M. Julien Dive alerte Mme la ministre du travail sur le manque de contrôle de Pôle emploi quant à l'action des opérateurs privés de placement (OPP) auxquels l'organisme a régulièrement recours depuis 2007. Chaque année, près de 250 000 demandeurs d'emploi sont accompagnés par ces OPP dans leur démarche de retour à l'emploi, la loi n° 2005-32 du 8 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale ayant mis fin au monopole de l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE), puis de Pôle emploi, pour le placement des demandeurs d'emploi ; l'idée étant de multiplier les chances d'insertion grâce à un plus grand nombre d'acteurs mobilisés. En complément à ce texte donnant un cadre juridique aux opérateurs privés, a été votée la loi n° 2015-278 du 13 mars 2015 autorisant la ratification de la convention n° 181 de l'Organisation internationale du travail relative aux agences d'emploi privées. Malgré ces tentatives d'encadrement, le cahier des charges en matière d'accompagnement des demandeurs d'emploi n'est pas toujours respecté et est même bafoué par certaines agences privées : entretiens collectifs, rendez-vous décalés à la dernière minute, signature de fausses fiches de présence, la liste est longue ; sans parler d'une culture du résultat qui pousse des opérateurs à clôturer certains dossiers par des radiations injustifiées. Il est à noter que ces abus, bien que marginaux, continuent malgré les alertes lancées à l'occasion de plusieurs enquêtes et rapports de l'Inspection générale des affaires sociales comme de la Cour des comptes. De plus, ces opérateurs s'avèrent moins efficaces que Pôle emploi sur la durée, et le budget qui leur est alloué représente 130 millions à 186 millions d'euros par an à la charge de l'organisme selon les années. Face à ce constat d'échec, Pôle emploi n'est toujours pas doté des moyens permettant un meilleur contrôle des OPP ; et les demandeurs d'emploi ne disposent pour leur part d'aucun recours, étant fragilisés par une situation déjà précaire. Il lui demande si le Gouvernement compte intervenir pour mettre fin aux agissements des quelques opérateurs qui, d'une part, décrédibilisent la mission de service public qu'est celle de Pôle emploi et qui, d'autre part, causent du tort à des citoyens qui ne demandent qu'à pouvoir retourner sereinement à l'emploi.
En 2016, Pôle emploi a mis en œuvre, pour un montant total de 184 M€, plus de 600 marchés de prestations visant l'accompagnement de demandeurs d'emploi dans la recherche active d'emploi. La qualité des prestations rendues constituant un enjeu important pour son offre de services, Pôle emploi a engagé une réflexion stratégique sur les conditions de recours aux opérateurs de placement et a pris un ensemble de dispositions opérationnelles en vue de maîtriser la qualité de ces marchés. Fin 2013, afin d'améliorer l'articulation entre l'intervention de Pôle emploi et celle des opérateurs de placement, Pôle emploi a effectué un état des lieux qui a abouti à réorienter, dès 2014, sa doctrine de recours aux opérateurs. En effet, des évaluations menées par différents acteurs ont démontré que Pôle emploi était plus efficient que les opérateurs de placement pour accompagner les publics éloignés de l'emploi. L'opérateur public a alors choisi de positionner différemment le levier de la sous-traitance des prestations de service aux demandeurs d'emploi au sein de son offre de services. Désormais, il recourt à la sous-traitance pour les publics plus autonomes ou ayant des besoins spécifiques (par exemple, pour envisager une création d'entreprise ou aider à définir un projet professionnel). A partir de 2015, les cahiers des charges des marchés ont mis en œuvre ces orientations stratégiques et fait évoluer les relations avec les opérateurs en accroissant leur marge de manœuvre dans la réponse technique aux appels d'offres tout en renforçant, en contrepartie, le contrôle de la qualité lors de l'exécution des marchés. Depuis 2015, Pôle emploi exerce un contrôle renforcé de la qualité des prestations rendues par les opérateurs de placement qui s'articule autour de 7 axes : 1) des modalités de rémunération des prestations intégrant un contrôle qualité « implicite » : Pôle emploi a instauré des rémunérations de prestations conditionnées au résultat. Ces rémunérations sont très conséquentes puisque la part variable relative à la satisfaction des demandeurs d'emploi oscille entre 5 et 10% du prix de la prestation et celle relative au retour à l'emploi des demandeurs d'emploi avoisine 60% du prix. En cas d'abandon du demandeur d'emploi, la rémunération des opérateurs est fortement amputée, voire annulée. Il n'est donc pas dans leur intérêt de clore des accompagnements prématurément. Il est précisé à cet égard qu'un opérateur ne peut pas « radier » un demandeur d'emploi. 2) Le contrôle systématique et préalable des moyens mobilisés par les opérateurs : Aucune prestation ne peut débuter sans que par Pôle emploi n'ait validé les moyens mobilisés par les opérateurs et notamment la conformité technique des sites d'accueil des demandeurs d'emploi aux exigences des cahiers des charges, et l'expérience et le niveau de qualification des intervenants. 3) Le contrôle des livrables : Pendant la prise en charge des demandeurs d'emploi, les prestataires doivent régulièrement communiquer des livrables attestant de la réalité du service fait. Le contrôle a priori de la conformité de ces livrables est systématique et intervient avant tout paiement de la prestation. Il s'assure que le demandeur d'emploi a bien bénéficié de la prestation, que cette dernière s'est déroulée conformément au cahier des charges et il qualifie le résultat final afin de rémunérer l'opérateur en conséquence. Par ailleurs, Pôle emploi se réserve le droit de contrôler, de manière concomitante ou dans les 90 jours après réception, la qualité du livrable. Ce contrôle a posteriori vérifie l'intensité de la prestation sur laquelle s'est engagé le titulaire ou la concordance du service proposé au demandeur d'emploi avec un dispositif décrit dans l'offre technique du titulaire. Depuis le début des marchés en cours d'exécution, les contrôles de livrables ont abouti à près de 10 000 réfactions pour un montant estimé de 600 000 €. 4) Le contrôle in situ de la qualité des prestations délivrées et le traitement des réclamations des demandeurs d'emploi : Les directions régionales de Pôle emploi peuvent procéder à des contrôles inopinés sur site. Priorisés en fonction des remontées d'insatisfactions, ils permettent de vérifier la conformité des modalités de prise en charge des demandeurs d'emploi au cahier des charges et à l'offre technique. Depuis le début des marchés en cours d'exécution, ces contrôles ont abouti à 26 mises en demeure et près de 11 300€ de pénalités.Des actions correctives ont permis de lever toutes les mises en demeure. 5) L'analyse des enquêtes de satisfaction : Une enquête mensuelle est réalisée par un institut de sondage auprès des demandeurs d'emploi après la fin de la prestation. Les résultats sont consolidés chaque trimestre de façon à suivre, à la maille régionale mais également à la maille mandataire/cotraitant/sous-traitant, la qualité des prestations réalisées. Au second trimestre 2017, à l'exception d'Activ'emploi qui présente un taux de satisfaction de près de 70 %, le taux de satisfaction des prestations externalisées oscillent entre 85 % et 90 %. 6) La mise œuvre d'audit portant sur les processus supports clés : L'audit de processus évalue in situ l'organisation d'un processus pour s'assurer de sa maîtrise et de la capacité de l'opérateur à atteindre les objectifs fixés. Trois processus clés sont ciblés : le recrutement, l'intégration et la formation des intervenants, la gouvernance du marché (capacité du mandataire à piloter ses cotraitants/sous-traitants) et le contrôle de prévention et de lutte contre la fraude. L'audit comporte une partie chez le mandataire et une autre chez le cotraitant ou sous-traitant. Les objectifs sont de corriger les non-conformités et d'améliorer la satisfaction de Pôle emploi et des demandeurs d'emploi dans une démarche d'amélioration continue. A ce jour, près de 25 audits ont été menés auprès d'opérateurs nationaux ou régionaux et ont donné lieu, après détection de non-conformités, à la mise en œuvre de plans d'actions correctifs. 7) L'intensification de la gouvernance : Les cahiers des charges prévoient la tenue périodique d'instances de gouvernance permettant d'approfondir le dialogue avec les prestataires sur la base de l'ensemble des indicateurs disponibles (taux d'abandon, de retour à l'emploi, de satisfaction, résultats des contrôles qualités, synthèse des réclamations…). Ces instances sont de deux types : - des référents opérationnels prestations ont été désignés dans chaque agence et dans chaque région ; - des instances de pilotage ont également été créées : ° Des comités opérationnels au niveau de l'agence ou de la direction territoriale (2 à 3 par an et par opérateur) suivent principalement la qualité des prescriptions, en particulier le respect du critère du public concerné conformément au cahier des charges, ° Des comités de pilotage régionaux (1 à 2 par an et par opérateur) sont notamment chargés de partager les résultats quantitatifs et qualitatifs au vu d'indicateurs contractuels et non contractuels, de suivre la bonne exécution du marché, de suivre la qualité des prescriptions et le contrôle qualité des prestations, de relever et traiter les alertes éventuelles émanant des comités opérationnels, de suivre les résultats des actions mises en place lors des réunions précédentes et d'instaurer des actions correctives ainsi que de valoriser les bonnes pratiques émanant des réseaux, ° Des comités de pilotage nationaux pour les opérateurs dits nationaux (2 par an et par opérateur). En complément de ce contrôle renforcé, l'affermissement des périodes de reconduction des marchés est conditionné au degré de qualité des prestations délivrées évaluée à partir des taux de reprise d'emploi, d'abandon et de satisfaction ainsi que les résultats du contrôle qualité incluant, le cas échéant, les pénalités appliquées, les mises en demeure adressées et le résultat des plans d'action consécutifs. En conclusion, Pôle emploi a construit un système de contrôle global, impliquant tous les échelons de l'établissement et s'appuyant sur une large gamme de leviers, tenant compte de la spécificité des prestations destinées aux demandeurs d'emploi et tirant les enseignements de ses premières expériences dans ce domaine.
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