de poussière extrêmement polluées, chargées de POP [particules organiques persistantes] peuvent être émis, dans n'importe laquelle des directions du vent à ce moment-là » (rapport de Toxicowatch). Les relevés les plus problématiques de l'étude concernent des zones situées à moins d'un kilomètre de l'usine, hors couloirs de vents dominants. Des évènements très polluants auraient pu ainsi passer sous le radar de l'autosurveillance du Syctom. Mme la députée demande à Mme la ministre de contribuer à la transparence et à la saine évaluation réciproque des méthodes scientifiques employées, en enjoignant au Syctom de rendre publiques les données brutes (et non pas celles déjà traitées) ainsi que le déroulé détaillé de la méthodologie retenue, dans un souci d'accès à l'information des citoyens et de protection de leur santé. Cette demande est d'autant plus justifiée que l'ARS demande également des expertises complémentaires et un état des lieux global sur la situation locale et régionale. Mme la députée prie également Mme la ministre de bien vouloir communiquer les données de santé concernant les incidences de cancers et les données concernant des problèmes liés aux grossesses et aux naissances pour les territoires d'Ivry-sur-Seine et de Charenton-le-Pont, ainsi que pour l'ensemble du Val-de-Marne. C'est toujours dans cet objectif de transparence et de saine émulation scientifique que Mme la députée souhaite enfin interpeller Mme la ministre quant à la création d'un « Institut écocitoyen sur les pollutions du Val-de-Marne », sur le même modèle que l'Institut écocitoyen pour la connaissance des pollutions de Fos-sur-mer. Cet institut a pu démontrer que les populations habitant près des zones industrielles de Fos sont surexposées aux particules ultrafines et à de multiples composés chimiques, débouchant sur une surprévalence de certaines pathologies. La création d'un tel institut écocitoyen serait bénéfique aussi dans le Val-de-Marne, pour exercer un regard critique sur les enjeux de santé publique particulièrement approprié étant donnée la situation actuelle. Elle lui demande ses intentions à ce sujet.
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