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Sophie Beaudouin-Hubiere
Question N° 44521 au Secrétariat d'état à la biodiversité


Question soumise le 1er mars 2022

Mme Sophie Beaudouin-Hubiere appelle l'attention de Mme la secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité, sur l'impact des cormorans sur les poissons en Haute-Vienne. Avec son réseau important de plans d'eau et de cours d'eau, la Haute-Vienne est particulièrement impactée par les cormorans. Les pêcheurs observent en effet que les efforts d'empoissonnement consentis (+ 120 000 poissons en 2021) sont fortement compromis à cause de ces oiseaux. Au niveau national, le grand cormoran fait partie des espèces d'oiseaux protégés par l'arrêté du 29 octobre 2009 fixant la liste des oiseaux protégés sur l'ensemble du territoire et les modalités de leur protection. Néanmoins, l'article L. 411-2 4° du code de l'environnement prévoit des possibilités de dérogation, permettant notamment la régulation, à condition de maintenir l'espèce dans un état de conservation favorable. Or sur le terrain, force est de constater que leur population est à la hausse. La régulation dans le respect des quotas alloués est aujourd'hui la seule réponse pour limiter la population présente et les récents rendus de justice concernant l'annulation des autorisations préfectorales dans certains départements interpellent. Elle appelle donc son attention sur l'impérieuse nécessité d'être attentive à la gestion de ce dossier à l'échelle nationale.

Réponse émise le 12 avril 2022

Le Grand Cormoran a effectivement un statut d'espèce protégée : au-delà de la protection nationale, il bénéficie au niveau européen du régime général de la protection de toutes les espèces d'oiseaux visées à l'article 1er de la Directive 2009/147/CE du 30 novembre 2009 relative à la conservation des oiseaux sauvages. En tant qu'oiseau piscivore, sa prédation sur les poissons est un phénomène naturel. Toutefois, afin de contrôler l'impact du Grand Cormoran, d'une part, sur les piscicultures en étang et, d'autre part, sur les espèces de poissons protégées dans les cours d'eau et plans d'eau un système dérogatoire à la protection stricte permet de mener sous conditions des opérations de destruction. Les dérogations correspondantes ne visent pas à autoriser la régulation de l'espèce mais la destruction d'individus pour réduire la prédation dans des zones déterminées. L'arrêté ministériel cadre du 26 novembre 2010 fixe ainsi les conditions et limites dans lesquelles les dérogations pour des destructions peuvent être accordées. Il est complété par un arrêté pris tous les 3 ans, qui fixe les quotas départementaux dans les limites desquelles les dérogations peuvent être accordées. L'arrêté en vigueur pour la période 2019-2022 est celui du 27 août 2019. Il est lui-même décliné en arrêtés départementaux annuels ou triennaux qui doivent définir les personnes habilitées, les périodes et les zones de tir autorisées. Chaque année, sur l'ensemble du territoire métropolitain, le nombre d'oiseaux autorisé à la destruction en application de l'arrêté ministériel du 27 août 2019 est de 50 283 individus, pour une population d'oiseaux hivernants estimée en janvier 2021 à 115 000 Grands Cormorans présents en moyenne. En Haute-Vienne, annuellement, est autorisée la destruction de 500 individus, répartis entre 400 oiseaux pour la protection des piscicultures et 100 pour la protection des espèces de poissons protégées dans les cours d'eau et plans d'eau. Au regard de la population d'oiseaux hivernants sur le département, le nombre d'oiseaux pouvant être abattus représente plus de 83 % des effectifs estimés. En effet, le dernier recensement de Grands Cormorans hivernants, réalisé en janvier 2021, fait état d'un chiffre de 600 oiseaux présents. La population est en hausse en Haute-Vienne depuis le précédent recensement de 2018, qui avait comptabilisé en moyenne 443 oiseaux (avec la réserve que les chiffres de 2018 étaient en grande partie issus d'une simulation), mais la situation nationale est contrastée. La proportion de Grands Cormorans dont le tir est autorisé, malgré la hausse du nombre d'oiseaux hivernant, est donc importante au regard de la population estimée. Lors des campagnes de destruction 2019/2020 et 2020/2021, 349 et 485 oiseaux ont respectivement été abattus, afin de protéger les piscicultures et les espèces de poissons menacées. Aussi, les actions de destruction mises en place annuellement, combinées à des mesures alternatives de protection par effarouchement, sont donc mises en ouvre afin de limiter l'impact de la prédation de l'espèce sur des espèces de poissons menacées. La question évoque l'annulation d'arrêtés préfectoraux relatifs aux autorisations accordées. Il convient de préciser que ces annulations concernent uniquement les arrêtés relatifs aux dérogations délivrées pour la protection des espèces de poissons protégées dans les cours d'eau et plans d'eau, suite à diverses requêtes déposées ces dernières années. À ce jour, 12 arrêtés ont été annulés et 7 contentieux sont en attente de jugement. C'est faute de pouvoir justifier de motivations suffisantes (présence dans les cours d'eau d'espèces de poissons protégés menacées, impact du Grand Cormoran sur ces espèces protégées, mise en œuvre de solutions alternatives non concluantes…) que les arrêtés préfectoraux ont été annulés par les tribunaux administratifs. Dans le cadre de la définition des nouveaux quotas départementaux triennaux dans les limites desquelles les dérogations pourront être accordées pour la période 2022-2025, des réflexions seront engagées afin de permettre la sécurisation des actes juridiques et d'éviter que les futurs arrêtés préfectoraux ne soient à nouveau annulés. S'agissant de la nécessité de mener une politique relative au Grand Cormoran au niveau national, il est important de rappeler que les dérogations à l'interdiction de destruction se fondent notamment sur les recensements nationaux triennaux des populations hivernantes et nicheuses. Par ailleurs le groupe national Grand Cormoran, composé de l'ensemble des acteurs concernés par l'espèce et ses impacts, a vocation à être consulté régulièrement, notamment afin d'aider à la préparation et à l'élaboration des textes juridiques relatifs à l'espèce. Il se réunira prochainement pour préparer le prochain arrêté triennal 2022-2025 définissant les quotas départementaux, dont la publication est prévue dans le courant de l'été 2022.

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